Le Covid-19, le meilleur allié d’Emmanuel Macron pour la campagne présidentielle de 2022 ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron lors d'un Conseil de défense sanitaire.
Emmanuel Macron lors d'un Conseil de défense sanitaire.
©Ludovic MARIN / AFP / POOL

Bonnes feuilles

Laurence Benhamou publie « Le solitaire du Palais. Le Livre du quinquennat Macron 2017-2022 » aux éditions Robert Laffont. Elle est l'une des deux journalistes de l'Agence France-Presse accrédités à l'Elysée et, depuis le 7 mai 2017, suit Emmanuel Macron partout. Elle est témoin de la valse-hésitation d'un exécutif aux abois. De la scène officielle aux arrière-scènes et aux messes basses, elle note tout. Extrait 2/2.

Laurence Benhamou

Laurence Benhamou

Laurence Benhamou est l'une des deux journalistes de l'AFP qui, pendant cinq ans, a suivi le président de la République, Emmanuel Macron. Au fil des jours, glorieux ou tragiques de ce quinquennat atypique, de la crise des Gilets Jaunes aux attentats terroristes, en passant par l'incendie de Notre-Dame de Paris, elle a tout noté. Scrupuleusement. De la scène officielle aux coulisses et messes basses des entourages. Pour ne rien perdre et tenter de comprendre l'histoire qui s'écrit sous nos yeux. Elle a publié "Le solitaire du Palais. Le Livre du quinquennat Macron 2017-2022" aux éditions Robert Laffont (2022).

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Lundi 12 juillet, dix-neuf heures. Il a planché sur son discours tout le week-end. Mais, chose étrange, une heure avant l’allocution, il n’y a toujours pas de camion-régie à l’Élysée. Et pour cause! Emmanuel Macron ne va pas s’exprimer au palais ce jour-là. Son cortège quitte la rue du Faubourg-Saint-Honoré pour enregistrer hors les murs, dans un cadre magnifique : le Grand-Palais éphémère. Arnaud Jolens a soigné la scène, grâce à une seconde caméra, le président apparaît comme debout juste devant la dame de fer, qui se trouve en réalité à huit cents mètres de là. À vingt heures, il prend la parole et reprend la main.

D’entrée, il annonce l’une des mesures les plus drastiques au monde pour pousser à la vaccination : le pass sanitaire devient obligatoire dans quasiment tous les lieux publics, de culture comme de loisir, dès le 21 juillet, puis début août dans les trains, les bars et les restaurants, sans oublier les centres commerciaux. Une obligation vaccinale sera imposée le 15 septembre aux soignants des hôpitaux, des cliniques, des Ehpad et des maisons de retraite. Enfin, les tests, jusqu’ici gratuits, seront payants à la rentrée. Vivre sans être vacciné devient difficile. Emmanuel Macron assume cette pression : «Partout, nous aurons la même démarche, reconnaître le civisme et faire porter les restrictions sur les non-vaccinés, plutôt que sur tous.» Le Parlement aura besoin d’une semaine supplémentaire de session afin de voter la loi nécessaire. Il évoque même une vaccination obligatoire pour tous. Un virage à cent quatre-vingts degrés. Au dernier moment, il a fait le choix de ne pas mentionner l’isolement obligatoire de dix jours pour les cas positifs, qu’il compte pourtant faire inscrire dans la loi. Cela aurait été trop et il l’a senti. Ce sont ses conseillers qui nous l’annoncent.

Le choc. Nos concitoyens, sonnés, écoutent moins la suite. Une suite qui, pourtant, est d’importance car le chef de l’État énumère les réformes en préparation. L’assurance chômage, qui réduit les droits des chômeurs? Entrée en vigueur dès le 1er octobre, à la barbe du Conseil d’État. Un «revenu d’engagement» sera créé pour les jeunes sans emploi ni formation, «fondé sur une logique de devoirs et de droits». La réforme des retraites? Elle «sera engagée dès que les conditions sanitaires seront réunies». Formule vague, qui lui ménage une voie de repli. Sans prendre de gants, mais dans un grand flou, il prévient qu’il faudra «partir à la retraite plus tard», c’est-à-dire reculer l’âge de départ. Et ajoute que les régimes spéciaux seront supprimés pour les nouveaux entrants. En dix secondes chrono, il remet sur le tapis ces deux mesures qui ont achoppé sur tant d’heures de négociations. En contrepartie, en quelque sorte, la pension minimum sera revalorisée à mille euros. Ces annonces importantes, qui en d’autres temps mettraient le pays dans la rue, sont écrasées par la généralisation du pass sanitaire. Personne ne s’y attarde. «Ça va infuser», espèrent ses proches.

