Les combattantes de l’info : Sonia Mabrouk, la passion de la France<!-- --> | Atlantico.fr
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Gérard Bardy publie « Les combattantes de l'info Ces voix qui osent » aux éditions Télémaque.
Gérard Bardy publie « Les combattantes de l'info Ces voix qui osent » aux éditions Télémaque.
©Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Bonnes feuilles

Gérard Bardy publie « Les combattantes de l'info Ces voix qui osent » aux éditions Télémaque. Une nouvelle génération de journalistes est apparue. Toutes sont des femmes dont le visage nous est devenu familier. Elles prennent le contrepied de la pensée dominante qui règne sans partage depuis plusieurs décennies dans les médias. Extrait 1/2.

Gérard Bardy

Gérard Bardy

Reporter, correspondant militaire puis rédacteur en chef adjoint à l'AFP pendant quinze ans, Gérard Bardy a ensuite pris la tête de plusieurs rédactions du groupe Bayard (dont Le Pèlerin Magazine). Il a collaboré huit ans au Monde. L'ensemble de ses écrits lui a valu de recevoir la Grande médaille d'or 2020 de l'Académie des Arts, Sciences et Lettres.

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Intégrée à la rédaction de l'hebdomadaire Jeune Afrique, Sonia Mabrouk va y rester trois ans et apprendre « sur le tas » tous les rudiments du métier de journaliste. C'est en 2008 qu'elle va faire la connaissance de Jean-Pierre Elkabbach, devenu président de la chaîne parlementaire Public Sénat, lequel lui propose de rejoindre son équipe pour y présenter le journal ; ce qu'elle accepte sans hésiter une seconde, occupant aussitôt l'antenne avec une aisance étonnante. Le même Jean-Pierre Elkabbach, figure historique d'Europe 1, l'appelle à rejoindre cette radio en 2013 pour y animer chaque samedi le « Débat des grandes voix » ainsi que pour coprésenter la tranche d'informations du dimanche soir avec Patrick Roger. Son sérieux, sa préparation studieuse des interviews, sa façon courtoise mais ferme de poser les questions aux invités, ses excellentes relations avec les équipes de la station… font qu'elle ne quittera plus Europe 1 malgré les secousses traversées par cette radio aux programmes et aux audiences très chahutés.

Chaque fois que la grille des programmes est modifiée, Sonia Mabrouk se voit confier une émission phare ou une tranche horaire importante. Son carnet d'adresses et ses bonnes relations avec tout l'échiquier politique l'installent comme une grande spécialiste de la politique intérieure. Chaque matin pour une interview, aux côtés du journaliste libéral Dimitri Pavlenko, venu du Figaro, ou le dimanche soir seule aux commandes de l'émission politique « Le Grand Rendez-vous », elle continue à imposer son style direct en n'hésitant pas à recadrer tel ministre qui s'écarte de la vérité ou telle féministe qui passe les bornes.

De la même façon, à partir de la rentrée 2019, elle anime « Midi News », la tranche d'information de la mi-journée sur CNews où elle obtient des scores d'audience jalousés. Rien ni personne ne l'irrite plus que ceux qui, régulièrement, accusent la chaîne d'être aux mains du milliardaire Vincent Bolloré, lequel pèserait sur son orientation politique selon les journalistes de gauche. Invitée en mars 2023 par le « Buzz TV » du Figaro, elle s'agace et répond : « Pourquoi on ne pose pas la même question à un journaliste de BFM TV ? Est-ce qu'on lui demande si M. Patrick Drahi intervient sur sa ligne éditoriale ? »

Pour l'intouchable « camp du bien », travailler pour Vincent Bolloré rendrait impossible l'indépendance d'un journaliste. En témoigne, ce 12 mars 2023, le regard un rien dédaigneux porté sur Sonia Mabrouk par Élise Lucet, toutes deux invitées de l'émission « Quelle époque ! » sur France 2 quand la mordante animatrice de « Cash investigation » soutient que ses enquêtes dérangeantes ne seraient pas permises sur une chaîne privée « payée par les annonceurs », ce que dément Sonia Mabrouk qui – tout sourire – réplique : « Eh bien moi, j'attends un “Cash investigation” consacré à France Télévisions ! »

