Le monde s’enflamme, la croissance économique résiste : nouvelle ère ou trompe-l’œil ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un employé sur le site d'une usine Renault.
Un employé sur le site d'une usine Renault.
©Sameer Al-DOUMY / AFP

Economie mondiale

Alors que les banques centrales se sont lancées dans une politique monétaire austère pour contrer l’inflation, la guerre et les taux d’intérêt élevés n'ont pas freiné la croissance.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : Les données de la banque Goldman Sachs indiquent que l'activité économique mondiale est à peu près aussi dynamique qu'en 2019. Comment peut-on l’expliquer ?

Don Diego De La Vega : Je vais dire qu’elle est aussi mauvaise qu'en 2019. Avoir une économie mondiale qui fait grosso modo 2,5 % sur un an, ce n'est absolument pas un bon chiffre. A une époque pas si éloignée d'ailleurs, nous étions à 5 % par an. La Chine a réussi à faire du 5,3% alors même que ce n'était clairement pas une bonne année. L’Inde est à 7,5% mais devrait être bien plus haute. Et vous avez tout un tas de blocs qui sont en rattrapage, comme l'Amérique latine, l'Afrique, l'Indonésie.

Après il y a un débat sur est ce qu'on compte en dollars courants ou en dollars de parité de pouvoir d'achat. Vous voyez parfois des chiffres un petit peu différents selon que vous raisonnez sur l'un ou sur l'autre, mais grosso modo, la croissance mondiale n’est pas bonne. Et ce n'est pas glorieux. Et donc que dire ? On tente de nous expliquer que ça aurait pu être pire. Car j'ai l'impression que c'est un peu ça l'argument.

Nous serions à 4 ou 5% si nous n'avions pas eu quelques conséquences post-Covid et une montée des taux d'intérêt de 400 points de base aux États-Unis et en Europe. C'est un peu ça l'idée. D'ailleurs, les pays qui n'ont pas eu d'augmentation des taux d'intérêt drastiques sont les pays qui surperforment. De façon générale, le Japon va un peu moins mal qu'avant. La Chine a quand même réussi à faire plus de 5% alors qu'il y avait beaucoup de vents contraires et une crise immobilière. 

Le chaos économique, ça génère des primes de risque, ça génère des comportements d'investissement, d'incertitude et l'incertitude a plutôt tendance à reporter à plus tard les investissements. Donc il est évident que tout ce qui est un peu chaotique, que ce soit les taux d'intérêts qui ont monté trop fortement, d'autres éléments de protectionnisme ou de guerre en Ukraine, tout ça n’est pas bon. Mais ça, c'est la macro. Mais au niveau des entreprises, vous avez évidemment des gens qui arrivent quand même malgré tout, non pas à surfer sur le chaos, mais disons à être assez peu affectés, notamment tous ceux qui ne sont pas affectés par la demande globale. C'est à dire qu'en gros, ils se moquent complètement d'avoir un choc monétaire en face d'eux. Et ça, ce sont notamment les gens qui ont beaucoup de propriété intellectuelle ou qui fonctionnent sur une base logicielle, c'est-à-dire avec des coûts marginaux très faibles, voire égaux à zéro. C'est donc le secteur de la tech, le secteur qui marche très bien en bourse, tout ce qui est investissement immatériel et puis aussi à l'autre bout, tout ce qui relève du luxe parce que le luxe n'est pas du tout affecté par la compétitivité-prix et le luxe se fout un petit peu et des taux d'intérêt et des taux de change. Si vous vendez de la maroquinerie ou des parfums à des ménagères chinoises de moins de 50 ans qui sont en augmentation de leur taux d'équipement en la matière, vous vous en foutez un petit peu de savoir si les taux d'intérêt de la BCE sont à 0 ou à 2 %. Donc ce sont des niches. Ce sont des entreprises particulières, très mondialisées. Ce sont des endroits où on réalise encore quelques petits gains de productivité. Donc c'est en gros pour faire court une partie des semi-conducteurs, une partie du luxe et une partie de la tech du type GAFAM. Mais ce n'est qu'une partie de l'économie mondiale et c'est au niveau de certaines entreprises. Et encore, ce n'est pas systématique. 

En revanche, en cas de catastrophe économique, même de très bonnes entreprises comme Google, Amazon ou encore Microsoft seraient affectées par la demande globale à un moment. Mais effectivement, tant qu'on arrive à avoir une croissance mondiale autour de 2,5-3%, ces entreprises n'ayant pas de problème de financement et tout en étant autofinancées surfent sur une demande pour leurs produits décroissante. Une partie de l'économie très minoritaire est décorrélée de la croissance mondiale. C'est décorrélé en particulier de la croissance anémique de la zone euro. Et donc par conséquent, oui, cette fraction-là de l'économie, je reconnais, est assez peu affectée.

Pourquoi l'économie mondiale est-elle si peu sensible au nouveau désordre mondial ?

Ce sont, comme je l’ai dit, les grands groupes dans certains secteurs. Ils sont peu tributaires de la hausse des taux d'intérêt parce ce sont des entreprises qui sont autofinancées, donc ce sont les entreprises qui ne vont pas voir leur banquier simplement et qui n'émettent pas beaucoup d'actions. Donc quand vous êtes dans cette situation-là, les taux d'intérêt c'est juste un truc qui va compter à la marge parce que ça va renchérir le coût de votre dette quand vous allez racheter vos propres actions, par exemple. Ce sont des niches qui sont en adoption croissante auprès des consommateurs et qui par conséquent peuvent effectivement se passer d'une forte croissance mondiale.

J'ajoute par rapport à The Economist qui fait un amalgame hasardeux et coupable entre la géopolitique (désordres à Gaza, l'Ukraine, etc) et la hausse des taux d'intérêt. On peut montrer par A plus B que les désordres géopolitiques actuels n'ont quasiment aucun impact sur la croissance globale. C'est facile à démontrer puisqu'il concerne essentiellement des zones qui ne pèsent quasiment rien. L'Ukraine en termes de PIB mondial, combien de divisions ? En revanche, la hausse des taux d'intérêt, c'est différent. La hausse des intérêts a rebattu les cartes. Elle a fait quelques gagnants, pas très nombreux, essentiellement des rentiers et une petite partie du secteur financier. Elle a fait énormément de perdants. Et ce n'est pas fini. Parce que les conséquences de la hausse des taux vont se poursuivre. C’est fin 2025 qu’on pourra établir réellement les dégâts macroéconomqiues liés à la hausse des taux en 2022. 

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