La réforme des allocations familiales de 2014 a fait chuter la natalité française de près de… 40% <!-- --> | Atlantico.fr
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Peut-on légitimement imputer la chute de 40% de la natalité française à la réforme de François Hollande ?
Peut-on légitimement imputer la chute de 40% de la natalité française à la réforme de François Hollande ?
©Angelos Tzortzinis / AFP

Made in Hollande

François Hollande avait décidé de conditionner les allocations familiales au niveau de revenus des parents en 2014. Selon l'économiste Nelly Elmallakh, cette décision politique a eu un impact sur la natalité.

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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Atlantico : En octobre 2014, François Hollande décidait de conditionner les allocations familiales au niveau de revenus des parents. Un récent article universitaire, publié par l'économiste Nelly Elmallakh dresse le lien entre ce choix politique et la baisse de la natalité observée depuis. Peut-on légitimement imputer la chute de 40% de la natalité française, qui débute en 2014, à cette réforme ?

Marc de Basquiat : Il est évidemment tentant d’examiner les variations du taux de fécondité du pays avec les choix de politiques publiques portés par les gouvernements successifs. A partir des chiffres de l’INSEE, on peut tracer ce graphique limpide :

Alors que la natalité a significativement augmenté avec les gouvernements de droite, elle a chuté sous Hollande et poursuit sa régression à l’ère du « en même temps ». Le travail de Nelly Elmallakh permet de zoomer au début des années 2010 pour dater une nette inflexion de la courbe : l’année 2014.

Source : Nelly Elmallakh (2023), Demography, “Fertility and Labor Supply Responses to Child Allowances”, Duke University Press, p. 1511

Ce graphique nous interroge sur la causalité entre la décision du président Hollande, mise en œuvre en 2015, et la décision de donner le jours à une progéniture, pour une naissance neuf mois plus tard. En réalité, l’article d’Elmallakh ne se limite pas à cette seule décision politique, emblématique car elle a brisé le principe d’universalité formulé par le Conseil National de la Résistance au sortir de la Seconde guerre mondiale. Il faut élargir l’analyse à l’accumulation de mesures restrictives à l’égard des familles des classes moyennes et aisées, ainsi qu’à la propagation d’un discours anti-nataliste. 

Cette réforme s’inscrit dans une dynamique qui comprend également l’abaissement du plafond du quotient familial. Quelles sont les autres éventuelles mesures qui ont pu peser sur la natalité française ?

Le président Hollande a abaissé par deux fois, en 2013 et 2014, le plafond du quotient familial dont bénéficient les classes moyennes à aisées. Par ailleurs, le soutien accordé aux familles pour garder leurs enfants de moins de trois ans (PAJE) a été critiquée dès 2012 par ceux qui pointaient son incidence négative sur le taux d’emploi des jeunes mamans, voire leur moindre dynamique salariale. Un pseudo-débat a ressurgi à l’époque entre la défense d’un modèle de « la mère au foyer », évidemment anachronique, et un soutien à l’activité féminine malgré la présence de jeunes enfants.

Pour tenter une explication de la baisse de la natalité, il est donc nécessaire de conjuguer une analyse chiffrée des aides (monétaires ou en nature, par exemple par les structures d’accueil des jeunes enfants) et des discours propagés par les analystes et responsables politiques marqués par diverses idéologies.

L’analyse chiffrée peut être synthétisée par un graphique bien connu, publié par Léon Régent dans "La face cachées des prestations familiales".

On y mesure à quel point l’aide monétaire accordée aux parents pour leurs enfants à charge est incohérente. Par exemple, un couple formé par une personne payée deux fois le SMIC et une autre au foyer ne perçoit strictement aucune aide pour son enfant unique. A l’autre extrême, une mère isolée au salaire confortable perçoit au moins 500 euros pour chacun de ses enfants à charge.

Ce graphique révèle une multitude d’incohérences de notre politique familiale. Le fait que les familles monoparentales des classes moyennes à aisées soient à ce point privilégiées par rapport aux couples (et dans une moindre mesure aux familles monoparentales pauvres) est un autre effet marquant de discours victimaires qui contribuent à l’incohérence d’ensemble.

Remplacer ce fatras inepte par une allocation familiale unique (AFU) de l’ordre de 250 euros mensuels par enfant à charge (avec le maintien d’un complément ASF forfaitaire pour les enfants privés du soutien de leur deuxième parent), serait une mesure de bon sens. 

Outre les incitations financières et les mesures politiques, peut-être faut-il également considérer le discours ambiant concernant la famille et les enfants. Dorénavant, certains couples perçoivent le fait de faire des enfants comme quelque chose d’écologiquement irresponsable. Cela a-t-il pu jouer sur la baisse de la natalité en Hexagone ?

Entre les délires woke et les inquiétudes légitimes sur la dégradation de notre environnement, le climat n’est pas à la sérénité. Choisir d’enfanter est un pari sur l’avenir que certains jeunes adultes ne sont plus prêts à faire. On évoque régulièrement le refus de nombreuses jeunes femmes de devenir mère, jusqu’à en faire une mode contagieuse, voire un choix raisonnable. Entre écologie, maîtrise de son corps, revendication de liberté ou simple aversion à la procréation, on trouve quantité d’argumentaires pour détourner les jeunes générations d’un programme parental inscrit dans les gènes de toute espèce, animale ou végétale. 

Dans quelle mesure faut-il s’inquiéter de cette perte de natalité ?

Depuis des décennies, la France se réjouissait d’un taux de fécondité un peu supérieur à deux enfants par femme alors que nos voisins allemands, italiens ou espagnol avaient plongé dans les affres du non-renouvellement des générations. Jusqu’à quel niveau la France peut-elle tomber ? La Corée du Sud présente le cas le plus extrême, avec un taux inférieur à 0,8 enfants par femme : sa population est en diminution nette, avec pour perspective une division par deux avant la fin du siècle.

Au plan économique, c’est évidemment désastreux : des actifs de moins en moins nombreux doivent supporter le poids croissant des retraités. Une idéologie (de gauche) vient au secours : il suffit d’accepter une immigration massive de travailleurs et familles à la démographie dynamique…

Du point de vue du moral de la Nation, c’est également une perspective désolante : on s’amuse plus spontanément dans une cour de maternelle que dans un Ehpad.

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