"Leçons" d'Ian McEwan

Abandonné par sa femme, Roland se retrouve seul avec son bébé de six mois. Cette disparition soudaine lui ouvre la voie de son passé. Il se souvient de son enfance en Libye avec son père autoritaire et brutal ; puis de ses années d’internat, pendant lesquelles son professeur de piano le marquera à vie. Cette femme jeune et séduisante lui fait des avances, tout en se montrant exigeante et sévère. A quatorze ans, impossible de lui résister ! Elle l’invite chez elle, commet l’irréparable et, possessive, exerce son pouvoir sur cet adolescent vulnérable. Il ne se remettra jamais de cette rencontre prématurée.

Le temps passe : les événements défilent depuis Tchernobyl jusqu’au Covid, en passant par la chute du Mur de Berlin, les années Thatcher, l’invasion du Capitole … En quête de perfection, Roland ne parvient pas à devenir un poète reconnu, un pianiste célèbre ou un excellent joueur de tennis. Il enchaînera des liaisons passagères, écrira quelques articles dans la presse, jouera du jazz dans un bar d’hôtel, tout cela sans aucune passion. D’après lui, il accumule les échecs, en éternel insatisfait. Pourtant, il connaîtra un certain bonheur grâce à son fils, à Daphné, l’amie intime qui le comprend, et, plus tard, à sa petite-fille. Quant à sa femme, elle a accompli ses rêves ambitieux, puisqu’en renonçant à son rôle de mère, elle est devenue un grand écrivain, digne du Nobel !

• Une vie entière est envisagée par l’auteur, l’intériorité du protagoniste se mêle à celle de nombreux personnages, leur intimité se conjugue avec leur conscience historique, ainsi les points de vue, les genres et les époques varient avec aisance et habileté. 
• La notion d’échec, comme fil conducteur, rend Roland sympathique et attachant. Il ne trouve pas sa voie et comprend mieux les failles des autres. Il percevra fort bien la personnalité exceptionnelle de sa belle-mère, qui, elle aussi, désirait tant être écrivain. Des pages passionnantes sur la vocation de chacun.
•  Des personnages féminins magnifiquement incarnés, autour de sa professeur de piano, dont la possessivité démente hantera toute son existence : sa mère, soumise docilement à son père et si secrète sur son passé, son épouse féministe dévorée d’ambition, capable d’ignorer son fils pour accomplir sa vocation, sa belle-mère tellement déçue par son mari, et Daphné, nimbée de grandes qualités, « chaleureuse, intelligente, attentionnée, remarquablement organisée … toujours belle. » 
• Le lecteur suit le long déroulement de l’existence chaotique de Roland grâce à une atmosphère douce, subtile, et à une écriture fluide, très agréable à lire.

Ian McEwan a réussi sans doute son meilleur roman. Il laisse courir sa plume avec une grande liberté, en nous racontant toute la vie d’un homme qui lui ressemble. Sont abordées les interrogations profondes sur le sens du destin, les hasards des rencontres, l’amour, le rôle des parents, la transmission des valeurs, l’échec ou le succès ...

• « Intérieurement il faisait toujours une fixation sur une autre vie dont il savait qu’elle ne serait jamais la sienne. » p. 251
• « Il n’écrivait plus. Encore un échec professionnel à ajouter à la liste. » p. 280
• « En marchant, iI songea que, l’éducation d’un enfant mise à part, le reste de son existence avait été et demeurait informe, et il ne voyait pas comment changer cela. » p. 415

Né en 1948, Ian McEwan, célèbre écrivain anglais, a publié une quinzaine de romans, dont L’enfant volé, prix Femina étranger 1993, Expiation (2003), Sur la plage de Chesil (2008), Opération Sweet Tooth (2014), L’intérêt de l’enfant (2015), Dans une coque de noix (2017), Une machine comme moi(2020), Le cafard(2020).