Les milieux d'affaires attendent le nouveau gouvernement sur trois dossiers : la baisse des prélèvements sociaux, l'énergie et l'Union européenne<!-- --> | Atlantico.fr
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Bruno Le Maire s'exprime lors d'une réunion des Entrepreneurs de France (REF) organisée par le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) à l'hippodrome de Longchamp à Paris, le 29 août 2023.
Bruno Le Maire s'exprime lors d'une réunion des Entrepreneurs de France (REF) organisée par le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) à l'hippodrome de Longchamp à Paris, le 29 août 2023.
©Emmanuel Dunand / AFP

Atlantico Business

Les milieux d'affaires se moquent de savoir si le prochain gouvernement sera plus à droite que le précédent. Les chefs d'entreprises veulent de la performance dans la gestion de la maison France, et donc des résultats économiques seul moyen de renforcent l'autonomie et la puissance du pays.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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« Que le président fasse du régalien... et rien que du régalien, c’est-à-dire de l'ordre, de la justice et de la défense nationale, avec une ambition et un cap précisément fixés et respecté. Du régalien… Pour le reste, qu'il nous laisse créer de la valeur et faire de l’argent mais pour cela qu’il constitue un gouvernement capable de gérer la maison France avec un objectif précis : optimiser la puissance économique et financière ». Pour les chefs d’entreprise, la demande est claire, même si la plupart préfèrent garder l’anonymat et ne pas donner l'impression de faire de la politique.

Parce que, sans être cynique, pour le monde des affaires, un pays riche peut tout se permettre. Comme une entreprise, il peut gérer ses emplois, colmater les dysfonctionnements et les inégalités, rêver et préparer l’avenir, affronter la concurrence, etc. Mais la clé nécessaire, c'est la puissance économique.

Les entreprises, qu'on le veuille ou non, sont au cœur de la création de richesse, et pas seulement en France. Dans le monde entier, à l'Est comme à l'Ouest, la valeur se crée dans l’entreprise. Et aujourd'hui, les chefs d’entreprises français, importants ou modestes, savent ce dont ils ont besoin. Ils ont besoin de liberté et de stabilité. Ils attendent du nouveau gouvernement qu'il agisse d’abord sur trois dossiers qui brident leur capacité de développement.

Le premier de ces dossiers est celui des prélèvements sociaux, le plus lourd et le plus compliqué à gérer politiquement. La France a cette spécificité d’avoir le modèle social le plus généreux du monde, un formidable acquis social qui protège théoriquement bien les Français : sur l'assurance maladie, le chômage, la famille et la santé. Au total, plus de 1000 milliards d’euros sont ainsi consommés chaque année en prestations, subventions et aides en tout genre. Ces prestations reviennent dans le circuit économique, puisqu’elles sont consommées, produites et en service. Le problème, c'est que le coût global (1000 milliards d’euros) est prélevé principalement sur la valeur créée par le travail.

C’est l'entreprise qui collecte cette manne pour le compte de l'État et des organismes sociaux. Cela représente plus de la moitié du salaire brut (cotisations salariales et patronales). Cela veut dire que le salarié est amputé de près de la moitié de la valeur qu'il a créée, que le coût du travail est 50 % plus cher que ce qu’on raconte au salarié. Donc, le résultat de cette mécanique est infernal, elle dissuade le salarié de travailler, elle dissuade l'entreprise de créer des emplois – mieux vaut acheter des robots, même si les robots n’ont pas la capacité de création des salariés.

Tant que le système français n’aura pas déverrouillé ce système de prélèvements, il sera bridé dans sa capacité de développement. Que faudrait-il faire ? Évidemment, réduire drastiquement le montant des prélèvements sociaux. C’est le seul moyen de rendre aux créateurs de valeur la possibilité d'utiliser ce qu'ils gagnent. Socialement et politiquement, cette révolution est impossible à mettre en œuvre, sauf à remplacer progressivement le système social fondé sur la solidarité par un système fondé sur la logique assurantielle. Chaque acteur économique prend la responsabilité et la liberté de s'assurer contre les risques : risques santé, risque retraite, risque emploi, etc.

Ce changement revient à privatiser une partie de la sphère sociale. Actuellement, c’est un tabou, sauf qu'on pourrait essayer, faire des expériences. Une retraite par capitalisation ça marche, une assurance complémentaire ça marche, au point que 80 % des salariés en ont pris une, etc.

Le deuxième dossier à traiter est celui de l'énergie. La crise du COVID, la guerre en Ukraine et l'urgence climatique ont obligé de nombreux pays occidentaux à chercher des sources énergétiques alternatives aux énergies fossiles. Face à cette crise, la France a eu l'intelligence de se souvenir qu'elle avait une capacité à développer une énergie nucléaire, propre et peu coûteuse. Ce nucléaire qu'on a réveillé avec beaucoup de difficulté répond à la contrainte carbone, mais offre aussi une solution pour garantir la souveraineté énergétique et enfin un prix très compétitif à l'industrie. Cette énergie-là a toutes les qualités. Les chefs d’entreprises français s'en réjouissent, mais s'interrogent sur la détermination française à développer le parc de production. Tout se joue actuellement.

Le troisième dossier est celui de l’Europe. L'Union européenne a beaucoup de problèmes techniques et juridiques à résoudre : son mode de gouvernance, son élargissement, sa capacité de se défendre. Ces problèmes relèvent du régalien de chaque État. Parallèlement, le monde de l’économie a besoin que cette Europe se resserre et se réunifie, pour faire face à la concurrence mondiale et notamment américaine. Nous avons quitté l'époque d'une mondialisation multilatérale pour entrer dans une mondialisation bilatérale, avec une primauté des intérêts nationaux. L'Amérique notamment a décidé d'un plan d'aide à l'économie gigantesque pour s'assurer une autonomie. L' « inflation-acte » atteint plus de 100 milliards par an. Le corollaire de cette intervention de l'État américain dans les entreprises va être d'installer des systèmes protectionnistes. L'Amérique de Biden a mis en place des protections contre les Chinois, mais ces protections vont aussi jouer contre les Européens. L'Europe, pour sa part, n'a pas pris conscience de cette évolution qui est pourtant déjà très réelle dans l'automobile. L'Américain ne roulera pas chinois, mais il ne roulera pas non plus européen. L'industrie automobile sera la première pénalisée. Si demain Donald Trump revient à la Maison Blanche, comme les sondages l'indiquent, le protectionnisme américain sera encore renforcé. Or, si l'Amérique a la possibilité de vivre en autarcie en ignorant le reste du monde, l'Europe n'a absolument pas la possibilité de se protéger.

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