Quelques minutes après la fin de son discours, nos compatriotes se ruent sur les sites vaccinaux. En trois heures, un million trois cent mille rendez-vous sont pris sur Doctolib. «Nous imaginions un effet d’entraînement, mais pas à ce point, se réjouit le palais. Parfois, nous avons tardé, mais, ici, on agit au début de la quatrième vague. Il fallait que ce soit très clair.» Il ne reconfinera quoi qu’il en coûte. Il préfère cette nouvelle contrainte et mise sur son acceptation, un nouveau pari. «Il y aura 5% de râleurs et 3 ou 4% de réfractaires», estime l’Élysée. Pas question qu’une minorité fasse la loi, voici le message subliminal.

Emmanuel Macron a opté pour la manière forte au moment où trente-cinq millions de nos concitoyens ont déjà reçu au moins une dose. La majorité du pays a donc prouvé son adhésion à la vaccination, votée avec une aiguille. Il n’est pas certain que le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel valident ces mesures. Seule certitude, la France est pour une fois pionnière mondiale d’un tour de vis sanitaire inédit et elle sera imitée. Le président a un train d’avance sur la SNCF qui n’a rien anticipé.

Dans la seringue

Le palais savait que ce discours créerait un choc. Cadres et parlementaires de la majorité ont été invités à suivre son allocution sur un écran géant dressé dans la salle des fêtes. Une première. Arrivés avant vingt heures, ils se voient demander… leur pass sanitaire ! Certains se précipitent à la pharmacie la plus proche pour passer un test. Puis, à entendre leur « boss» droit dans ses bottes, les élus Marcheurs sont transportés. Ils retrouvent l’audacieux de 2017. «Bravo! Enfin!» s’écrient-ils. Quand le président les rejoint, c’est un tonnerre d’applaudissements. Lui, flatté mais surtout soulagé, arbore un sourire qu’on ne lui a pas vu depuis longtemps. Parmi eux, il parle du cap à fixer pour les prochains mois et au-delà. Allusion à un second quinquennat.

L’effet d’annonce se prolonge un bon moment. En deux jours, trois millions de Français prennent rendez-vous. Les premiers sondages sont favorables, les deux tiers des interrogés approuvent l’extension du pass et les trois quarts, l’obligation vaccinale pour les soignants. Côté oppositions, seuls LFI et le RN se déclarent contre. Emmanuel Macron? Le chef de file des rationnels de tous bords. D’autant que les réformes prévues peuvent plaire à la droite. Campagne vaccinale, campagne présidentielle, même combat! Les ministres se succèdent les jours suivants pour affiner le tir. Les douze à dix-sept ans ne se verront réclamer un pass qu’à partir de septembre ; le document concernera aussi les terrasses, toutefois les lieux de culte seront exemptés en raison de leur protection constitutionnelle.

C’est aussi le choc chez les «anti». Dès le 14 juillet, vingt mille personnes manifestent dans plusieurs villes pour protester contre ces nouvelles obligations, et même contre la «dictature». Quelques jours plus tard, leurs rangs grossissent et s’égarent dans des parallèles choquants, certains comparant le chef de l’État à Adolf Hitler. Le pays se divise en deux camps inégaux : les anti – de l’extrême droite aux libertaires –  et les pro  – largement majoritaires et de tous bords politiques. Cette semaine-là, trois centres de vaccination sont vandalisés, ainsi que des permanences d’élus. Des appels à manifester tous les samedis sont lancés. Il flotte dans l’air un relent de Gilets jaunes. «Les Français se vaccinent, ne nous laissons pas distraire par une infime minorité », minimise Gabriel Attal. Une note du renseignement territorial avertit qu’au sein de ce mouvement hétérogène couve «une exaspération de plus en plus généralisée face à des mesures considérées comme liberticides». Les autorités s’attendaient à voir vingt mille manifestants; le samedi suivant, ils sont plus de cent mille.

