Larry Fink, Bertrand Badré et Emmanuel Macron veulent réécrire le monde. Et nous ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Larry Fink, Bertrand Badré et Emmanuel Macron veulent réécrire le monde. Et nous ?
©

Les entrepreneurs parlent aux Français

Le monde est peut-être à la veille de sa plus incroyable refonte et cela fait pourtant moins de bruit que le plus petit fait divers.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

Voir la bio »

Parfois il faut commencer un livre par la fin. Pour mieux en écrire le début. Le début d’une nouvelle ère. Pour cela il faut accepter de respirer un nouvel air. Le monde est peut-être à la veille de sa plus incroyable refonte et cela fait pourtant moins de bruit que le plus petit fait divers. Moins que la grève des VTC, l’héritage de Johny ou les écoutes de Wauquiez. Pourtant tous ces faits divers pour café du commerce, indigne des enjeux de notre siècle auraient dû laisser place, si nous avions une presse plus éclairée, à cette déclaration majeure du plus grand fonds privé au monde, Blackrock !

Je ne ferai pas ici, la traduction de la lettre de Larry Fink, publié sur le site de Blackrock. Juste un tout petit résumé pour en comprendre la portée. Au même moment, où le succès rencontré par Bertrand Badré, qui a sortit un livre remarquable sur ce que devrait être la nouvelle finance, les nouvelles formes et critères d’investissement et la nouvelle mesure de la rentabilité. Au même moment, où Emmanuel Macron, décidément en phase avec son temps, lance la mission Sénard-Notat, sur la responsabilité sociétale des entreprises.

Je vous invite à lire la déclaration de Larry Fink. Enlevez son nom, lisez-la et demandez-vous si un Bernie Sanders aurait pu l’écrire ? Je pense que oui, en plus violent peut-être, mais il aurait pu. Et pourtant on parle du plus gros fonds privé au monde avec plus de 1.6 trillion d’actifs sous gestion. En gros, il est investit dans TOUTES les entreprises qui comptent dans le monde. Lire https://www.blackrock.com/corporate/en-no/investor-relations/larry-fink-ceo-letter .

Que trouvons-nous en quelques phrases clés ?

Les Etats n’ont plus la capacité, la vision et les moyens de changer le monde, ni même de vraiment assurer le long terme et l’intérêt général. C’est donc aux entreprises de le faire ou d’y contribuer plus efficacement. Eventuellement à leur côté.

Les entreprises sont soumises au diktat du profit trimestriel. C’est une folie qui doit cesser, car elle ne fait que des victimes sur le long terme. Une entreprise doit faire du profit en étant meilleure et non en tuant son propre avenir. Ses salariés. La planète.

L’écart de richesse que le système aboutit à créer est la meilleure recette pour une explosion sociale à terme et l’appauvrissement des peuples, qui se transforment en une anxiété majeure face à l’avenir et donc trouvera une traduction politique dans le type de leader qu’ils mettront au pouvoir.

Il faut déterminer ou revoir les indicateurs qui font la valeur d’une entreprise, en intégrant sa contribution à faire une société plus juste, servir un objectif plus large que la simple création et augmentation du profit. Lui donner un sens.

Investir dans des boards faisant plus de place à la diversité, afin d’accroître la vision, le champ, la perspective des entreprises.

Bertrand Badré dans son livre « Can Finance Save the World ? » préfacé par Emmanuel Macron et Gordon Brown, va encore plus loin en demandant de revoir la totalité des indicateurs qui mesurent le succès d’un investissement, l’enrichissement d’une nation.

Et au même moment, Emmanuel Macron fixe à la mission Notat-Sénard, le soin d’entendre ceux qui pensent (ou non) que les entreprises devraient élargir leur objet social à une mission, un impact sociétal.

La question essentielle est donc là. Commencer par la fin pour écrire le début. La politique et les Etats, ne peuvent plus rester seuls face aux défis du long terme, qu’ils n’ont pas su gérer ces 30 dernières années :

L’accroissement de la pauvreté ou du moins des écarts de richesse, le poids de la dette, les déficits de toute nature, la mise à l’écart des seniors, la difficulté d’accès à l’emploi des plus jeunes, les populismes et extrémismes de tous bords, la prédominance de l’intérêt personnel sur l’intérêt collectif, la déconnexion des élites, la croissance chaotique, la mort des villes petites et moyennes, la paupérisation des classes moyennes, et j’en passe, prouve que le politique ne peut plus décider seul.

L’entreprise ne doit pas le faire seule non plus. Accroître l’objectif sociétal de l’entreprise n’en fait pas un élément objectif suffisant pour décider, seule, du bonheur des nations.

Pourquoi est ce que je parle de fin pour écrire le début ?

Nous assistons à la fin du capitalisme actuel, pour faire pire. Passer d’un capitalisme de profit à un capitalisme de surévaluation non basée sur le profit comme nous le propose l’économie numérique est une folie pas un remède. Il faut siffler la fin de la partie et écrire de nouvelles règles.

La fin du Sapiens ? Ce que nous promet l’IA, et dont personne ne soupçonne ni la vitesse, ni la rapidité, malgré ses faibles résultats actuels, c’est un nouvel homme, augmenté mais remplacé dans la plupart de ses actes, pensées, décisions, et peut être dans son travail. Nous allons peut être (lire Homo Deus notamment) vers la fin de Sapiens pour une « race » nouvelle.

La fin du travail ? Si ces mécanismes tiennent leurs promesses et malgré la présence sans cesse rappelée par ses adorateurs, du Dieu Schumpeter, qui veillerait sur la planète et la re-création de l’emploi mondial, il y a fort à parier que l’homme en soit plus guère utile au travail demain, en tous cas, si l’on ne change pas la définition, le fonctionnement et les indicateurs du capitalisme.

Il faut donc vite réécrire le début du livre pour en changer la fin. C’est pourquoi ces nouvelles sont excitantes. Sans oublier les déclarations de Paul Polman (Unilever) ou de Emmanuel Faber (Danone), qui souhaitent entamer une mue de l’alimentation mondiale pour qu’elle revienne à sa mission originale, celle de contribuer à la santé des hommes plutôt que la détruire. Via une nouvelle agriculture destinée à nourrir le plus grand nombre sans les tuer à petit feu comme c’est le cas aujourd’hui. C’est un tsunami.

Le courage de ces 2 hommes va être lui aussi essentiel à changer le monde. Tous ces petits ruisseaux sont en train de faire de bien belles rivières. Reste à trouver le moyen de les rassembler pour leur donner une vision d’ensemble et des actions coordonnées.

Cela pourrait être le DAY ONE d’une nouvelle ère, qui me fait rêver, un peu plus chaque jour. Car les entrepreneurs seront enfin reconnus pour ce qu’ils sont aussi. Des fournisseurs de sens, des bâtisseurs de société. Petits et grands. Associés. Différents mais liés à la même planète.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !