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La taxe GAFA, un pistolet à eau ?
©ERIC PIERMONT / AFP

Les entrepreneurs parlent aux Français

La taxe GAFA a été présentée la semaine dernière par Bruno Le Maire. Elle vise à taxer non pas les profits des grandes entreprises du numérique mais bien leur chiffre d'affaires

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Les enfants aiment faire peur avec des armes de fantaisie. C’est de leur âge. Il faut qu’ils se donnent eux même l’impression d’être plus grands qu’ils ne le sont en vérité. Cela leur donne une sensation de puissance. Qui fonctionne avec ceux de leur taille, de leur âge, et fait rire les adultes. Dans cette affaire des GAFA, les géants de l’internet sont les adultes, pas forcément très responsables et certainement pas exemplaires. Mais ils sont grands et forts, comme un adulte. L’enfant, c’est la France, un des nombreux nains du digital, qui pense suffisant de punir les grands, sans que cela ne solutionne son problème de croissance.

C’est un enfant content de punir un adulte, sachant que le lendemain, la différence de taille et de puissance restera la même. Le déficit toujours aussi lourd. Irrattrapable.  Mais cela fait certainement du bien ! On offre le spectacle de muscles aussi naissants que maigrelets au bon peuple, et on espère entraîner les copains, Européens, dans la bataille des petits, en espérant que l’empilement des petits cubes finira par ressembler à une tour.

Pourquoi notre Bruno Lemaire national, dans un geste de punition bien étrange alors que le Président de la République déroule chaque année le tapis rouge aux géants du numérique mondial, en quémandant une démonstration si téléphonée de la « tech for good », souhaitent tout à coup faire du « bad à la tech ». Pourquoi tout à coup ce coup de sang pour des géants qui ne font qu’exploiter l’incohérence de l’Europe, incapable d’harmoniser ses règles fiscales, en laissant le bénéfice de l’appel d’air à l’Irlande notamment ? Pourquoi cette focalisation sur les GAFA, quand 100% des entreprises du CAC40 exploitent les règles fiscales depuis des lustres au gré de leurs intérêts, pour le bonheur des meilleurs avocats fiscalistes de la place ? Peut être  parcequ’il est plus facile de s’attaquer aux étrangers, qu’à ses propres ressortissants ? Et après tout pourquoi pas ? Pour une fois que nous serions moins faibles et prêts à défendre nos intérêts, pourquoi devrais-je m’en plaindre ?

Alors comment devons nous analyser et juger cette taxation possible des GAFA, et des autres, puisque désormais les critères ont le mérite d’englober les entreprises des autres pays, dont la Chine. Prenons quelques angles d’analyse et jugeons.

Sous l’angle du rapport pour la France. Nous parlons de quelques centaines de millions. Notre déficit d’une part et nos dettes de l’autre, cumulées ou non, n’en riront même pas. A peine un début de chatouille, au mieux. L’objectif n’est donc pas financier, ou alors nous parlons de mendicité.

Sous l’angle de l’impact sur les sociétés étrangères du numérique, il est clair que quelques dizaines de millions d’impôt à payer, passera totalement inaperçu dans leur comptabilité. Dans la rubrique « divers faux frais » peut être. Et encore. Cela leur donnera au contraire une raison de prétendre ne pas profiter d’une quelconque bienveillance fiscale Hollandaise ou Irlandaise, puisqu’ils auront payé leur dîme.

Sous l’angle de l’élan Européen provoqué par cette mesure, attendons de voir. Mais penser que tout à coup, par le miracle du petit tourniquet dans l’air gouvernemental, la machine Européenne, qui a déjà été sommée 100 fois de faire le ménage dans l’harmonie de sa fiscalité, se mette en marche comme un seul homme pour exiger un taux d’imposition uniforme ou d’un différentiel acceptable, paraît pour le moins illusoire. A l’heure où l’Irlande, est un enjeu de négociation dans le cadre du Brexit, on voit mal comment ajouter à son éventuel fardeau, la renonciation à une fiscalité qui l’a fait passer de l’indigence et du chômage, à l’opulence et au plein emploi. Donc il ne faut rien chercher de ce côté.

Sous l’angle du bénéfice France maintenant. Ce bel argent, on parle de 500M, aurait permis au maigre plan IA de grossir d’un tiers. Par exemple. Mais malheureusement le fruit de l’impôt de choisit pas l’arbre duquel il tombe, et cet argent ira combler une minuscule partie de notre déficit. Donc nos petits du numérique français, ne profiteront pas de cette aubaine pour s’offrir une hormone de croissance. C’est bien dommage. Donc de ce côté, bénéfice nul !

A quoi sert donc cette taxe ? La question reste en suspens dans l’air de la technocratie et de la politique. Serait ce une question rhétorique ? Alors fallait il la faire ?

Oui et non.

Non, tout d’abord, pas ainsi en tous cas. J’aurais préféré, largement, une version « versement à un fonds pour nos éventuels futurs géants ». A la manière de ce que nous avions imposé pour la presse, mais en plus gros et en récurrent. Un bon gros fonds, utile pour nos start-up, afin de contribuer à leur donner ambition et moyens de devenir forts et internationaux. Ainsi « taxés », la somme aurait eu le mérite de l’efficacité, ou du moins de l’utilité.

Non, ensuite, car j’aurais accompagné cette mesure par son corolaire indispensable : L’ambition ! Ecrire, à la Chinoise, un plan sur 5 ans destiné à se doter d’un arsenal nucléaire d’entreprises mondiales, était le minimum à exiger comme complément d’une politique de représailles aux petits pieds. Mais sur ce terrain, toujours rien, alors que nous approchons des 2 années au pouvoir d’Emmanuel Macron, dont nous pensions tous qu’il avait tout compris sur le numérique. Dommage.

Oui, car on ne pouvait pas non plus ne rien faire, face à l’indécence des profits des GAFA (et des autres) et du ridicule des impôts payés. Ils nous « offrent » un petit bénéfice pour leur seul bénéfice, géant celui-là. Ils utilisent le génie français, qu’ils viennent louer avec une certaine hypocrisie, chaque année à l’Elysée, vantant notre intelligence mathématique, pour mieux mettre en valeur notre bêtise sur tous les autres terrains. Ils utilisent nos infrastructures, sans en payer le prix. Il faut trouver une compensation à tout cela. Mais pas au profit de l’Etat. Au profit de ceux qui créent la richesse plutôt qu’à ceux qui la gaspillent.

Au final, l’enfant français n’apportera rien à ses autres enfants. Il ne sera pas imité par ses pairs, ni par ses fils. Il aura fait la une des journaux pendant quelques heures, et m’aura permis de trouver l’inspiration pour cette tribune. Il n’y pas donc pas de petits bénéfices, il n’y a que de petites actions !

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