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Assemblée nationale.
Assemblée nationale.
©BERTRAND GUAY / AFP

Réforme des retraites

La motion de censure déposée par le groupe Liot n'a pas été adoptée à l'Assemblée pour seulement 9 voix.

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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La motion de censure, rejetée de peu le 20 mars, vient rappeler que nous sommes encore dans un régime parlementaire, où si le gouvernement est nommé par le président de la République, il ne peut pas survivre s’il n’a pas la confiance de l’Assemblée nationale. C’est un principe ancien, que l’on avait un peu oublié sous la Ve république, la constitution de 1958 ayant fait le maximum pour le minimiser, sans l’effacer complètement.

Sous la IIIe et la IVe république, l’instabilité gouvernementale était la norme, un simple vote négatif sur un sujet secondaire pouvant provoquer la démission du gouvernement. Les constituants de 1958 ont donc tout fait pour qu’il soit difficile de renverser un gouvernement, et surtout, que cela ne puisse surtout pas arriver par accident.

Contrairement aux républiques précédentes, depuis 1958, un premier ministre occupe la plénitude de ses pouvoirs dès qu’il est nommé par le président de la République, sans avoir besoin d’obtenir l’aval de l’Assemblée nationale. Il peut demander un vote de confiance, mais il n’y est pas obligé. Elisabeth Borne ne s’y est pas risquée, en juillet 2022, à la suite de son discours de politique générale.

Les députés peuvent renverser le gouvernement, mais uniquement dans le cadre d’une procédure bien précise, celle de la motion de censure (article 49 de la Constitution). Pour y arriver, il faut que le texte obtienne la majorité absolue des inscrits, soit 289 voix, quand l’effectif des 577 députés est au complet. Ceux qui ne soutiennent pas le texte n’ont pas besoin de venir voter, ce qui veut dire que les abstentions valent soutien au gouvernement. C’est donc très différent d’un scrutin où tout le monde vote, où on compte les pour et les contre, et où le texte est rejeté s’il y a davantage de contre que de pour.

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Pour éviter une trop grande fréquence de ces motions de censure, les députés ne peuvent être signataires que de trois motions dans l’année (article 49 alinéa 2) quand elles sont “spontanées”. En revanche, lorsque le gouvernement utilise l’article 49 alinéa 3, à chaque utilisation, les députés peuvent déposer une motion de censure qui est “hors quota”. Lors de la période budgétaire à l’automne 2023, Elisabeth Borne a eu droit à 10 motions de censures.

Jusqu’ici, techniquement, aucune n’a abouti, mais celle du 20 mars n’est pas passée loin, avec 278 voix, pour une barre d’adoption à 287. Comme souvent, en politique, il n’est pas nécessaire qu’un texte soit adopté pour qu’il y ait un effet politique, voire que le vrai but soit atteint.

Si le 20 mars, Elisabeth Borne n’a pas été contrainte à la démission, elle a été très affaiblie politiquement. Un résultat qui, paradoxalement, arrange sans doute beaucoup de députés d’opposition. En effet, en cas d’adoption d'une motion de censure, le président de la République n’a que deux choix : nommer un autre premier ministre ou dissoudre l’Assemblée nationale. Revenir devant les électeurs est toujours un risque pour les députés, même les plus solidement implantés.

Une seule motion de censure a été adoptée sous la cinquième république, le 4 octobre 1962. Le général de Gaulle a alors décidé de dissoudre, et les élections législatives lui ont donné une majorité absolue, laissant sur le carreau un nombre important de députés ayant voté la censure.

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