La science confirme ce que savait déjà la religion : pardonner est bon pour la santé<!-- --> | Atlantico.fr
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"Tout est pardonné", c'est ainsi que s'intitule le Charlie hebdo de ce mercredi 14 janvier.
"Tout est pardonné", c'est ainsi que s'intitule le Charlie hebdo de ce mercredi 14 janvier.
©REUTERS/Philippe Wojazer

En paix avec les autre et soi-même

"Tout est pardonné", c'est ainsi que s'intitule le Charlie hebdo de ce mercredi 14 janvier. Il est vrai que le pardon s'avère bénéfique sous bien des aspects, tant physiques que moraux.

Philippe Rodet

Philippe Rodet

Philippe Rodet a exercé la médecine d’urgence dans le cadre du SAMU et de l’assistance en réalisant des rapatriements sanitaires dans plus de cinquante pays. Homme engagé, il a participé à des missions humanitaires au Burkina-Faso, en Roumanie et à Sarajevo pendant la guerre.

Passionné depuis plus de vingt ans par l’interaction entre le stress et la motivation, il publie en 1998 L’ardeur nouvelle aux Editions Debresse et Le bonheur sans ordonnance aux éditions Eyrolles en janvier 2015. Son dernier ouvrage, Le management bienveillant, co-écrit avec Yves Desjacques, vient de paraître aux éditions Eyrolles. 

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Atlantico : La capacité à pardonner présenterait selon plusieurs études universitaires nord-américaines (lire ici en anglais) un certain nombre de bénéfices pour la santé, allant de l’amélioration du sommeil à l’allongement de l’espérance de vie en passant par la diminution de la pression artérielle. Dans quelle mesure le pardon contribue-t-il à favoriser notre santé, et pour quelles raisons ?

Philippe Rodet : Avant d'analyser les bienfaits du pardon, il peut être riche d’enseignements d’examiner, par effet miroir, quels sont les effets néfastes du ressentiment. En effet, le fait d’éprouver de la rancœur à l’égard de quelqu’un ne lui cause pas de mal, mais rend la vie singulièrement douloureuse, au sens premier du terme. De récentes études[1] montrent que le ressentiment produit une élévation des émotions négatives. Celles-ci impactent le corps, tant au niveau cardiaque, entraînant une élévation de la pression artérielle qu’au niveau de l’activité électrique du cerveau notamment au niveau du lobe frontal. On constate sur le long terme, une altération de la santé physique générale chez les personnes rancunières. Ces personnes souffrent aussi plus souvent de maux de tête, de troubles digestifs, de douleurs lombaires, d’anxiété voire de dépression[2]

A contrario, les thérapeutes qui travaillent avec des victimes de traumatismes, connaissent depuis longtemps les vertus du pardon. Ils ont, par exemple, remarqué que le soulagement apporté par le pardon, favorise les capacités d’adaptation et la guérison de ces personnes.

Les effets bénéfiques du pardon ont été plus largement étudiés par les chercheurs depuis une quinzaine d’années. Ils ont ainsi remarqué que le pardon constitue un excellent moyen pour diminuer la colère, la dépression, l’anxiété et diverses autres émotions négatives[3]. Par ailleurs, les personnes capables de pardonner sont en moyenne plus satisfaites de leur vie. Et après avoir pardonné, celles-ci sont plus confiantes en l’avenir et ont une meilleure estime d’elles-mêmes ![4]

Si le ressentiment est générateur d’émotions négatives et de stress, le pardon va au contraire diminuer les émotions négatives et le niveau de stress, il aura donc une action bénéfique sur la santé. A titre d’exemple, il améliore la qualité du sommeil, diminue la pression artérielle… contribuant ainsi à augmenter l’espérance de vie.

Dans quels cas le fait de pardonner a-t-il pu jouer un rôle véritablement salvateur, tant sur le plan physique que psychique ?

Il est tentant de penser à deux histoires vraies, des histoires terriblement douloureuses mais qui prouvent les capacités de certains humains à pardonner et parfois à survivre grâce à cela.

Tout d’abord, l’histoire de Kim Phuc. Le 8 juin 1972, en pleine guerre du Vietnam, un photographe immortalise une petite fille qui court nue sur une route, en hurlant sa douleur. Alors âgée de 9 ans, Kim Phuc vient d’être gravement brûlée après un bombardement au napalm.