L’exécutif fait adopter à toute vitesse la loi qui étend le pass. Il était temps que la vaccination accélère : deux jours plus tard, le nombre de cas bondit à dix-huit mille en vingt-quatre heures, soit une hausse de 150% en une semaine. Un tsunami bien plus qu’une simple vague. Et une évolution terrifiante qui donne raison à Emmanuel Macron. À l’Assemblée, les débats se tendent. Le gouvernement, inflexible, brandit la menace de reconfinement, l’œil rivé sur les courbes de cas qui grimpent à la verticale. «Il faut mesurer la rage que vous risquez de déclencher», menace François Ruffin, quand Jean-Luc Mélenchon déclare que « ce sera un honneur de désobéir» au pass. En même temps, le Parlement adopte, dans l’indifférence générale, deux des grands textes du quinquennat, la loi Climat et résilience et la loi contre le séparatisme.

Dans les rues, antipass, antivaccination, antimasque et anticonfinement se mêlent dans des cortèges protéiformes, entre Gilets jaunes, sympathisants de LFI ou du RN. Leurs réels points communs? Une haine que cristallise Emmanuel Macron, une défiance à l’égard des «merdias» et des labos, et même, triste récurrence de l’histoire, un nauséeux parfum d’antisémitisme. Selon les enquêtes d’opinion, six de nos compatriotes sur dix condamnent le mouvement mais 37% le soutiennent.

Après un fatigant voyage en Polynésie, le chef de l’État pose ses valises au fort de Brégançon. Et invente un nouveau format pour s’adresser aux jeunes, les plus indécis et les moins vaccinés. Tout au long de la semaine, il se met en scène dans une série de douze vidéos – les douze travaux d’Hercule ! –, tournées en mode selfie et postées sur les réseaux sociaux Instagram et TikTok. Adieu dorures, allocutions solennelles et costume cravate. Welcome tee-shirt noir, polo et bras de chemise. Il se filme lui-même dans le salon du fort, dans le jardin, la bibliothèque, et répond aux questions, y compris les plus farfelues. Sa simplicité paie : ces vidéos sont visionnées soixante millions de fois en sept jours! Certes, il ne convainc pas les antivax radicaux. Il les agace même, sans l’ombre d’un doute. Mais peut pousser un soupir de soulagement.

Le 5 août, le Conseil constitutionnel entérine l’essentiel de la loi sanitaire, dernière haie à franchir, sauf l’isolement obligatoire des malades, qui semblait d’ailleurs inapplicable. Le lundi 9  août, le pass sanitaire entre dans notre quotidien, même pour prendre un petit crème. Au plus fort de la contestation, deux cent trente mille antipass défilent, contre quarante-trois millions de vaccinés, dont les rangs ont grossi de dix millions en un mois. Au fil d’août, la vaccination enraye enfin le variant Delta et les manifestations se résorbent peu à peu.

Le Covid-19, son meilleur allié

Comment gérer cette dernière rentrée du quinquennat, alors que le Covid s’accroche encore et encore? Comment gérer cette dernière rentrée du quinquennat, alors que le temps nécessaire pour faire de grandes réformes, en réalité, n’existe plus? Emmanuel Macron n’est toujours pas, officiellement, candidat à sa réélection. Le président est sur le front, plus que jamais, et ses conseillers nous préviennent même qu’il va multiplier les déplacements pour expliquer, encore et toujours, ce qui a été fait et ce qui reste à faire. Première ligne directrice de son programme qui ne dit pas – pour l’heure – son nom, France 2030, un grand plan d’investissements pour les années à venir, à savoir trente milliards sur dix ans.

Autour de lui, le paysage politique s’agite, bruisse de rumeurs diverses et variées… Éric Zemmour ou pas Éric Zemmour? Xavier Bertrand ou pas Xavier Bertrand à l’issue de la primaire LR de décembre ? La socialiste Anne Hidalgo, maire de Paris qui a bien du mal à franchir le périphérique pour convaincre, sera bientôt en lice. L’écolo Yannick Jadot va sortir, fragile vainqueur, d’une primaire écologiste plus courue que jamais. Les inévitables, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, rongent toujours leur frein, de moins en moins sereins.

