Lampedusa : cessons de faire de l’immigration un sujet idéologique<!-- --> | Atlantico.fr
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Des migrants se rassemblent devant un centre opérationnel sur l'île italienne de Lampedusa le 14 septembre 2023.
Des migrants se rassemblent devant un centre opérationnel sur l'île italienne de Lampedusa le 14 septembre 2023.
©ALESSANDRO SERRANO / AFP

Demandes d'asile

Les images de l'arrivée de migrants sur l'île de Lampedusa en Italie alimentent le débat sur l’immigration. Il est nécessaire de poursuivre la réforme des mécanismes de répartition des demandeurs d’asile et de solidarité entre les pays membres de l’UE.

Jad Zahab

Jad Zahab, essayiste, est diplômé de l'école des affaires publiques de Sciences Po Paris. Militant associatif engagé en faveur de la participation des jeunes à la vie politique, il est sensible aux sujets liés à l'immigration, aux valeurs de la République, à la refondation du pacte social et à la lutte contre les inégalités, marqueurs de son engagement. Il intervient régulièrement dans les médias pour analyser l'actualité politique et sociale. Il est entre autres l’auteur de "Retrouver la république" (Cherche Midi Éditeur). 

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Alors que la Croix rouge italienne a annoncé ces dernières heures l’arrivée sur l’île de Lampedusa d’une centaine de bateaux transportant approximativement 6.000 immigrés clandestins, il y a fort à parier que les images en provenance d’Italie ne manqueront pas d’alimenter le débat sur l’immigration, partout en Europe. Dans le même temps, alors que le Gouvernement français prépare depuis plusieurs mois un projet de loi sur le sujet, cette thématique est devenue, ces dernières années, un pilier structurant du débat politique national. Au risque, souvent, de caricatures et d’affrontements dogmatiques qui omettent la réalité et le pragmatisme qu’impose le traitement d’un sujet si complexe. 

Insécurité, fraude sociale, emplois non-pourvus, etc : trop souvent, hélas, le débat sur l’immigration n’est abordé, dans notre pays, que par le biais de faits divers -aussi dramatiques et choquants qu’ils ne soient-, dans une forme d’outrance et de caricature qui empêche d’en appréhender toutes les dimensions. Quand l’extrême droite adepte du « grand remplacement » voit en l’immigration la disparition de « la France » traditionnelle, blanche et chrétienne ou encore sa dissolution de l’intérieur, la droite fait peser sur elle les causes de la violence dans le pays (via le concept d’ensauvagement). L’extrême gauche, quant à elle, prétendant que nous pourrions accueillir tout le monde, souffle à dessein sur les braises du communautarisme au mépris d’une réalité : si nous voulons bien accueillir, nous ne pouvons pas accueillir tout le monde. Dans ce choc des radicalités, le débat sur l’immigration est indéniablement biaisé et terriblement appauvri. 

Que l’on se dise les choses clairement : personne ne quitte son pays de son plein gré ou pare plaisir. Depuis trop d’années désormais, la Méditerranée est devenue un tombeau à ciel ouvert, où se fracassent sur nos côtes les derniers espoirs de survie de milliers d’hommes, de femmes, et d’enfants, qui n’aspirent qu’à une chose, in fine : retourner vivre dans leurs pays, où ils ont familles et Histoires. Face aux situations d’urgence, de nature avant tout humanitaire, la France et l’Europe avec elle ont un devoir : porter assistance quoi qu’il en coûte. Car non, sauver des vies n’est pas organiser un appel d’air, c’est être à la hauteur de la dignité humaine. 

Pour autant, être humanistes ne signifie pas que nous serions impuissants. Au sujet de l’aide d’urgence, si la présidence française du Conseil de l’Union européenne en avait fait une priorité, il faudra poursuivre, à l’échelle de l’Europe, la réforme des mécanismes de répartition des demandeurs d’asile et de solidarité entre les pays membres de l’Union européenne : il est temps de mettre fin aux accords de Dublin qui font porter aux pays où arrivent les personnes la responsabilité de leur prise en charge, de continuer à renforcer les moyens de l’agence Frontex et de donner de vrais moyens – et surtout, les compétences liées – à l’agence européenne de l’asile. 

Loin des prédications catastrophistes qui voient en l’immigration la fin de la civilisation ou l’absorption de la France, nous devons cesser d’aborder cette thématique ô combien fondamentale par le biais uniquement idéologique. Cela ne signifie pas, bien-sûr, que nous ne pourrions pas débattre de l’intérêt ou non de l’immigration économique. Pour autant, nous devons le faire avec mesure et modération car l’impact de la violence du débat sur notre tissu social est immense. Nous ne pouvons ignorer que la société française s’est construite au gré de vagues successives d’immigration et qu’elle compte aujourd’hui de très nombreux binationaux. A bien des égards, si ce débat n’était pas mené avec parcimonie, il achèverait d’installer dans les esprits ce que l’extrême droite anti-républicaine défend depuis longtemps, la différenciation des citoyens français selon qu’ils ont, ou non, une autre nationalité.

Quand les entreprises indiquent souhaiter la régularisation des travailleurs en situation irrégulière qui occupent des emplois, sinon, non-pourvus, elles ne sont pas idéologues, elles sont pragmatiques. Quand le Gouvernement envisage la réduction des délais de traitement des demandes d’asile sans porter atteinte aux droits fondamentaux, il n’est pas idéologue, il est pragmatique. Dans un contexte où tout, même la vérité, est sujet à la controverse politique, ne soyons pas dupes des instrumentalisations politiciennes de tels sujets : elles n’ont qu’un objectif ; asseoir la discorde. Sur l’immigration, le temps de la nuance – et des faits – est (re)venu ! 

Jad ZAHAB

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