Les banques centrales vont poursuivre les hausses de taux d’intérêt et inventer des alternatives à l’impôt qu’on ne peut plus payer<!-- --> | Atlantico.fr
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Les hausse de taux d’intérêt vont se poursuivre.
Les hausse de taux d’intérêt vont se poursuivre.
©JOHN THYS / AFP

Atlantico Business

Les hausses de taux d’intérêt activées par la Réserve fédérale et par la BCE qui doivent lutter contre l’inflation, vont aussi permettre aux Etats d’imaginer des financements de déficit public que les contribuables ne peuvent plus financer.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Les hausse de taux d’intérêt vont donc se poursuivre. Après l’annonce il y a 15 jours du relèvement des taux directeurs de la banque centrale européenne de 75 points de base, les acteurs de marché sont incapables d’expliquer si cette hausse va mettre un terme à ce mouvement d’inflation ou bien s’il révèle l’impuissance de l’institution monétaire.

Impossible de se faire une religion en écoutant Mme Christine Lagarde, elle a merveilleusement assimilé le job et la façon de communiquer. Elle parle peu et quand elle parle, bien malin celui qui a compris. Elle respecte exactement le protocole des banquiers centraux : « Parlez oui, mais pour ne pas être compris ». Le gouverneur de la Banque de France est un peu plus explicite, normal, il parle aux épargnants français sauf que ce qu’il dit parait abscond : « l’institution n’est en rien obligée, lors de la prochaine réunion (BCE), de reproduire cette hausse ». En clair, tout est donc possible. Elle peut ne rien faire, oui. Ou pas !

Cette affaire des taux d’intérêt entretient un débat chez les économistes et les responsables politiques digne d’un séminaire de Sciences po des plus classiques.

D’un côté, les orthodoxes, disciples de Paul Volker, qui expliquent que les taux directeurs sont les seuls outils immédiatement utilisables pour calmer l’inflation et freiner la demande, ce qui dispense les Etats d’intervenir.

De l’autre côté, les socio-libéraux qui considèrent que la hausse des taux provoquera de facto un ralentissement de l’activité, puisque si l’argent est cher, on ne pourra pas emprunter et par conséquent, l’activité économique va ralentir et si elle ralentit, l’inflation piquera du nez.

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Les deux écoles ont raison. La première considère que l’inflation est un poison qui contamine tous les mécanismes de création de richesses. La seconde estime que les mesures anti-inflationnistes vont créer du chômage. Ce qui n’est pas faux puisque les entreprises vont perdre leur dynamisme.

Les gouvernants auraient donc le choix entre la peste inflationniste et le cholera de sous-emploi.

Cela dit, c’est la théorie tout cela. Les modèles macroéconomiques ne sont pas si simples et la situation que nous vivons actuellement est beaucoup plus compliquée.

1e point, l’inflation que nous subissons actuellement n’est pas généralisée. Elle est circonscrite sur des produits et des services très définis : l’énergie (le gaz et l’électricité), certaines matières premières et les produits agro-alimentaires de base. Cette inflation peut certes contaminer l’ensemble des activités, mais ça n’est pas encore le cas. Elle est donc circonscrite et les gouvernements peuvent focaliser leurs interventions sur les catégories sociales qui sont visées pour soulager la douleur sociale que ces hausses de prix provoquent.

2e point, les hausse de prix sont exceptionnelles, certaines se sont déjà tassées, le prix du gaz et du pétrole n’augmente plus depuis six mois. Elles sont, en plus, largement imputables aux désordres géopolitiques et aux effets de la guerre.

3e point. Les hausses de taux directeurs, jusqu’alors, ont tendance à ramener les taux à des conditions normales de rémunération du capital qui étaient descendues à zéro ou presque depuis la crise financière. Une rémunération positive du capital est nécessaire si on veut attirer les capitaux vers l’investissement. Actuellement, les taux sont encore en deçà du taux d’inflation. Les épargnants sont encore perdants. Les taux sont de 3% et le taux moyen d’inflation en Europe est aux alentours de 6%.

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Alors, les conditions actuelles sont évidemment difficiles à supporter. Les classes défavorisées prennent l’inflation de plein fouet au passage en caisse des supermarchés. Les Etats doivent financer leur dette à un prix très élevé. La France, par exemple, va alourdir sa facture de 50 milliards d’euros l’année prochaine, rien que sur les frais financiers de la dette nouvelle qu’elle doit contracter. La plupart des pays européens sont dans la même situation (Italie, Espagne, Grande Bretagne), d’où le risque de crise obligataire systémique.

Le paradoxe de cette situation est que les marchés monétaires ne sont pas perturbés par tous ces risques de faillite systémique ou par des risques de récession. Il n’y a que les hommes politiques qui parfois crient au risque de faillite, mais ils sont plus dans la posture que dans la réalité.

La réalité est que l’ensemble des systèmes de financement sont en train de changer devant l’importance des moyens.

Entre la crise du Covid, le ralentissement la croissance mondiale, la mutation digitale, la guerre en Ukraine et les incertitudes géopolitiques, les besoins de financement des Etats ont considérablement gonflé. 

Dans trois directions : les budgets de défense, c’est-à-dire dépenses militaires, les dépenses sociales (quoi qu’il en coute), soutiens et prestations de toute sorte pour éviter les crises sociales et les destructions d’actifs ; et surtout les investissements colossaux qu’il va falloir engager dans la lutte contre le réchauffement climatique. C’est gigantesque ce qu’il faut programmer dans la plupart des pays développés, plusieurs milliards de dollars.

Les budgets des pays les plus développés sont incapables de financer sur le long terme de telles dépenses. Beaucoup de ces pays sont déjà en position de surendettement puisque leur dette publique dépasse le montant de leur PIB. La France, l’Italie, l’Espagne, la Grande Bretagne, la Grèce sont à plus de 100 %de PIB. Tous ces pays ont, en plus, des taux de prélèvements obligatoires proches de 50 %. Ce qui rend complètement impossible de nouvelles augmentations d’impôts, sauf à prendre le risque de tuer les pays par asphyxie.

Alors a priori, de tels déséquilibres devraient angoisser tout le monde. En fait, tout le monde s’en accommode.  En Europe, il existe une sorte de mutualisation des dettes publiques qui fonctionne assez bien.

A condition de ne pas en parler publiquement parce que certains peuples se fâcheraient (les Allemands par exemple). C’est tabou. Aux Etats-Unis, les milieux financiers ont la chance de travailler en dollars, une monnaie qui est encore acceptée dans le monde entier ce qui permet aux Américains de vivre à crédit sans que les préteurs demandent le remboursement du dollar. La version monétaire du rêve américain.

Tout cela signifie une chose très simple.

Les Occidentaux sont d’accord pour ne plus augmenter les impôts parce que ça n’est plus possible si on veut continuer de vivre en démocratie.  Les Occidentaux sont aussi d’accord pour maintenir leur niveau de dépenses publiques. De toute façon, politique oblige, on ne peut pas revenir en arrière.

Pour survivre à ce piège, il faut donc accepter les endettements hors normes. Beaucoup de ces endettements long terme sont justifiés pour financer la mutation écologique. Mais d’autres vont nécessiter des efforts de productivité douloureuse (réforme des administration, baisse des réformes sociales par exemple.)

Mais globalement, l’industrie financière mondiale, chapeautée par les banques centrales, sont en train de construire un système de financements des déficits publics et d’inventer une alternative à l’impôt.

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