La réindustrialisation de la France ne passera pas par la relocalisation... même pas en rêve...<!-- --> | Atlantico.fr
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Le logo Origine France Garantie prouve que 50% de la valeur du produit a été créée en France.
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©GUILLAUME SOUVANT AFP

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Nos politiques nous racontent des histoires parce que c'est plus simple pour eux de faire de la communication que d'assumer la réalité de la compétitivité qu'il faudrait restaurer. Le retard français est énorme.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Le débat sur la réindustrialisation de la France va reprendre à la rentrée, car le parlement va se remettre à  l'examen du projet de loi sur "l'industrie verte" et l'affectation des capitaux portés par les plans de relance (environ 30 milliards d'euros) qui ont pour premier objectif de favoriser l'installation d'usines sur le territoire. Il est évident que ce débat est légitime. 

La France a un tel retard dans son industrialisation qu'il faudrait mettre le paquet pour corriger ce déséquilibre. Selon Eurostat, la part de l'industrie manufacturière en France est de 9 % du PIB, alors qu'elle est en moyenne de 15 % dans la zone euro, dont bien sûr 18 % en Allemagne, 14 % en Italie et 12 % en Espagne. L'objectif de  Emmanuel Macron serait de remonter la France à 15 % du PIB... le pari est impossible . 

D'où ces discours pléthoriques sur l'attractivité de la France pour renforcer la capacité d'emploi, pour garantir une indépendance industrielle qui a été mise à mal par les conséquences du Covid et de la guerre en Ukraine. 

La crise sanitaire et la redistribution des rôles dans la géopolitique ont mis en exergue une dépendance coupable à l'égard de certains pays. Le modèle français a vu ses chaînes de valeur rompues, dans le médicament par exemple, l'industrie automobile et surtout l'électronique. Bref, tous ces dysfonctionnements ont été expliqués par les responsables politiques comme la conséquence d'une mondialisation excessive et aveugle. 

Ce n'est pas faux... Au cours des 25 dernières années, certains pays, dont la France, n'ont pas freiné les mouvements de délocalisation vers les pays émergents qui nous offraient alors des coûts de production très bas et, par conséquent, des pouvoirs d'achat très améliorés pour les consommateurs occidentaux... D'où la montée du chômage qu'il fallait indemniser, d'où la désertification de régions entières, d'où les ruptures d'approvisionnement en cas de problèmes logistiques ou politiques. Quand la France a manqué de médicaments pour se soigner ou de composants électroniques pour fabriquer nos automobiles, les gouvernements ont pris l'engagement de considérer que la réindustrialisation allait devenir la mère des batailles.

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Du côté des États-Unis, on n'a pas tenu un discours très différent. Quand Joe Biden annonce le grand plan de réindustrialisation et de lutte contre l'inflation, il libère un budget très conséquent pour faire un peu de protectionnisme et beaucoup de subventions à l'installation. Politiquement, cela sonne comme une réponse aux mouvements populistes, et pour la majorité des gouvernements occidentaux, ce n'est certainement pas inutile de travailler à restaurer une certaine souveraineté industrielle.

La réalité française est cependant bien différente des premiers résultats annoncés ou promis. Il existe certes des signes de réindustrialisation. Le cabinet de conseil EY nous a inondés de chiffres prouvant l'attractivité française aux yeux des investisseurs étrangers qui représentent désormais près de 50 % des projets. Le chiffre est important, mais il ne mesure pas les nouveaux projets, mais essentiellement les rachats d'actifs industriels existants et en difficulté. On sait aussi que l'exécutif a fait le maximum pour convaincre Stellantis (Peugeot-Fiat) de construire une gigafactory pour ses batteries, et Elon Musk, reçu récemment à plusieurs reprises avec un projet d'usine automobile destinée à satisfaire le marché européen... mais ces projets n'ont pas abouti et iront atterrir plutôt en Allemagne et plus sûrement en Espagne.

Le problème, c'est que le logiciel de réindustrialisation de la France a plus vocation à faire de la communication politique qu'à préparer l'écosystème industriel.

Premier point : la mondialisation n'est pas arrêtée, loin s'en faut. Il faudrait seulement diversifier les sources d'approvisionnement beaucoup plus qu'elles ne le sont actuellement pour éviter d'être piégés.

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Deuxième point : on peut certes rapprocher certaines fabrications des zones de consommation parce que les coûts de transport sont élevés, mais pas question de se priver d'un accès aux marchés nouveaux si les conditions politiques le permettent. Danone ne peut pas rapatrier en France ce qu'il produit en Russie, car Danone est trop enraciné dans l'économie russe (les contrats avec les producteurs sont indispensables à Danone et à la Russie), et parce que le marché des usines Danone est local. Danone ne peut qu'attendre que la situation politique soit assainie et promettre de récupérer les actifs pour relancer l'activité. La situation est quasiment identique pour les constructeurs automobiles en Chine ; ils sont en Chine pour approvisionner le marché chinois. Même si certains ont exporté certains modèles vers l'Europe ou y songent sérieusement avec les modèles électriques.

Dans de nombreux secteurs, on va continuer d'avoir besoin de la production des pays émergents, lesquels ont besoin des innovations technologiques que les actifs industriels apportent.

Le problème qu'il faut régler est celui du respect du droit international et des accords signés sur les conditions de travail et d'environnement. Accords de réciprocité également . 

Troisième point : la réindustrialisation passe surtout par des conditions structurelles que nous avons beaucoup négligées :

Une formation aux métiers qu'il faudrait relancer,

Une production d'énergie compétitive et sécurisée, c'est tout l'enjeu en France du plan de relance nucléaire,

Des conditions sociales et fiscales qui ne condamnent pas l'équilibre concurrentiel,

Un ensemble de normes environnementales qui ne piègent pas en Occident les industriels locaux, alors que leurs concurrents des pays émergents en seraient exonérés. C'est toute la question de la taxe carbone qui est en jeu.

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