Partout où elle est invitée à s'exprimer sur la profession de journaliste, elle aussi parle cash et renvoie dans leur case tous ses confrères donneurs de leçons, comme ce 1er février 2023 au cours d'une conférence à l'École de guerre à Paris : « Un journaliste qui se respecte est un journaliste engagé ; la neutralité est un mensonge. Il n'existe pas de journaliste neutre ; il n'y a que des journalistes qui cachent plus ou moins bien leurs convictions et leurs opinions. Mais un journaliste engagé n'est pas forcément un journaliste partisan. »

À la condition qu'il veille au caractère inviolable des faits, elle soutient que tout journaliste doit ouvertement et librement dire d'où il parle, avec les risques que cela comporte. Elle explique, au cours de cette conférence : « Il ne faut pas chercher l'adhésion totale quand on veut défendre ses idées et c'est un sérieux combat qui vous attend quand vous voulez les confronter à celles des autres. » Parmi les écueils, elle cite les réseaux sociaux, la « déculturation généralisée qui passe par la désagrégation du message éducatif » et la mode du clash permanent cultivée par ceux qui cherchent l'audience à tout prix.

« Il faut, dit-elle en faisant référence à Twitter, être téméraire et même un peu fou pour s'aventurer aujourd'hui dans un monde énervé […] et pour devenir le punching-ball d'une communauté en manque de repères. […] Il faut accepter qu'en 140 ou 280 caractères on vous démolisse, on vous moque. »

Devant les élèves de l'École de guerre qui souhaitent l'entendre sur « la valeur sacrée de l'engagement », elle n'hésite pas à soutenir que l'hymne national, le drapeau, l'engagement personnel du soldat font partie du domaine du sacré, mais, regrette-t‑elle, « on désacralise tout ça ! ».

Excepté ceux qui travaillent dans la presse confessionnelle, ils ne sont pas bien nombreux les journalistes français à réfléchir à la place du sacré, d'abord parce qu'ils sont aveuglément attachés à la laïcité comme le bigorneau à son rocher. Pourtant, ce sujet est si important pour Sonia Mabrouk qu'elle lui a consacré tout un livre, Reconquérir le sacré, pour essayer de démontrer que « la survie de l'Occident passera par le sacré ».

Façonnée par sa double culture et refusant de hiérarchiser son attachement à la Tunisie et à la France, se réjouissant de la grande ouverture d'esprit que cette situation lui a offert, elle analyse les dossiers les plus sensibles du moment, comme le wokisme, l'immigration, l'islam ou la diversité, sans esprit partisan mais avec les yeux grand ouverts du témoin engagé. Sa lucidité tranche avec le refus de voir et la peur de dire de nombre de ses confrères à qui elle reproche une parole dévitalisée et un conformisme paresseux, ciblant plus particulièrement celles et ceux qui se contentent de tendre leur micro à des « indignés sur commande ».

D'Albert Camus, dont les textes nourrissaient sa soif de savoir dans sa jeunesse à Tunis, Sonia Mabrouk reprend la célèbre sentence : « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde. » Ceux qui, responsables politiques et médias, se mettent la tête dans le sable ne trouvent pas grâce à ses yeux, surtout ceux qui – par pure démagogie – achètent à coups de milliards la paix civile dans les banlieues islamisées sans parvenir, vingt ans après, à y rétablir l'état de droit, tout simplement parce qu'ils ont refusé de voir les causes réelles des problèmes.

« Qu'un pays ait peur du changement généré par le flot d'immigrés qui débarquent sur son territoire, c'est normal », explique-t‑elle dans son interview par Paris Match, en septembre 2019. « Chaque dirigeant doit pouvoir, pour garder l'équilibre chez lui, contrôler le niveau d'immigration qu'il juge acceptable et choisir la catégorie d'immigrants qu'il souhaite. » Peut-être pour échapper au miroir grossissant de l'audiovisuel où les mots s'envolent avec les images, Sonia Mabrouk consacre une bonne partie de son temps libre à exposer dans des livres engagés le fruit de ses observations et de ses réflexions. On a coutume de dire que les journalistes sont les historiens du temps présent et elle le confirme de façon magistrale en décortiquant notre époque dynamitée de l'intérieur par des minorités « déconstructrices ».

Extrait du livre de Gérard Bardy, « Les combattantes de l'info Ces voix qui osent » (216 pages), publié aux éditions Télémaque

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