Les prix planchers, la plus mauvaise idée. Mieux vaudrait revenir à la compétitivité et répondre au consommateur mais…<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron au Salon de l'agriculture 2024.
Emmanuel Macron au Salon de l'agriculture 2024.
©Ludovic MARIN / POOL / AFP

Atlantico Business

On ne peut pas reprocher au Président de la République de sortir des idées... sauf que celle des prix planchers est la plus mauvaise, la plus démagogique, la plus toxique pour les consommateurs et les agriculteurs qui ont besoin de compétitivité.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les responsables politiques sont incorrigibles. Ils ne peuvent pas s’empêcher de faire de la politique, mais dès qu’ils sont coincés, ils se mettent à raconter ce que leurs électeurs réclament à cor et à cri, quitte à se retrouver en contradiction avec ce qu’ils ont défendu auparavant, et surtout en porte-à-faux face à la réalité qui finit toujours par se venger.

Pris au piège par la colère des agriculteurs, par un climat électoral qui annonce un fiasco aux prochaines élections européennes, Emmanuel Macron s’en est sorti avec trois idées qui ont un peu calmé le jeu. Mais personne n’est dupe, les idées nouvelles sont irréalisables, les agriculteurs eux-mêmes le savent.

Le projet d’installer des prix planchers dans l'agriculture est sans doute la plus mauvaise de toutes. Il s’agirait de fixer administrativement à partir des éléments de prix de revient, un prix plancher en-deçà duquel les prix des produits agricoles ne pourraient pas descendre. Très bien, en théorie, et les partis extrémistes ne se sont pas privés de rappeler qu'ils avaient proposé un tel système. Sauf que la fixation des prix planchers va donner des maux de tête à tout le monde puisqu'il faut les mettre en place filière par filière, et que les conditions de production sont très différentes selon les productions... bref, cette histoire finira au panier ou alors ouvrira la porte à des prix administrés par l’État, par le préfet, un peu comme en Union soviétique autrefois.

Sauf que là, c’est le contribuable qui financerait le prix plancher. À la limite, il faudrait mieux nationaliser la totalité de l’agriculture. D’autant que les agriculteurs eux-mêmes se retrouveraient avec des stocks invendables, comme au niveau européen autrefois où Bruxelles gérait des stocks de beurre ou de lait dont on ne savait pas quoi faire. L'ancienne Pac est morte d’une indifférence aux forces du marché. Les prix plancher ont deux inconvénients. Ils hypothèquent les exportations, sauf à les subventionner. Ils encouragent les importations, sauf a les taxer fortement . Les prix planchers ? Les agriculteurs n’en voudront pas.

L’idée de créer une loi "Egalim" à l'échelle européenne... Bien sûr, sauf que là encore, même pas en rêve. Il est d’ailleurs curieux d’entendre des agriculteurs pleurer à juste titre contre l'Europe et souhaiter qu’elle soit plus forte avec Egalim.

L’idée d’obtenir des facilités de trésorerie est paradoxalement la plus facile à négocier et à financer. Pourquoi ? Parce que la banque principale de l'agriculture, c’est le Crédit Agricole. Très discret dans cette crise.

Alors le Crédit Agricole ne peut pas faire n’importe quoi puisqu’il est bien obligé de respecter les réglementations bancaires, mais en revanche, il n'est pas obligé de sortir des ratios de rentabilité aussi puissants que la BNP Paribas. Après tout, le Crédit Agricole appartient aux agriculteurs. Les agriculteurs peuvent obtenir ce dont ils ont besoin, ils sont chez eux et ils ont des marges importantes.

Bref, toutes ces idées vont donner du grain à moudre aux candidats aux élections européennes puisque c’est la principale préoccupation. En attendant, on laisse les agriculteurs en jachère puisque on ne s'intéresse pas à leurs vrais problèmes. On leur parachute des tombereaux de normes et de contraintes à des fins de protection de l’environnement alors que les vrais problèmes sont de deux ordres :

Le premier, c’est le consommateur, et le consommateur a évidemment besoin d’un prix attractif, mais il a aussi besoin d’un produit de qualité, d’une information transparente sur l’origine précise et sur la composition, etc. Accessoirement, le consommateur, qui est aussi le contribuable, préférerait que l'agriculture n'aspire pas trop du produit de ses impôts.

Le deuxième problème, c’est la compétitivité. La compétitivité, c’est une organisation et une fonction de production qui permettent d’affronter la concurrence et de vivre du revenu de son travail. Personne ne parle de la compétitivité. C’est le B.A.-BA du fonctionnement d’une entreprise en économie de marché. Or, les entreprises agricoles sont des entreprises comme les autres. Elles doivent payer leurs salariés, leurs fournitures et dégager des marges pour financer leur développement. La clé de la compétitivité passe par la taille de l'exploitation, à savoir que plus l'entreprise est grande, plus les prix de revient peuvent être réduits. Cette compétitivité passe aussi par l’innovation technologique, enfin elle passe par la recherche marketing.

Cette nécessité de compétitivité oblige l’agriculture à faire cohabiter une agriculture de masse, avec ces exploitations immenses comme en Allemagne, en Ukraine ou aux États-Unis, avec une agriculture de proximité, à haute valeur ajoutée. L'agriculture française n'échappera pas à la consolidation mais aussi au développement des productions régionales et des niches.

Il faut reconnaître que l'agriculture française a laissé à d'autres acteurs de la filière le soin de trouver les moyens de satisfaire les consommateurs : les industriels, transformateurs (comme Lactalis et d’autres) et la grande distribution (centres Leclerc, etc.). Et les industriels comme les distributeurs ont atteint leurs objectifs en imposant aux producteurs des conditions difficiles à supporter.

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