Kim Phuc a survécu mais au prix de multiples chirurgies réparatrices et d’affections qui la handicapent encore aujourd’hui. 

En 1996, Kim Phuc est invitée à intervenir à Washington face à un parterre de vétérans. Quelque peu intimidée, elle prend la parole : "Si je pouvais me trouver face-à-face avec le pilote de l’avion qui a lancé la bombe, je lui dirai : on ne peut pas changer l’histoire, mais au moins peut-on essayer de faire de notre mieux dans le présent et le futur pour promouvoir la paix." Un homme dans l’assistance est profondément ému. Il fait parvenir à la jeune femme un billet sur lequel est inscrit : "Kim, je suis cet homme." Et John Plummer, c’est le nom de cet homme, attend, tremblant. Elle vient à lui, et le prend dans ses bras. Il éclate en sanglots. Implorant son pardon, elle lui répond : "Mais oui, c’est fini, je vous pardonne."

Une autre histoire vraie illustre bien le rôle salvateur du pardon, c’est celle de Natasha Kampusch. Dans son ouvrage "3096 jours", elle illustre à merveille les capacités du pardon à nous aider à résister aux pires situations. "Ma seule marge de manœuvre était de lui pardonner ses gestes. Je lui ai pardonné l’enlèvement et toutes les fois où il m’a frappée ou maltraitée. Cet acte du pardon me rendit le pouvoir sur ce que je vivais et me permit de m’en accommoder. Si je n’avais pas instinctivement adopté cette attitude, j’aurais peut-être sombré dans la colère et la haine – ou j’aurais succombé aux humiliations auxquelles j’étais soumise quotidiennement."

Quelle interprétation faites-vous du titre du Charlie Hebdo de ce mercredi : "Tout est pardonné" ?

 Tout d’abord, ce titre m’a beaucoup surpris et je n’ai pu m’empêcher à la fois de le relier aux événements de dimanche 11 janvier et de repenser à une autre journaliste et femme de lettres française, Marcelle Auclair. Elle écrivait : "Le pardon est plus qu'un sentiment, c'est une force qui déclenche d'admirables effets"...

Puisse ce titre aider à amplifier l’expression de l’union nationale de dimanche 11 janvier et… "déclencher d’admirables effets" !

La prévalence de la notion de pardon dans la plupart des grandes religions, notamment la religion chrétienne, doit-elle nous faire comprendre que celles-ci se sont fondées dès le début sur une intuition qui par la suite a été confirmée par la science ?

La notion de pardon me semble exister dans la plupart des religions. S’il est très présent dans la religion catholique puisque le mot "pardon" figure deux fois dans la prière Notre Père, il existe aussi dans la religion juive et s’exprime notamment avec la fête du Grand Pardon, le Yom Kippour. Enfin, dans le Coran, n’est-il pas écrit que les croyants "… dominent leur rage et pardonnent à autrui". (Coran, 3 : 134)

Il semble donc que très tôt, le pardon soit apparu comme la clé de la réconciliation, condition de survie de l’espèce humaine. Souvenons-nous des propos du docteur Roberto Assagioli, psychiatre et psychothérapeute italien : "Sans pardon, la vie est gouvernée par un parcours sans fin de ressentiment et de vengeance."

Propos recueillis par Gilles Boutin


[1] Mullet E., Neto F. and Riviere S. (2005), « Personality and its effects on resentment, revenge, and forgiveness and on self-forgiveness », in E.L. Worthington Jr. (Ed), Handbook of Forgiveness (pp. 159-182). New York : Brunner-Routledge.

[2] Muñoz Sastre M.T., Vinsonneau G., Neto F., Girard M. and Mullet E. (2003), « Forgivingness and satisfaction with life », Journal of Happiness Studies, 4, 323-335.

[3] Enright R. D. and Fitzgibbons R. P. (2000), Helping Clients Forgive: An Empirical Guide for Resolving Anger and Restoring Hope, Washington, DC: APA.

[4] Freedman S. R. and Enright R. D. (1996), « Forgiveness as an Intervention Goal with Incest Survivors », Journal of Consulting and Clinical Psychology, 64, 983-992.

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