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Les parents de nombreux pays asiatiques dépensent 7 fois plus que les Français pour le soutien scolaire à leurs enfants : devrions-nous les imiter ?
©Reuters

Compétition internationale

Les parents Sud-Coréens sont prêts à investir 15% de leurs revenus dans des cours et du tutorat pour que leurs enfants réussissent. La France essaye de suivre cette initiative en lançant des programmes. Les parents français pourraient être intéressés par la démarche mais dans certaines conditions.

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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Atlantico : Les parents asiatiques sont prêts à payer du tutorat à leurs enfants pour qu'ils réussissent leurs études. Ils sont prêt à investir 15% de leurs revenus annuels pour la réussite de leurs enfants. A l'inverse, en moyenne, les américains versent "seulement" 2% de leurs revenus dans les cours particuliers. Quelle est la situation en France ? Est-ce que les parents acceptent de payer pour des cours en tutorat à leurs enfants et dans quel but ? 

Pierre Duriot Oui, la tendance est lourde et des parents acceptent de payer pour, à leurs yeux, compenser les lacunes de l'école, favoriser scolairement leur enfant, obtenir un examen, ou lutter contre un déterminisme social ou géographique. Mais il ne faut pas voir cet investissement comme forcément positif ou relevant de la volonté d'améliorer le travail scolaire d'un élève. Il existe des dérives, nombreuses, économiques, avec une partie de ces cours équivalant à du travail non déclaré, par des étudiants ou des intervenants divers. Egalement, des cours en dehors du cadre scolaire peuvent concerner des enseignements sectaires ou religieux, avec la clé des avatars concernant la régression des droits des filles ou femmes, l'éventuel embrigadement sectaire ou religieux, voire la mise en danger des enfants. C'est l'un des aspects des enseignements extérieurs qui a été largement souligné dans des rapports sur les sectes ou abordés dans le rapport Obin sur les signes ou pratiques religieux à l'école, en liens éventuels avec des enseignements extérieurs. Pour le reste, la partie positive, si l'on peut dire, on cherche évidemment à améliorer un niveau scolaire, à combler des lacunes spécifiques, à préparer un examen ou une mention. En même temps qu'ils dénigrent l'école, avec parfois juste raison, les parents ont bien conscience et les statistiques sur le sujet le confirment, que le diplôme scolaire de départ conditionne le parcours professionnel du futur demandeur d'emploi. Les très bons élèves également, arrivés au bac, ne sont pas dupes et savent pertinemment qu'un coup de collier pour l'obtention d'une mention bien ou très est susceptible de leur ouvrir les portes de prestigieuses écoles.

Le modèle asiatique est très particulier car très intensif. Ces cours supplémentaires en plus de l'école engrangent une pression qui pousse de plus en plus d'étudiants dans des situations de détresse psychologique. Faut-il s'inspirer du modèle asiatique ? Si oui, à quelles fins ? 

Faut-il s'inspirer du modèle asiatique... en fait on n'y peut pas grand chose. Toutes les opérations de mixités ethniques ou sociales qui sont imposées artificiellement se soldent par des échecs, parce que les parents trouvent toujours un moyen pour envoyer leurs enfants là où ils le souhaitent ou les soustraire à ce qu'ils n'estiment pas viable. Il en va de même pour le tutorat. Le législateur ne peut « s'inspirer », ce sont les demandeurs qui font le marché, nous sommes dans une société libérale, rappelons le. Ils ont permis, ces dernières années, la création de nombreuses entreprises d'enseignement qui ont largement vitrine sur la vie publique et sur le web. S'il y a une demande, il y aura une offre, quelle que soit la loi ou la position du législateur. La limite ne vient pas de la règle posée mais de l'adhésion ou non de l'élève au processus. Soit il se lance dans l'aventure de l'amélioration de son niveau scolaire parce qu'il est volontaire, ou pour faire plaisir à ses parents, parfois quitte à en souffrir. Soit il ne collabore pas du tout et il est impossible de l'y forcer. Et on retrouve les objectifs traditionnels énoncés à la première réponse. C'est bien la souffrance éventuelle de l'élève concerné qui se révèle être la limite du processus.

Pour lutter contre le suicide des jeunes, ​le gouvernement sud-coréen prend des mesures pour imposer que les élèves soient bien chez eux à 23h. Quelles sont les mesures prises par le gouvernement français pour encourager ou améliorer le tutorat ?

Le gouvernement français, à la fois lutte contre et favorise le tutorat. Il lutte en veillant au travail dissimulé, contractualise des établissements privés, engage des partenariats éventuels pour reconnaître des formations, fait fermer des établissements inadaptés. Mais en même temps, il est lui même un promoteur puissant du cours supplémentaire par le biais des très connus CNED, des AFPA, CNAM, GRETA, publics, privés, semi-privés, contractualisés, inspectés et qui viennent compléter l'offre de formation de l'Education Nationale. Mais avec l'offre de formation privée ou semi-publique, on entre dans le marché des services ordinaires et le cadre juridique existe déjà, est facilement accessible. Après, les mesures d'encouragements et d'améliorations sont du même ordre que celles qui peuvent être mises en œuvres, par exemple pour les services à domicile ou les soins, sous forme de chèques ou de défiscalisation. A ce titre, l'avantage fiscal accordé au bénéfice de l'emploi salarié à domicile a été institué dans le but de favoriser la création d'emplois par les particuliers. Il comprend aussi les cours de soutien scolaire.

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