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Le Japon face au casse-tête de sa relance budgétaire à 82,2 milliards d'euros : comment réussir à dépenser tout cet argent ?
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Relance

Le gouvernement de Shinzo Abe avait annoncé un vaste plan de relance de 20 000 milliards de yens, soit près de 160 milliards d'euros, dont la moitié pour financer de grands travaux. Gaspillage hors-norme ou électrochoc économique ?

Evelyne Dourille-Feer

Evelyne Dourille-Feer

Evelyne Dourille-Feer est Docteur en économie et japonologue (ancienne élève de l'Université de Keïo, maîtrise de japonais à l'INALCO).

Elle est économiste au CEPII et enseigne l'économie japonaise à l'Université Paris Dauphine.

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Atlantico : Le plan de relance adopté par le gouvernement Abe prévoit de dépenser 10 000 milliards de yens en infrastructures en quinze mois environ. Comment une telle gageure est possible sans qu'une partie ne serve en fait à financer des projets sans intérêt réel ?

Evelyne Dourille-Feer : Une partie importante de la somme du plan de relance prévu pour les grands travaux sont en fait des mises aux normes antisismiques, ce qui est évidemment très important au Japon. Il y a aussi la volonté de lancer des chantiers pour une meilleure isolation des bâtiments pour obtenir des économies d'énergies. Enfin, il y a surtout les besoins de financement pour accélérer la reconstruction des zones qui ont été sinistrées par le tsunami de 2011. Mais, pour ce dernier cas, il ne sera pas si facile de dépenser rapidement cet argent car les travaux connaissent des problèmes de main-d’œuvre et d'approvisionnement en matériaux. 

En tout cas, sur cette question des travaux publics, il y a une volonté d'agir vite, mais les questions politiques sont aussi importantes : en juillet 2013 se tiendront les sénatoriales japonaises, et les résultats doivent absolument être visibles d'ici-là.

La relance par la construction massive d'infrastructures est un grand classique de l'économie japonaise. Ce système a eu des résultats très mitigés dans les années 90. Pourquoi ce serait différent cette fois-ci ?

C'est différent car la justification des grands travaux est quand même plus réaliste. Une bonne partie des infrastructures sont plutôt vieillissantes, et il est légitime de vouloir les remettre aux normes, ce qui n'était pas vraiment le cas pour les plans de relance des années 90. Ce plan de relance se caractérise aussi par une relative transparence, tant sur les montants que sur les discussions mises en œuvre avec la Banque du Japon, et c'est là aussi une nouveauté.

La dette publique japonaise, déjà très importante puisqu'elle dépasse largement les 200% du PIB, se remettra-t-elle de ce pharaonique plan de relance ?

C'est sûr que la dette japonaise va continuer à grossir avec ce nouveau plan de relance. Mais, pour le financer, le gouvernement a majoritairement utilisé des fonds de réserve qui étaient prévus à cet effet. Tout ne sera pas financé par l'endettement. Par contre, l'investissement étant très important, ce plan est un vrai pari. Et dans la mesure où les fonds de réserve ont été mis à contribution, il ne faudrait surtout pas que le Japon connaisse une nouvelle coûteuse catastrophe naturelle. 

Mais il faut bien voir que même si la dette peut sembler un problème préoccupant, l'ennemi public numéro 1 au Japon - et Shinzo Abe l'a encore rappelé - c'est la déflation.

Pourquoi l'économie japonaise semble avoir du mal à envisager de relancer son économie autrement que par des plans de dépenses massives ?

Durant les années 90, quand le Japon s'est enfoncé dans la crise, les entreprises japonaises ont été contraintes de se désendetter plutôt qu'investir, elles ont d'ailleurs presque fini ce processus de désendettement aujourd'hui. Mais quand les acteurs privés n'investissent pas, que les ménages consomment peu,  il ne reste plus que l'État pour prendre le relais.

De plus, et bien que le gouvernement actuel soit de centre-droit, ce choix de recourir aux plans de relance vient aussi de l'analyse négative par les gouvernants japonais de la situation européenne. Ils voient que la religion de l'austérité qui a cours en Europe n'a pas réglé les problèmes et a surtout débouché sur une crise de la croissance.

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