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Le chaos irakien engloutit jusqu’aux accords qui ont plombé le Moyen-Orient depuis 100 ans
©Reuters

Histoire de comprendre

Difficile de comprendre les causes du chaos au Moyen-Orient sans remonter à la signature des accords Sykes Picot, dont la crise irakienne marque sans doute la fin.

Emmanuel Razavi

D’origine iranienne, Emmanuel Razavi est grand reporter. Il a enquêté sur les filières jihadistes ainsi que sur le corps des Gardiens de la Révolution. Ses reportages et enquêtes ont été publiées dans Paris Match, Franc-Tireur, Valeurs Actuelles, Politique internationale. Il est auteur de plusieurs documentaires sur le Moyen-Orient diffusés sur Arte et la chaine Planète. Son dernier livre, « La face cachée des Mollahs » (Cerf), révèle le visage mafieux et terroriste de la République islamique d’Iran.

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Le 16 mai 1916, deux diplomates, le Britannique Mark Sykes et le Français François Georges-Picot, négocient un accord qui prévoit le démantèlement de l'empire ottoman une fois que la première guerre mondiale sera terminée. Ce projet, décidé dans le plus grand secret, détermine surtout le partage du Moyen-Orient en zones d’influence sous contrôle Français et Britannique. A l’époque, les grandes puissances européennes considèrent en effet que les pays arabes ne sont pas assez matures pour administrer leurs pays. Elles mesurent surtout combien leur présence au Moyen-Orient est importante sur les plans stratégiques et économiques. Les arabes devront donc se soumettre à des chefs politiques qui seront eux-mêmes soumis à l’Occident. 

Dans le même temps, les stratèges français et anglais recherchent un appui militaire auprès des tribus arabes afin d’ouvrir un nouveau front au sud de l’Empire Ottoman, allié de l’Allemagne. En procédant ainsi, les forces alliées sont assurées d’affaiblir les allemands. Londres décide d’envoyer le célèbre Lawrence d’Arabie auprès du Chérif Hussein de la Mecque, quand la France dépêche auprès de lui le lieutenant-colonel Edouard Bremond, fin connaisseur du monde arabe. En seulement quelques semaines, l’anglais et le français réussissent à convaincre Hussein de la Mecque de se retourner contre les Turcs et de prendre la tête d’une révolte arabe qui devra venir à bout des ottomans. En contrepartie, ce dernier reçoit la promesse qu’une fois le conflit terminé, les arabes pourront accéder à l’indépendance. Les évènements vont alors s’enchaîner. En juin 1917, Fayçal, l’un des quatre fils d’Hussein, remporte la bataille d'Aqaba, ville portuaire de la  mer Rouge. De son côté, le général britannique Allenby, dont les armées sont positionnées en Égypte, lance la campagne de Palestine.  Le 17 novembre 1917, il fait tomber la ville de Jaffa (près de Tel AVIV), avant de prendre Jérusalem en Décembre. En 1918, les anglais affrontent soldats allemands et Turcs en Palestine tandis que les Arabes lancent leurs troupes sur Damas, laquelle tombe en septembre. Pour Hussein, la création d’une grande nation arabe est enfin proche. Las ! En matière de diplomatie comme à la guerre, les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. Au nez et à la barbe d’Hussein qui reste impuissant, les Français s’octroient le Liban, la Syrie et la région de Mossoul située au nord de la Mésopotamie. La couronne Britannique étend quant à elle son influence sur le reste de la Mésopotamie (qui deviendra l’Irak),  et la Transjordanie. Fayçal a beau s’être proclamé roi de Syrie - les Britannique lui donneront par la suite le trône d’Irak -, la répartition du " Butin " entre alliés marque le début d’une ère de violences et de jeux de guerre aux conséquences dramatiques pour toute la région.

La révolte de 1916, où l’origine du chaos

Cent ans plus tard, la Syrie, l’Irak, l’Egypte la Lybie et le Liban se retrouvent ainsi en proie à un chaos révolutionnaire et guerrier qui trouve son origine dans la révolution arabe de 1916. Chiites, Sunnites et Kurdes, tentent de s’octroyer des bandes de terres et de pétrole aux prix d’affrontements sanglants, conduisant l’Irak, la Syrie ou la Lybie sur le chemin de partitions territoriales qui se feront inévitablement au détriment des populations arabes civiles, victimes éternelles de la folie islamisteA force de trop rabattre les cartes, les puissances européennes et américaines ont perdu toute crédibilité dans le monde arabe. A force de s’être crues toutes puissantes, elles sont aujourd’hui dépassées par les évènements, laissant le champ libre à des chefs de clans mafieux et des barbus de tous poils qui n’ont d’autres projets politiques que le rétablissement du Califat et l’organisation de la société autour des valeurs de l’Islam le plus rigoriste. Il suffit de regarder ce qui se passe aujourd’hui à Mossoul, où les membres de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) ont imposé à la population des règles de vie digne d’un autre âge, pour comprendre que la toute-puissance occidentale au Proche et au Moyen-Orient touche à sa fin.

Américains et européens ne doivent plus se bercer d’illusion. Ce n’est pas en se rapprochant des chiites irakiens ou du régime de Téhéran pour endiguer la menace sunnite qu’ils parviendront à rétablir un semblant de paix civile en Irak et en Syrie. Après avoir perdu les guerres d’Afghanistan et d’Irak, après avoir laissé le chaos se répandre en Egypte, en Syrie et en Lybie, les uns et les autres doivent comprendre une fois pour toute que le Moyen-Orient, tel que nous l’avons connu depuis cent ans, n’existe plus.

Diplômé de Sciences politiques, Emmanuel Razavi est grand reporter. Doctorant chercheur associé à l’Université du Littoral et Spécialiste du golfe persique, il a notamment collaboré avec Planète, Arte, M6, France 24, Valeurs Actuelles, le Figaro Magazine, le Spectacle du Monde et Paris Match. Il est auteur de plusieurs essais et  documentaires sur le Proche et le Moyen-Orient.

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