Les Européens peuvent se réjouir des difficultés du modèle allemand, mais certainement pas d’une récession<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ralentissement outre-Rhin redonne, pour l'instant, de l'oxygène à l'Europe.
Le ralentissement outre-Rhin redonne, pour l'instant, de l'oxygène à l'Europe.
©HANNIBAL HANSCHKE / AFP / POOL

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L'Allemagne va terminer l'année comme "l'homme malade de l'Europe..." Le ralentissement outre-Rhin redonne de l'oxygène à tout le monde, mais une récession nous conduirait à l'asphyxie.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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En Europe comme ailleurs, il ne faut sans doute pas trop se réjouir du malheur des autres. Face aux difficultés du modèle allemand, les Européens ne pleurent que des larmes de crocodile, car la plupart considèrent que l'affaiblissement des performances d'outre-Rhin va leur apporter une marge de manœuvre pour assumer leurs propres difficultés. Cela dit, les plus lucides considèrent aussi que si la locomotive européenne a des ratés sérieux, leswagons derrière finiront par avoir du mal à se traîner s'ils ne font pas d'efforts d'adaptation.

Depuis la fin du premier semestre 2023, l'Allemagne est entrée en récession... C'est un phénomène historique. La plupart des membres de l'Union européenne ont enregistré une reprise début 2023, notamment la France où la croissance des six premiers mois de l'année est bien meilleure que ce qu'on craignait, avec 0,5 % (contre 0,3 %), un commerce extérieur soutenu par les exportations de produits de luxe, la construction navale et aéronautique, ainsi que le boom du tourisme. Le pari de Bruno Le Maire de finir l'année 2023 avec 1 % de croissance n'est pas perdu, ce qui permettrait de construire un budget 2024 beaucoup plus solide. La plupart des autres pays membres de l'Union ne devraient pas s'en sortir trop mal non plus. À l'exception de la Grande-Bretagne (qui ne fait plus partie de l'Union européenne), le seul partenaire en difficulté est donc l'Allemagne, un peu comme dans les années 1990 après la chute du mur et l'effondrement de l'Union soviétique.

À court terme, la première économie de l'Union européenne est sortie de l'hiver après deux trimestres consécutifs de baisse de son PIB, soit une récession qui pourrait durer sans que personne ne sache combien de temps et avec quelle gravité.

Pour des raisons  très simples : la crise énergétique, l'inflation et la hausse des taux d'intérêt ont entraîné une baisse de la demande intérieure et de l'investissement, plus forte que dans les autres pays européens en raison du contexte géopolitique. La guerre en Ukraine d'un côté, le durcissement de la politique chinoise de l'autre, ont déséquilibré le modèle économique allemand. L'arrêt des importations de gaz russe a supprimé une source de compétitivité très importante, obligeant le gouvernement et les entreprises allemandes à rechercher rapidement des sources d'énergie sécurisées (le gaz liquide et le pétrole) et à accélérer la transition vers des énergies renouvelables (l'éolien notamment). La gravité du conflit avec la Russie et l'instabilité des relations ont profondément déséquilibré le modèle allemand. 

Le durcissement de la politique chinoise après la gestion calamiteuse du Covid et les rivalités avec les États-Unis ont freiné la croissance chinoise. L'Allemagne, en tant que l'un des premiers clients partenaires de Pékin, a dû revoir son logiciel. Ajoutons à ces contraintes que les difficultés liées à la transition écologique vont freiner durablement la croissance allemande à long terme.

Sur le plan intérieur, la décision du gouvernement allemand de mettre fin au "quoi qu'il en coûte" a déséquilibré un grand nombre d'entreprises allemandes. Avec moins de croissance en interne et en externe, avec des conditions de production plus coûteuses, l'Allemagne a perdu son rôle de premier de la classe.

Alors, pour les autres élèves européens, l'impact n'est pas encore trop fort. Au contraire, avec des difficultés, l'Allemagne a été obligée d'alléger une partie de ses exigences de performance vis-à-vis de la communauté européenne. D'autant plus qu'elle n'a plus de clés évidentes pour un nouveau miracle économique. Elle va devoir collaborer sur l'énergie avec la France si la France parvient à relancer ses programmes nucléaires. L'Allemagne va également être obligée de réduire la pression écologique, dont une partie était télécommandée par les Allemands, alléger la pression monétaire, puisque sa compétitivité industrielle est déjà moins forte, etc. Avec un modèle social plus coûteux qu'auparavant, compte tenu du vieillissement démographique.

L'effet d'entraînement sera probablement bien plus faible, en particulier sur le marché allemand qui demeure le premier marché d'exportation pour l'ensemble de l'Europe. Les statistiques du commerce extérieur montrent déjà ce changement. De plus, la signature allemande sur l'euro risque de se déprécier un peu, ce qui signifie que les taux d'intérêt pourraient augmenter plus vite et plus fortement. L'Allemagne était d'une exigence très agaçante pour les autres pays en surveillant la gestion des dépenses publiques, mais cela fournissait également des garanties aux marchés qui profitaient à l'ensemble de la zone euro. Si l'Allemagne banalise son modèle, l'euro pourrait perdre de sa force, ce qui ne serait pas forcément positif pour l'ensemble de la zone. L'euro fort (grâce à l'Allemagne) avait non seulement des inconvénients, mais aussi des avantages que l'Europe pourrait perdre si l'Allemagne connaît une récession durable.

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