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Les Gilets jaunes, le cri de la liberté
©GEORGES GOBET / AFP

L'impôt de trop

Du tribut de Delos au Tea Act, l’impôt cristallise la colère des humbles contre les puissants et marque le début de révolutions. En sommes-nous là aujourd’hui en France ?

Didier Salavert

Didier Salavert

Didier Salavert est co-fondateur du think-tank la Fondation Concorde qu'il a aujourd'hui quitté.

Vice-président et porte parole d’Alternative Libérale, il a participé à plusieurs campagnes électorales de Jacques Chirac, sans toutefois jamais adhérer au RPR.

 

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Et si la revendication commune des gilets jaunes, celle dans laquelle ils se reconnaîtraient dans le patchwork de leurs revendications, n’était autre que la liberté, la liberté de jouir de la richesse qu’ils créent et d’allouer celle-ci par eux-mêmes aux besoins qu’ils veulent. Non, 2018 n’est pas les années 30, c’est 1788. Aujourd’hui comme alors, le peuple réclame seulement ce qui lui est enlevé un peu plus chaque jour depuis trop longtemps : la liberté d’exister par le fruit de son travail. Elle est un droit inaliénable et c’est insupportable d’entendre l’Etat dire qu’il fait un cadeau en simplement renonçant à un prélèvement supplémentaire, comme si toute richesse créée lui appartenait de droit.

Nul ne sait quand commence une révolution et quel peut être son élément déclencheur. Les hommes peuvent courber le joug pendant longtemps. Les grands arbres supportent une masse importante de neige. Mais un seul flocon de trop les fait rompre. Et dans la société des hommes, ce flocon prend souvent la forme d’un impôt de trop. Du tribut de Delos au Tea Act, l’impôt cristallise la colère des humbles contre les puissants et marque le début de révolutions. En sommes-nous là aujourd’hui en France ?

La lecture de la colère des individus est chose difficile pour celui qui ne l’éprouve pas. « Qu’ils mangent de la brioche ! » comme le fait dire Rousseau à une princesse dans ses Confessions pour marquer l’inintelligibilité d’une colère sociale par la classe dominante. Et ne pas comprendre le fond de cette colère conduit à lui apporter les mauvaises réponses.

Le prix du carburant n’est que l’épiphénomène d’une tension sociale bien plus profonde. Depuis des années, une grande majorité des Français, et parmi eux les plus fragiles, constatent une diminution de son pouvoir d’achat. En fait, cette diminution – hors diminution en valeur absolue pendant de courtes périodes – est celle du taux d’augmentation annuelle du pouvoir d’achat. Ce ralentissement est perçu comme une diminution en valeur absolue pour plusieurs raisons :

- une frustration des anticipations de hausses du pouvoir d’achat (ainsi une stagnation est perçue comme une baisse),
- l’émergence de nouveaux achats considérés de base et donc presque contraints sous peine de sentiment de déclassement social (téléphone, voyages etc.),
- l’explosion du pouvoir d’achat d’une petite minorité de la population.

La France connaît donc de fait une paupérisation relative depuis plusieurs décennies et ce phénomène s’accélère. Or les dirigeants de notre pays sont dans le déni de réalité face à ce problème qui ne se lit pas dans les statistiques de l’INSEE.

La colère est dirigée vers l’Etat et les élites naturellement qui ont échoué dans leurs promesses. Incompétence, aveuglement idéologique ou cynisme se conjuguent pour faire croire aux Français depuis trop longtemps que :

- une machine à redistribuer crée de la valeur, donc de la richesse à partager,
- il existe un modèle de production plus efficace que celui fondé sur la liberté d’entreprendre et la propriété privée,
- il n’est de problème qu’une nouvelle réglementation ou un nouvel impôt ne pourra résoudre.

L’échec était inscrit dans le programme. Il est maintenant patent même si ses causes sont encore peu partagées tant les élites et les médias s’accrochent au modèle qui justifie leur position de pouvoir.