Dans son palais, porté par une crise sanitaire qui lui a dénoué les cordons de la bourse, le président ne se précipite pas. L’impatient que l’on suit depuis plus de quatre ans dispose de deux cartes maîtresses dans son jeu : l’argent et le temps. Il en use sans aucune hésitation. Il sème, catégorie par catégorie, débourse cadeaux et largesses, s’essaye à quelques envolées inspirées, bouche l’un après l’autre les trous du quinquennat, éteint les foyers d’incendie et serine son bilan. Candidat qui avance de moins en moins dans l’ombre, il annonce ses plans, lois et projets pour l’après-2022. Pas un programme, naturellement, puisque, nous répètent mollement, ses conseillers, il n’est pas en campagne. Pour autant, en coulisses, tout se prépare, des achats de chaises et de drapeaux au choix d’un responsable logistique. Mais c’est loin, là-bas, au QG de ce que l’entourage du chef de l’État appelle avec une méchante ironie : «En marche, ça marche pas!»

Au palais, on phosphore (toujours) sur la stratégie. La rengaine est connue : la présidentielle, c’est la rencontre entre un homme et les Français. Pour Emmanuel Macron, le ciel est dégagé en cet étrange été indien. Sa cote de popularité est haute, la plus haute pour un chef de l’État à ce moment du quinquennat, et son prédécesseur, François Hollande, aura beau l’«Affronter» – titre de son dernier opus –, il n’y pourra rien. Les sondages donnent même le sortant à plus de 26% au premier tour! Une énième étrangeté de ce  mandat à nul autre pareil. Cyniquement, le Covid-19, de pire ennemi, est devenu son meilleur allié. Il l’installe au centre de tous les regards, lui permet de s’afficher en chef de guerre incontournable. Après l’atteinte comme prévu mi-août, de  l’objectif de quarante millions de vaccinés grâce à l’effet pass sanitaire, les cinquante millions sont enfin dépassés mi-septembre. Certes, toutes les réformes sont reléguées au second plan. Mais c’est peut-être mieux ainsi, lorsque l’on regarde attentivement ce que les promesses du candidat confronté à la réalité du pouvoir peuvent provoquer.

Mi-janvier, Emmanuel Macron sera président – pour un temps – de l’Union. Ce que les euro-experts appellent la PFUE, la présidence française de l’Union européenne. Certes, c’est purement formel. Mais il compte bien en faire un événement majeur. Se servir de cette arme contre les eurosceptiques, LFI et RN en priorité, bien sûr. Au palais, nul n’en doute, ce sera l’occasion d’un «grand» discours sur l’Union et de nombreux sommets à domicile. L’occasion aussi de ramener à lui les débats sur la sécurité et la protection des frontières européennes contre les migrants, ou encore sur l’écologie.

Visionnaire, bien sûr, mais aussi pragmatique. Emmanuel Macron occupe chaque pouce de terrain. Nous l’accompagnons à Marseille, ville côtière en colère et en jachère, dont la fracture avec la verticalité parisienne s’est aggravée depuis le Covid. Il y consacre un long déplacement de trois jours, pour promettre un grand plan d’aide d’un milliard et demi d’euros. Dans une cité des quartiers nord, soigneusement nettoyée avant son arrivée, il est accueilli par une foule emplie d’attente. Il écoute un groupe de femmes dénoncer les violences. Sa technique habituelle ? Ne pas s’avancer et multiplier les interrogations. «Il nous a noyées sous les questions de base, auxquelles ses conseillers sauraient très bien répondre », se plaint l’une d’elles, fine mouche. Mais je l’entends aussi crier à un chômeur râleur, en pleine foule : «Vous êtes prêt à travailler dans la restauration? Oui? Même si c’est dur? Il y a des places!» Têtu et rancunier, le candidat qui ne l’est pas… Et qui profite de ce déplacement dans la deuxième ville du pays pour lancer une expérimentation sur l’éducation. Il veut proposer aux directeurs d’établissement de choisir leurs professeurs. Une idée libérale qu’il caresse depuis longtemps. Son nom? L’école du futur. Presque un slogan de campagne. Au minimum une idée qui préempte, là encore, le débat.

