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Les ayatollahs du CDI voient-ils qu’il est (aussi) une machine à précariser les salariés ?
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Vrai faux modèle

Patronat et syndicats se retrouvent depuis hier à l'Elysée afin de trouver un accord sur la « sécurisation de l'emploi » voulu par François Hollande. Si les CDD et CDI sont au coeur des négociations, le problème est en réalité bien plus large que le contrat de travail.

Francis Kramarz

Francis Kramarz

Francis Kramarz est économiste, spécialiste des questions d'emploi et du marché du travail.

Professeur à l'école Polytechnique et l'ENSAE, il est également directeur du Centre de recherche en économie et statistique (CREST).

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Atlantico : Patronat et syndicats se retrouvent depuis hier à l'Elysée afin de trouver un accord sur la « sécurisation de l'emploi » voulu par François Hollande. Le CDI est aujourd'hui le contrat de travail de référence. Ainsi, 72% des Français estiment qu'il "ne faut pas supprimer le CDI sous sa forme actuelle" selon un sondage BVA paru jeudi. Est-il pourtant adapté au contexte actuel ? Faut-il le défendre à tout prix comme norme en matière d'emploi ?

Francis Kramarz : 72% des Français souhaitent conserver le CDI sous sa forme actuelle pour une raison simple : 70 à 80% du stock d'emplois actuel est constitué de CDI. Autrement dit, ceux qui disposent d'un tel contrat souhaitent avant tout le conserver ce qui est symptomatique des difficultés que nous avons à réformer les contrats de travail et le marché du travail en général. En effet, pour la majorité des travailleurs, la situation est "plutôt bonne" - ce qui ne signifie pas forcément "très bonne". Ainsi, ils ne souhaitent pas que leur situation vienne à changer.

Mais nous ne pouvons pas continuer avec le système actuel qui dépasse largement la simple question du contrat de travail. Le marché du travail, du logement, des transports ou encore de l'éducation sont devenus dysfonctionnant. Chacun de ces marchés sont caractérisés par une très faible capacité de fluidité, c'est à dire la possibilité de passer d'un endroit à un autre (d'un appartement à un autre, d'une profession à une autre, d'une entreprise à une autre, d'une région à une autre...).

Si Petroplus est en difficulté, les employés pourraient chercher et accepter un nouvel emploi ailleurs. Mais en réalité, très peu se lancent dans une telle démarche, la majorité préférant se battre pour conserver leurs emplois sur place. Pourquoi ? Parce que les salariés sont attachés à l'entreprise qu'ils ont car tout est fait, dans la législation actuelle, pour qu'ils le soient. En effet, un salarié quittant son entreprise perdra également ses indemnités de licenciements, ses indemnités de fin de carrière ou même ses droits à la formation... Il n'y a donc que très peu d'intérêt à partir de l'entreprise où vous êtes. Tout l'enjeu se situe à ce niveau.

Autrement dit, le CDI, sous sa forme actuelle, incite ses détenteurs à préférer lutter pour rester dans une entreprise qui va mal plutôt que d'en partir pour rejoindre une entreprise en bonne situation économique.

Selon ce même sondage, 56% des Français estiment qu'"il faut d'abord protéger les emplois existants et empêcher les entreprises de licencier facilement" contre 42% qui jugent que la priorité doit être de "permettre aux entreprises d'embaucher et de licencier facilement". A force de protéger les emplois existants, le CDI empêche t-il de recruter et diminuer le nombre de chômeur ? (cf. préférence pour le chômage)

Effectivement, nos gouvernants et nos syndicats se sont fixés comme objectif de protéger les emplois qui existent au lieu de favoriser les emplois d'avenir. Les contrats de génération récemment adoptés par le gouvernement s'inscrivent clairement dans des emplois du passé et n'aideront en rien les entreprises à créer des emplois.

Quelles mesures faut-il adopter pour réformer le CDI ? A défaut, par quel type de contrat le remplacer ?

Il faut aider les travailleurs à quitter les entreprises en difficulté pour rejoindre celles qui présentent des perspectives d'avenir. La question du contrat de travail se fond dans un cadre beaucoup plus large qui requiert une plus grande flexibilité à différents niveaux : flexibilité pour trouver un nouvel appartement, flexibilité pour changer de région...

En ce qui concerne le contrat de travail, il faut s'attaquer à la période de fin. Lorsque vous perdez un CDI, le travailleur ne touche que peu d'avantages à l'exception des indemnités de licenciement conventionnelles qui sont très faibles en France, soit un à un an et demi de salaire. L'enjeu n'est pas donc la question du contrat, mais de déterminer comment inciter les travailleurs à ne pas préférer lutter pour rester dans une entreprise plutôt que d'en rejoindre une autre. Il faut mobiliser toutes les incitations et outils permettant une transition "heureuse" d'un ancien emploi vers un nouveau.

L'Autriche y est parvenue. Il n'y a pas de distinction entre un licenciement économique et les autres formes de licenciements. Depuis 2003, toute personne qui change d'entreprise conserve l'ensemble des indemnités de licenciement de fin de carrière auxquelles il avait le droit quelque soit la nouvelle entreprise où il décide d'accepter un nouvel emploi.

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