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Redistribuer, réglementer et taxer constituent l’essentiel de l’activité étatique. La fiscalité écologique constitue l’étape ultime de ce jeu devenu ubuesque. Les Français n’ont pas eu besoin d’un doctorat en économie pour le comprendre et le rejeter. Ils ont démonté son mécanisme malgré sa tentative d’imposition à grands renforts d’impératifs par les médias :

- « la transition énergétique est seule capable de sauver la planète » : sans discuter le bienfondé de cette assertion, sachant que la France représente moins de 1% des rejets de CO2 dans le monde et que le transport routier lui-même constitue moins d’un tiers de ceux-ci, une baisse des émissions de CO2 par les automobilistes français de 50 % aurait un impact de 0,15 % sur les émissions de CO2 mondiales, autrement dit presque nul ; il est certain que la terre ne sera pas sauvée par les taxes françaises sur le carburant ; par contre, leur impact sur le bien être de 90 % des Français sera considérable ;
- « l’augmentation de la fiscalité est l’outil le plus efficace d’une politique écologique » : si l’impôt était capable de résoudre des problèmes, cela se verrait depuis longtemps et la France championne du monde des impôts serait le pays le plus heureux du monde ;
- « les taxes écologiques sont destinées à améliorer la qualité de l’environnement » : les Français ont compris que qualifier une taxe d’écologique était de l’écoblanchiment ; le principe de non-affectation budgétaire interdit l’affectation des taxes écologiques à des actions spécifiques pour l’environnement ; elles alimentent, comme les autres impôts, les dépenses générales de l’Etat qui sont devenues par ailleurs hors de contrôle.

Il existe des moyens efficaces pour faire face au défi environnemental. Ces moyens qui reposent sur l’innovation, la responsabilité individuelle et l’initiative privée, portent des potentiels de création de richesses pour un grand nombre de citoyens. Ils n’ont qu’un seul défaut : ils n’alimentent pas la machine administrative et étatique. Rappelons-nous le Minitel et Internet. Le premier était centralisé et aux mains d’une société d’état auquel il procurait des revenus élevés. Le second était juste l’opposé. On sait ce qui est arrivé alors que nos ingénieurs et nos entreprises privées avait tout pour régner sur Internet. Bis repetita dans l’environnement.

Le Président Macron avait promis un langage de vérité et une politique différente. Les Français découvrent qu’il inscrit son discours et son action dans la droite ligne de ses prédécesseurs, sous couvert de quelques réformes de structure, certes méritantes mais très insuffisantes. Il est urgent de repenser l’impôt dans ses fonctions :

 l’impôt progressif sur le revenu fut créé en 1914 pour couvrir les dépenses régaliennes de l’Etat, avec la promesse par ses promoteurs que son taux ne dépasserait pas 2 % ;
- puis fut assigné à l’impôt une nouvelle fonction : la redistribution de la richesse créée ; bien évidemment, cette fonction justifia une nouvelle augmentation des prélèvements ;
- enfin, les impôts et taxes de dernière génération se voient assigner la modification des comportements individuels.

Regardons le résultat de ces politiques :
- des dépenses publiques hors de contrôle,
- une redistribution inefficace,
- un totalitarisme rampant.

Si l’impôt était aussi efficace que revendiqué par ses promoteurs, la France avec ses prélèvements obligatoires les plus élevés du monde devrait jouir des meilleurs services publics au monde, de la moindre des inégalités et d’un comportement exemplaire (dans la santé et l’environnement). Or chacun peut constater que c’est loin d’être le cas. Cependant, nous entretenons une administration obèse.

Les gilets jaunes sont ces Français qui subissent dans leur vie quotidienne, les conséquences d’une redistribution coûteuse et inefficace, de règlements absurdes et de taxes confiscatoires. Il est temps d’écouter cette France méprisée d’en haut et par le pouvoir concentré dans la capitale.

Ce serait un nième erreur de penser qu’un aménagement de la nouvelle fiscalité (au travers d’une « usine à gaz » telle qu’évoquée par le Président) ou qu’une quelconque réglementation supplémentaire va apaiser les Français. Il n’en sera rien car aucun de leurs problèmes sera ainsi résolu. Au contraire, l’Etat s’enfoncera encore plus profondément dans l’erreur.

Que faire ?

Les Français crient à tous les ronds-points à leurs dirigeants : rendez-nous notre liberté de déplacement, laissez-nous travailler, cessez d’entraver notre énergie, laissez-nous innover. Les Français veulent la liberté. Ils réclament la sécurité certes mais ils ne croient plus en la sécurité que prétend leur apporter l’Etat. La sécurité demandée est celle assurée par la possibilité de conserver pour eux-mêmes une part importante de la richesse qu’ils créent. Ce n’est pas plus compliqué mais hélas, cette demande est devenue inaudible à ceux qui ont fait de l’entrave à la liberté leur raison d’être.

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