Le fantasme Lara Croft est-il toujours vivant ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La sexualisation du personnage est loin d'être absente dans le jeu et fait désormais appel à des fantasmes plus subtils.
La sexualisation du personnage est loin d'être absente dans le jeu et fait désormais appel à des fantasmes plus subtils.
©Reuters

Sex game

Après quatre ans d'absence, la célèbre aventurière revient dans une suite du jeu vidéo Tomb Raider avec des formes moins généreuses que dans les versions précédentes. Lara s'est-elle aseptisée ?

Adrian Bessière

Adrian Bessière

Adrian Bessière a travaillé pour l'industrie vidéoludique au sein de nombreux projets, notamment sur le contrôle qualité et le support client.

Il garde un oeil critique sur les nouvelles tendances qui agitent le secteur.

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Atlantico : Après quatre ans d'absence, Lara Croft revient dans un prequel/reboot intitulé simplement « Tomb Raider ». Elle apparait notamment avec des formes moins généreuses que dans les versions précédentes. Lara n'est-elle plus un fantasme de joueurs ?

Adrian Bessière : Il est clair que le design de Lara Croft dans ce nouvel opus tranche avec l'image traditionnelle que la série voulait donner d'elle. Son physique y est bien plus naturel et il n'est plus au cœur de la communication de l'éditeur. Cette tendance est à l’œuvre depuis la récupération de la licence, alors en piteux état, par Crystal Dynamics aux alentours de 2006. Elle était auparavant dans les mains de Core Design, qui l'avait laissée sombrer dans la médiocrité et la vulgarité. Cet épisode marque son grand retour sur le devant de la scène, sous l'impulsion de Square Enix, nouvel éditeur de la licence.

La sexualisation du personnage est pourtant loin d'être absente dans le jeu et fait en réalité appel à des fantasmes plus subtils et n'a pas d'ailleurs pas manqué de créer la polémique.


Le défunt magazine Joystick a en effet été vivement critiqué pour avoir publié au sujet du jeu un article qui constituerait une apologie du viol. La blogueuse qui a dénoncé cet article parle d'une « culture du machisme », Lara serait donc encore considérée seulement comme un objet sexuel ?

Le jeu met en scène une Lara jeune et inexpérimenté et raconte comment elle est devenue aventurière. Après un naufrage sur une île inconnue, elle se retrouve prisonnière d'une bande de pirate dont elle parviendra à s’échapper au prix de maintes souffrances (dont une tentative de viol) ce qui lui aurait forgé le caractère qu'on lui connaît... Ce procédé narratif se retrouve au cinéma dans le genre des films d'horreur et culmine avec le sous-genre controversé des Rape and revenge.

Cette polémique est particulièrement intéressante car elle marque l'arrivée en France d'un débat de plus en plus récurrent au sein de la communauté anglophone du jeu vidéo. De nombreux scandales et outrages ont secoué l'industrie et forcent joueurs comme développeurs à questionner le rapport particulier qu'entretient le monde du jeu vidéo avec la gente féminine. Au grand désarroi de certains, comme le montrent les insultes reçues par Anita Sarkeesian lorsqu'elle a annoncé vouloir faire un documentaire sur la représentation des femmes dans le jeu vidéo.


Le jeu vidéo est souvent perçu comme un passe-temps principalement masculin. Est-ce la cause du machisme ambiant longtemps symbolisé par Tomb Raider et que dénonce certains ?

Cette image a longtemps été vraie, mais la décennie 2000 a vu un rééquilibrage de la pratique entre les sexes grâce à l'apparition de nouveaux supports de jeu comme les réseau sociaux ou le téléphone portable. Par contre, ce qui n'a pas changé, c'est le fait que ceux qui consacrent le plus de temps à ce loisir et dépensent le plus sont généralement des hommes de 15 à 25 ans. Ainsi, les plus hauts budgets de l'industrie sont encore invariablement concentrés sur des jeux visant ce public, semblable à celui des films d'action gros budget que produit Hollywood. On y retrouve donc les mêmes représentations, faisant appel aux mêmes fantasmes. Le problème, c'est que ces fantasmes n’intéressent pas une partie du public, dont l'age moyen a augmenté et qui s'est féminisé. Il y a beaucoup à gagner à s'adresser à cette partie du marché et l'industrie l'a très bien compris.

Lara Croft cessera-t-elle alors d'être un fantasme de joueurs ?

Je ne le pense pas. Le fantasme qu'elle représente a d'ailleurs déjà bien évolué : il y a 10 ans, elle n'était guère plus qu'une bimbo à forte poitrine, aujourd'hui, les développeurs tentent d'en faire une femme forte et déterminée à l'image du personnage d'Uma Thurman dans Kill Bill. On cherche toujours à faire fantasmer, mais de façons plus subtile, en faisant appel à d'autres ressorts. Lara Croft n'a toujours pas l'intention de céder sa place d’icône sexy du jeu vidéo.

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