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Les "cellules opérationnelles"... ou comment Daech étend sa toile tentaculaire à travers l'Occident
©AFP

Bonnes feuilles

"Un cartel nommé Daech" est une enquête minutieuse sur le fonctionnement opérationnel de l’État islamique. Par le récit inédit d’opérations de commandos, les portraits exclusifs de fidèles de l’organisation chargés d’opérations de contrebande de pétrole ou d’objets d’art pillés, ce livre montre comment Daech s’enracine au-delà de ses enclaves territoriales. Extrait du livre "Un cartel nommé Daech" de Benoît Faucon et Clément Fayol, chez First Editions (2/2).

Benoît Faucon

Benoît Faucon

Benoît Faucon est journaliste, grand reporter au Wall Street Journal.

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Clément Fayol

Clément Fayol

Clément Fayol est un journaliste d’investigation. Il collabore notamment avec Le Monde et Le Point.

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Des cellules opérationnelles en Occident 

Le processus est enclenché depuis un moment. En juin 2017, au lendemain de l’attaque de London Bridge, les auteurs obtiennent une nouvelle liste « très confidentielle » de quinze agents que Daech aurait envoyés au Royaume-Uni et aux États-Unis pour monter des cellules dormantes.

Le document s’ouvre sur une bienveillante injonction coranique : « Que soit issue de vous une communauté qui appelle au bien, ordonne le convenable, et interdit le blâmable. Car ce seront eux qui réussiront », dit l’en-tête daté de novembre 2015. Mais pour l’État islamique en Irak et au Levant dont le nom est tamponné sur la fiche, cette bonne action consiste sans doute à perpétrer des atrocités au nom du groupe.

La première page affiche un nom de code : HXO37. On se croirait dans un roman d’espionnage : selon la source proche de l’EI ayant fourni la liste, cette série de signes serait envoyée sur une célèbre plate-forme de jeu en ligne pour ordonner à un agent secret de passer à l’acte. Un téléphone est aussi indiqué près du code, correspondant un numéro enregistré à Burlington près de Des Moines dans l’État américain de l’Iowa. Un autre numéro sur cette liste est localisé à Flushing Meadows, le quartier de New York connu pour ses tournois de tennis et le fameux US Open.

D’autres documents, que les auteurs ont obtenu en juin 2017, peignent une organisation tentaculaire : un combattant irakien de Mossoul serait parti pour l’Europe en avril 2016. Un Bosniaque, qui avait obtenu un statut de réfugié en Suisse, commanderait les opérations extérieures de l’EI dans la fédération helvétique. Un Australien originaire de la ville de Perth serait lui en charge de la franchise du groupe au pays des kangourous.

Interrogés, des experts du contre-terrorisme ne se prononcent pas sur l’authenticité de ces informations. Mais ils confirment que Daech est en cours de redéploiement rapide. Des listes de retraits bancaires révèlent par exemple que les djihadistes de l’EI reviennent de Syrie au Royaume-Uni en passant par la Malaisie, l’Italie et l’Irlande. Un parcours de routard qui évite de prendre un vol direct à partir de la Turquie – plus facilement repérable. Ailleurs, des revenants moyen-orientaux de Daech sont localisés au Soudan, au Maroc et au Sénégal – pays où le groupe n’a pas de franchise officielle. « L’organisation les laisse partir mais leur ordonne leur destination », indique un officiel d’un service de contre-terrorisme européen. Le groupe fait aussi sortir de fortes sommes d’argent en liquide de Syrie et d’Irak et, aux moyens de jeunes femmes utilisées comme courrier, met son trésor de guerre à l’abri à Dubaï et en Asie du Sud-Est, selon cette même source.

Cette dissémination du groupe – non seulement de sa propagande mais aussi de ses membres les plus aguerris – a de quoi inquiéter. Comme le montrent les attaques de Paris en novembre 2015, des « revenants », entraînés et endoctrinés dans des zones de combat, ont un impact létal démultiplié par rapport à des individus radicalisés dans leur propre pays, sans lien logistique avec une organisation terroriste internationale. Ainsi, alors que huit personnes meurent dans les atrocités de London Bridge – dont les trois attaquants tués par la police –l’attentat-suicide qui a eu lieu lors du concert de la chanteuse Ariana Grande le 22 mai 2017 à Manchester fera 22 victimes.

Ici, la connexion avec l’EI semble beaucoup plus probable. L’attaquant, le Libyo-Britannique Salman Abedi a utilisé du triacétone triperoxide, ou TATP, un type d’explosif difficile à préparer et aussi utilisé lors des attentats de Daech à Paris. Il aurait rencontré des membres de l’EI lors de son passage à Tripoli en Libye juste avant son retour à Manchester. Son frère aurait confessé son appartenance au groupe. Et sa mère aurait confirmé des liens personnels avec Abou Anas al-Libi, un haut dignitaire d’al-Qaida. Selon les espions de Kadhafi, Abou Anas aurait préparé des attentats à Nairobi au Kenya contre l’ambassade des États-Unis et la représentation commerciale israélienne.

La boucle est bouclée. L’aide des États-Unis et de l’Arabie saoudite aux combattants islamistes afghans contre l’Union soviétique avait donné naissance à une première génération de djihadistes – dont le vétéran de Kaboul Abou Anas al-Libi. L’enfer de Daech est pavé de bonnes intentions. Les conflits qui ont suivi les interventions occidentales dans le monde musulman – de l’Irak à la Libye – ont donné les moyens à une nouvelle génération de radicaux de prendre le relais.

Extrait du livre "Un cartel nommé Daech" de Benoît Faucon et Clément Fayol, chez First Editions

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