Le logement, cette clé de l’Elysée 2022 à laquelle personne ne s’intéresse<!-- --> | Atlantico.fr
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Le sujet du logement est économiquement et socialement décisif pour les candidats à la présidentielle.
Le sujet du logement est économiquement et socialement décisif pour les candidats à la présidentielle.
©GEORGES GOBET / AFP

Question décisive

Le meilleur moyen d'accéder à l'Elysée est probablement de satisfaire la demande de logements des Français. Mais ce sujet n'est pourtant pas du tout abordé dans la campagne pour l'élection présidentielle.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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« Un » logement pour « des » logements : c’est ce qui se joue aujourd’hui, indirectement et subrepticement. Le bail quinquennal de l’occupant de l’Elysée expire dans huit mois et suscite des envies, sachant que le meilleur moyen pour l’obtenir est probablement de satisfaire la demande de… logements des Français. Mais on n’en parle pas. Pire, on s’éloigne de cette préoccupation !

Pas assez de logements aujourd’hui : donc les prix montent ! Le nombre de logements construits en France est de 390 000 en 2019 (ne prenons pas 2020, où le Covid a tout chamboulé), pas les 500 000 promis. Mais c’est quand même 15 000 logements individuels de plus qu’en 2014 (159 000 contre 154 000) et 37 000 logements collectifs de plus (229 000 contre 192 000). Plus certes, mais « le compte n’y est pas » : 110 000 manquent. Surtout, les prix de ces logements, moins nombreux, ne cessent évidemment de monter : +5,9% sur un an pour les logements anciens au deuxième trimestre 2021, après +6 et +6,4%. Cette hausse est même plus marquée pour les maisons, avec 6,9% sur un an que sur les logements collectifs, +4,6%, ce qui, note l’Insee « ne s’était pas produit depuis fin 2016 ». Ainsi, même si la situation s’améliore, la production française de logements est insuffisante, et cette pénurie fait monter plus les prix des logements que les salaires et l’indice général des prix. Elle désolvabilise donc une part importante de la population, tout en suscitant des déplacements, des problèmes économiques et sociaux, notamment chez les jeunes. Mais au lieu de ramener les tensions sociales en cours à la question centrale du logement, comme leur raison majeure, on la divise par thèmes !

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Pire, on endette plus et plus longtemps les ménages, en se préoccupant des risques pris, par eux et les banques. Pire encore, pour réduire ces risques, si on durcit davantage les conditions d’accès au crédit : sécurité ou engrenage ? C’est pourtant ce que vient de demander le Haut Conseil de la Sécurité Financière ! En effet, il ne veut pas plus de 25 ans de crédit et pas plus de 35% de taux d’effort (rapport entre revenu et remboursement) à l’achat pour les emprunteurs.Mais on peut penser que ces dernières décisions, en date du 14 septembre, risquent plus d’aggraver que d’atténuer le problème. Certes, le Conseil « juge que si les risques pour la stabilité financière restent à un niveau élevé, les perspectives continuent de s’améliorer, dans un contexte de fort rebond économique », mais ceci le conforte dans sa décision « d’interrompre la dérive des conditions d’octroi et d’assurer une meilleure protection des ménages, sans affecter leur accès large au crédit immobilier à des taux d’intérêt historiquement bas », bien sûr ! Pour ce faire, il demande que la part de la production « non conforme » (à ses règles) soit de 20%, sachant qu’elle est désormais de 20,9%, contre 48,3% en 2020 : les banques sont donc rentrées dans le rang, mais les prix en ont profité, sachant que les surfaces ont, en même temps, baissé. On n’a rien sans rien.

On ne veut pas voir comment le logement « fait » la société, en ne voulant pas admettre qu’on n’achète pas seulement un logement, mais aussi un remboursement mensuel ! Le rehausser, c’est faire acheter plus petit, avec son effet négatif sur la démographie, plus loin, dans des quartiers moins bien desservis. C’est donc faire prendre plus de risque à l’acheteur (individu ou couple), notamment en cas de séparation ou de perte d’emploi. Symétriquement, si les conditions d’achat deviennent plus favorables, on peut acheter mieux, plus grand ou… plus cher. Acheter un logement, c’est en effet chercher à s’endetter autant qu’il est possible, en fonction de la part du revenu que l’on peut rembourser sur la durée la plus longue. Ceci donne un montant empruntable, plus l’apport personnel, donc le montant achetable, donc la surface possible en fonction des prix du mètre carré. Ce prix est évidemment multidimensionnel, dépendant de la taille de l’agglomération, de l’éloignement par rapport au centre, de la sociologie du quartier et du logement, bref « de l’adresse ».

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La baisse du nombre de logements et celle des taux font donc monter les prix et créent des problèmes sociaux visibles, ou latents. Les centres des grandes villes, les lieux d’innovation et de hauts salaires sélectionnent des populations à plus haute productivité. Il y fera sans doute bon vivre, mais pas pour les enseignants, les personnels de base des bureaux, services municipaux ou des commerces exposés à des coûts de la vie élevés. L’efficacité des bureaux, comme celle des entreprises ou des villes dépend de subtiles combinaisons : la mixité sociale ne se décrète pas et se défait plus vite qu’elle ne se fait. L’ « effet gilets jaunes » montre ce qui se passe pour une population « tranquille », d’ouvriers, employés ou cadres moyens, qui passe une heure et plus pour aller et revenir de son travail, quand on lui demande de conduire moins vite « pour raison de sécurité », donc de rogner sur son temps libre journalier, puis de payer plus cher son essence « pour raison écologique », donc de rogner sur son « reste à vivre ». Ces éloignements entraînent des fragilités explosives et difficilement réparables.

Le prix des logements anciens monte ainsi de 5,9% sur un an en France au deuxième trimestre 2021, mais de 3,1% en Ile de France et de 7% en province ! La pandémie en cours, vécue comme durable, avec maintenant le télétravail, a commencé à changer nombre de manières de vivre : lieux et organisation du travail. Des cadres et responsables d’entreprises s’installent au bord de la mer ou à la campagne, dans de plus vastes surfaces, ce qui fait monter les prix aux alentours (et les plaintes). Les espaces de bureaux vont se réduire, se partager (comment ?) et de nouveaux contrats de travail se signer, avec répartition du travail entre maison, bureaux et astreintes, avec peut-être des salaires plus bas, comme cela commence à se discuter aux États-Unis. Attendons : pour le moment, il n’est question que de risques d’éloignement et de liens sociaux.

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Pas un mot de tout cela pour la Présidentielle, quel que soit le candidat, alors que c’est économiquement et socialement décisif ! Pour sortir de cette « archipélisation » de la société française dont on ne cesse de parler, il faut en fait mobiliser le foncier disponibleurbain, public, privé pour construire moins cher, bien plus et plus grand, en hauteur si les écologistes sont d’accord, en ville en tout cas. Le prix du logement a une composante technique qu’il faut « écologiser » pour maîtriser les coûts de chauffage et d’entretien dans la durée, mais à partir du prix du terrain, à faire absolument baisser : le foncier est le vrai levier. Réduire fortement les hausses du logement, c’est ce qui soutient l’emploi, la compétitivité et aide au calme social. Si l’on s’y prend bien, la pandémie et le télétravail, en fait les nouvelles technologies, peuvent aider à construire moins cher, mieux et donc : plus. C’est maintenant, pour les Programmes !

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