Le Conseil de l’Europe s’inquiète de l’article 49-3 et de son impact sur la séparation des pouvoirs, sans percevoir l’ironie de sa posture <!-- --> | Atlantico.fr
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La Première ministre Elisabeth Borne s'exprime depuis la tribune de l'Assemblée nationale.
La Première ministre Elisabeth Borne s'exprime depuis la tribune de l'Assemblée nationale.
©BERTRAND GUAY / AFP

Sans aucune ironie

La Commission de Venise a décelé au sein de la Constitution française le vice de conception qui la minait : le 49.3.

Jean-Eric Schoettl

Jean-Eric Schoettl

Jean-Éric Schoettl est ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel entre 1997 et 2007. Il a publié La Démocratie au péril des prétoires aux éditions Gallimard, en 2022.

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La Commission de Venise, censée éclairer les 46 États signataires de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme sur les questions constitutionnelles et sur les bonnes pratiques démocratiques, vient d’émettre, sur les instances du Conseil de l’Europe, un « avis intermédiaire » sévère au sujet de l’article 49, troisième alinéa, de la Constitution française (le fameux 49 3). Pour la Commission, cet article « renverse la charge de l’initiative » du rejet d’un texte « en prévoyant que les membres de l’Assemblée nationale doivent présenter et voter à la majorité absolue une motion de censure afin de rejeter la loi ». Il permettrait ainsi l’adoption d’une loi « sans une discussion réelle et approfondie de son contenu ».

La Commission de Venise aura donc décelé au sein de la Constitution française le vice de conception qui la minait depuis 65 ans : le 49 3. Rude révélation : même édulcorée lors de la révision constitutionnelle 2008 (qui a limité son emploi à un texte par session, hors lois financières), cette disposition serait donc démocratiquement toxique : elle fausserait la séparation des pouvoirs et interdirait une délibération parlementaire éclairée.

La démocratie française est bien heureuse de bénéficier ainsi de la tutelle du Conseil de l’Europe et de la vigilance de la Commission de Venise. Elles lui font prendre conscience de ce péché originel de la Vème République qu’est le parlementarisme rationalisé.

Tirés de notre aveuglement par ces hautes instances, nous comprenons enfin combien étaient fallacieux les motifs invoqués par les auteurs de la Constitution de 1958 (y compris les Pierre Pfimlin et Guy Mollet) pour adopter le 49 3 : prévenir l’instabilité gouvernementale ; permettre qu’un texte indispensable à la conduite de la politique gouvernementale soit adopté lorsqu’il n’existe aucune autre majorité pour conduire une autre politique ; mettre devant ses responsabilités une majorité composite ou capricieuse ; contrer l’obstruction.

Vade retro de Gaulle et Michel Debré ! Honte aux Premiers ministres qui ont utilisé le 49 3 une centaine de fois depuis 1958 (33 fois sous la droite, 56 fois sous la gauche) ! Honte à Michel Rocard qui, à lui seul, l’a utilisé 28 fois ! Et regrettons la force de dissuasion nucléaire et la CSG, qui ne doivent leur existence qu’à l’article 49 3 !

Nous nous repentons, mais, confondus par l’opprobre, tremblons d’être châtiés ! Pitié ô très grand et vénérable Conseil de l’Europe, ô très sainte et très savante commission de Venise : voyez la sincérité de notre contrition !

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