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Le grand paradoxe de la France à être de plus en plus à droite mais à se réfugier vers des figures plus consensuelles pour des questions de personne
©Reuters

Deuxième choix

Si François Hollande et Nicolas Sarkozy sont aujourd'hui plus ou moins rejetés par une partie de leur propre camp, cette situation trouve davantage ses racines dans une personnalité, une méthode et un caractère problématiques, que dans une rupture idéologique profonde avec le corps électoral de la gauche et de la droite.

Atlantico : Si François Hollande et Nicolas Sarkozy semblent être, en partie au moins, rejetés par leur propre électorat, les deux hommes semblent pourtant offrir les lignes politiques les plus adaptées aux deux camps. Or, ce sont aujourd'hui les personnalités de Jean-Luc Mélenchon et d'Alain Juppé qui font la course en tête. Peut-on estimer que le rejet de ces deux hommes est plus le fruit d'une question personnelle, de méthode, que de ligne politique réelle ?

Maxime Tandonnet : C'est vrai que tous les deux sont dans une situation difficile, chacun à sa manière : impopularité vertigineuse de François Hollande et sondages donnant Nicolas Sarkozy derrière Alain Juppé pour la primaire de la droite et du centre. A l'évidence, tous les deux font l'objet d'un rejet ou d'une méfiance dans une partie de l'opinion y compris dans leur propre camp. Cette méfiance n'est sûrement pas due à leurs idées ou projets. En tout cas, ce n'est pas l'essentiel de ce qui leur est reproché. François Hollande est libéral sur le plan des questions de société, à l'image du "mariage pour tous", un point essentiel pour sa majorité. Sur les questions économiques, sa politique qui combine un discours libéral et une pratique étatiste, marquée par la hausse de la fiscalité du nombre de fonctionnaires et des dépenses de l'Etat, n'est pas non plus pour déplaire à la "gauche". Quant à Nicolas Sarkozy, son discours est sans doute le plus en phase avec l'électorat de "droite", sur la Nation, la sécurité, l'immigration. Tous les deux ont à l'évidence un problème d'image qui est à l'origine de leurs difficultés. L'actuel chef de l'Etat donne le sentiment d'une fuite dans la communication. Son prédécesseur suscite la défiance par une personnalité au caractère très affirmé. Enfin, tous deux sont victimes de l'effet usure du pouvoir. Un président de la République en fonction ou ancien président de la République peut difficilement être apprécié et populaire dans le monde d'aujourd'hui, considéré comme le détenteur du pouvoir suprême et donc le responsable de tous les maux du pays, passés et présents.

Quels sont les risques de voir des électeurs rejeter, sur une base personnelle, une ligne politique majoritaire pour un camp ? Quelles en sont les conséquences politiques, notamment au travers de la capacité d'action d'un gouvernement, et de la légitimité des positions défendues ?

Les risques de cette situation sont en effet considérables. Tous donne à penser que la position politique du prochain président de la République, sur le mandat 2017-2022, sera extrêmement complexe. Il sera probablement élu par défaut, non par adhésion à un projet ou à une idée, mais parce qu'étant le moins impopulaire. Sans doute y aura-t-il, presque par effet mécanique, un bref état de grâce. Mais ensuite, le désenchantement s'imposera rapidement. Aujourd'hui, l'élection présidentielle a des chances de se faire autour d'un candidat consensuel, M. Juppé à droite ou peut-être M. Valls ou M. Macron à gauche. De facto, comme en 2002, le deuxième tour de la présidentielle risque de se traduire par une sorte de front républicain contre le candidat lepéniste. Dès lors, issu d'une majorité droite/gauche, le mandat présidentiel a toutes les chances de se traduire par une politique de consensus, destinée à ne pas faire de vague et ne mécontenter personne, donc l'immobilisme et par compensation, pour faire croire au mouvement, une logorrhée permanente : la logique de la communication à outrance. Ce scénario fort probable conduit inéluctablement à l'échec et l'impopularité et, sans doute, au pire en 2022, c'est-à-dire un pouvoir extrémiste, de gauche ou de droite.

Quels sont les moyens dont disposent les deux hommes pour trouver une solution à cette problématique ?

A court terme, je pense que les deux, mais aussi les politiques en général, devraient opter pour un profil plus modeste et discret en s'effaçant le plus possible derrière les notions de bien commun et de débat d'idée. C'est une vérité non dite et refoulée : il me semble que les Français sont profondément fatigués de la sur-personnalisation de la vie politique. Ils se détournent de plus en plus de la politique spectacle tournée vers la sublimation de personnages et de la bataille d'egos qui les oppose. A plus long terme, il me semble que la seule issue possible au malaise politique français est d'arracher le pays au présidentialisme à outrance. Il est impératif de découpler majorité présidentielle et majorité parlementaire. Pour être clair, un président consensuel a de bonne chance d'être élu en 2017 contre un candidat lepéniste. Il sera contraint par son élection à respecter ce consensus et à jouer un rôle de président arbitre, gardien des institutions, maître de la politique internationale et de défense. Mais pour ne pas que la France sombre dans un immobilisme fatal, il faut que la majorité parlementaire soit en revanche claire et nette, autonome par rapport au chef de l'Etat, qu'elle se traduise par un Premier ministre et un gouvernement décidés à accomplir les grands choix indispensables à notre pays et à engager l’œuvre nécessaire de réformes en matière de liberté d'entreprise, de fiscalité, de sécurité, de respect des lois de la République et d'Education nationale. Ceci est à la fois simple et compliqué : simple parce que cela correspond tout simplement à la lettre de la Constitution de la Ve République, totalement bafouée aujourd'hui ; compliqué parce que cette idée est totalement incompréhensible pour le monde politique et médiatique, intoxiqué par la personnalisation et présidentialisation à outrance de la politique.

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