Les émeutiers détestent-ils la France ou… eux-mêmes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La cité Pablo Picasso de Nanterre, où vivait Nahel avant sa mort, Photo AFP
La cité Pablo Picasso de Nanterre, où vivait Nahel avant sa mort, Photo AFP
©MICHEL RUBINEL AFP

Trouble identitaire

A hauteur d’individu, lorsqu’on ne s’aime pas, on est aussi incapable d’aimer les autres. La règle vaut-elle au niveau des groupes ?

Farid Temsamani

Farid Temsamani

Farid Temsamani est consultant en intelligence économique et porte-parole de l'association "Banlieue Plus".

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Atlantico : Des émeutes ont éclaté à travers le pays depuis la mort de Nahel à la suite d’un refus d’obtempérer. La plupart des émeutiers s’en sont pris à des magasins ou à des mairies et des commissariats mais aussi à des immeubles comme à Villeurbanne, à une bibliothèque à Marseille, à des médiathèques, à des écoles, à des crèches… Comment expliquer que les émeutiers soient près à détruire, cibler ou brûler des sites utiles et vitaux pour leur propre environnement et leurs propres quartiers ? Pourquoi les émeutiers brûlent leurs propres quartiers [Nanterre est une ville très attractive, donc pourquoi prétexter un manque d’intégration] ? 

Farid Temsamani : Ces attaques sont complétement consternantes. Les émeutiers organisés s’en prennent aux véhicules de leurs parents ou voisins, ils pillent et détruisent des commerces où ils font eux-mêmes leurs courses en temps normal. Ils brûlent des édifices de services publics dont leurs familles sont les premières bénéficiaires. Des établissements dont les employés sont précisément des habitants des mêmes quartiers !

Ce sont autant d’actes non réfléchis. Globalement, ils s’en prennent finalement aux biens de proximité, et ne s’éloignent jamais de leurs environnements. D’une certaine manière, il s’agit également de l’effet de relégation dans l’espace géo spatial. 

Nous pouvons également expliquer ces scènes surréalistes par l’expression d’une accumulation de frustrations. Le drame de Nanterre en est le déclencheur émotionnel, mais les frustrations non traitées que cela soit dans le cadre familial, éducatif, institutionnel, culturel, ou identitaire peuvent-être les raisons de cette expression de violence.

Nanterre n’en fait pas l’économie, en dépit de son attractivité. Pire, la gentrification, la redistribution inégale des fruits de cette attractivité et les choix de politique locale ont quelque peu accentué le sentiment d’exclusion. 

On entend souvent que les émeutiers détestent la France et le manifestent ainsi. Est-il possible qu’ils se détestent en fait eux-mêmes, en raison d’une mécanique du sentiment d’appartenance abîmée ? 

Je pense qu’ils exècrent avant tout l’image que la France renvoie d’eux. Ces émeutiers, et plus largement une forte partie des jeunes de ces territoires, détestent leurs conditions d’existence au sein de notre pays, leur position dans la communauté nationale et l’absence de perspective. Finalement, leur situation dans notre pays les empêche de profiter de ces magnifiques bienfaits. 

D’une certaine manière, il s’agit d’une quête de reconnaissance : on ne les reconnait que de manière négative. Ils sont à la recherche d’une reconnaissance positive. C’est ceci qui participe à générer ses frustrations et débordements.

Parallèlement, nous remarquons également un discours identitaire victimaire de plus en plus fort, voire même une rancune vis-à-vis de leur propre pays. Celui-ci est le fruit direct de la politique d’intégration catastrophique menée dans notre pays depuis les années 80. Mais, c’est aussi la conséquence des intérêts bassement électoralistes et cour-termisites de certains acteurs politiques. 

A noter également l’influence des pays dont sont originaires les parents ou grands-parents de certains de ces émeutiers qui parfois poussent à la détestation de la France sous fond de rente mémorielle.   

La réalité des émeutes souligne-t-elle un trouble identitaire chez une partie des immigrés ou des jeunes générations issues de l’immigration ayant participé à ces pillages et actes de vandalisme qui ne se sentent ni d’ici, ni d’ailleurs ? 

Complétement ! Notre pays n’a jamais pris la mesure d’une pédagogie et application effective des idéaux républicains permettant un sentiment d’appartenance apaisé et assumé. Pire, la politique d’intégration aux conséquences factuellement racistes a accentué cette marginalisation. J’en tiens témoin l’absence d’explication et d’explicitation de notre philosophie sur l’universalisme républicain et ses équilibres historiques.

En conséquence, nous avons une large partie des descendants d’immigrés ne mesurant pas les conditions d’appartenance à la France. Nous constatons également les influences des lobbyistes étrangers dont la volonté est de délier ce particularisme français, et contribuent ainsi à accroitre ce trouble. Enfin, pour ceux d’entre eux ayant cru à l’école de la République : la réalité des plafonds de verre de notre société - à diplômes et compétences équivalents dans la construction des carrières personnelles - annihile tous les espoirs in fine.

Dans quelle mesure cela souligne-t-il également un rapport compliqué à l’héritage de leurs parents ?

Les immigrés originaux ayant eu la force de quitter leur pays pour des raisons économiques sont venus travailler dans une époque où notre pays avait un besoin de main-d’œuvre. 

Leurs enfants et petits-enfants sont nés et ont grandi en France. Ils sont par conséquents complètement français. A mon sens, lorsque l’héritage est transmis, ces descendants expriment plutôt la fierté du parcours de leurs aînés. 

Ainsi, leurs aspirations sont différentes donc de celles de leurs parents ou grands-parents, mais ne diffèrent nullement des autres français. Ils cherchent naturellement l’épanouissement personnel et ambitionnent une reconnaissance positive.

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