L’incendie qui couve, le plus menaçant? La hausse des prix de  l’énergie : gaz, essence et électricité. Celui du gaz risque de quadrupler, et avec lui celui de l’électricité, indexé sur le prix du gaz au niveau européen. Emmanuel Macron sait que cette dépense occulte toutes les mannes distribuées par ailleurs. Le souvenir des Gilets jaunes et de l’étincelle de la hausse du diesel est encore bien présent. Ni une ni deux, Jean Castex annonce le 3  septembre un « bouclier» pour geler temporairement les tarifs de l’électricité et du gaz. Coût? Cinq milliards d’euros de pertes fiscales pour l’État dès 2022. Trois semaines plus tard, il sort encore le carnet de chèques : cent euros par personne pour les trente-huit millions de  nos concitoyens qui gagnent moins de deux mille euros nets par mois. Pour ne pas laisser s’embraser les raisons de la colère, le président renonce à son credo de réserver les aides aux plus pauvres. Une offensive à quatre milliards dans la guerre contre le «ressenti» et pour parer au plus pressé.

Finalement, en dehors des frontières, ce n’est ni plus compliqué, ni plus simple. Impossible, «en même temps», de tenter d’apaiser les relations avec l’Algérie et de diminuer le nombre de visas, afin d’obliger Alger à reprendre ses clandestins. Candidat ni de droite ni de gauche, mais président plutôt de droite, le 28 septembre, Emmanuel Macron décide de réduire de moitié les visas accordés à l’Algérie et au Maroc, mais aussi de 30% ceux de la Tunisie. Une mesure inédite, ferme, une rétorsion et une pression que ses prédécesseurs n’avaient pas osé appliquer.

En revanche, il perd tout contrôle sur quelques fragiles échafaudages diplomatiques. Son espoir d’un axe Paris-Canberra-New Delhi se brise contre un nouveau pacte Canberra-Londres-Washington, dit Aukus. Un accord conclu dans le plus grand secret qui entraîne la rupture, du jour au lendemain, du « contrat du siècle » de 2016, qui devait voir la France fournir douze sous-marins conventionnels à l’Australie pour cinquante-cinq milliards d’euros. Emmanuel Macron l’apprend le 15 septembre, à peine trois heures avant que l’annonce devienne publique, en plein déjeuner avec le prince héritier d’Abou Dabi, Mohammed Ben Zayed, au château de Fontainebleau. Il rentre illico à l’Élysée, furieux. Un revers majeur pour la diplomatie tricolore. Une perte de cinq cents emplois pour Naval Group. Certes, il demande le rappel des ambassadeurs français à Washington et Canberra, du jamais-vu, mais le mal est fait. Le contrat est perdu, l’appui mou des alliés européens n’y change rien. Une déconvenue diplomatique de plus, après l’échec à créer une force armée sahélienne efficace contre les djihadistes au Sahel et le retrait partiel de Barkhane, notamment face au sentiment anti-français. Sans oublier la situation chaotique au Liban.

Marseille, le 15 octobre, petite phrase désabusée sur les travers français : «Je nous connais mieux. Ce sont toujours les mêmes qui participent aux réunions et les autres, au bout de deux mois, diront qu’ils en ont été exclus.» Un mois avant, jour pour jour, devant le Congrès des indépendants, Emmanuel Macron dressait le portrait-robot de cette fonction qu’il exerce depuis cinq ans : «Être président, c’est se faire engueuler. Quand un problème disparaît des engueulades, c’est qu’il commence à être réglé, mais il n’y a jamais de répit.» Pour autant, c’est à la fois sa complexité et sa richesse, devant les pompiers de Marseille, il ne lâche rien. Debout dans la tempête. Déterminé à ne renoncer à rien. Convaincu d’avoir une mission. «Ne cédez rien à l’esprit du temps! Ne cédez rien à l’esprit de défaite, de division! Ne cédez rien à ceux qui se résignent!» Quitte à être seul, seul contre tous. Le solitaire du palais.

A lire aussi : Les Gilets jaunes, une construction médiatique ? : les erreurs stratégiques et politiques d'Emmanuel Macron face à la tempête sociale

Extrait du livre de Laurence Benhamou, « Le solitaire du Palais. Le Livre du quinquennat Macron 2017-2022 », publié aux éditions Robert Laffont.

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