La production de vaccins est en train de devenir un business rentable. Et voilà la mauvaise nouvelle qui se cache derrière la bonne<!-- --> | Atlantico.fr
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Des vaccins Moderna contre le Covid-19.
Des vaccins Moderna contre le Covid-19.
©Joseph Prezioso / AFP

Multiplication des doses

Historiquement, les vaccins ont presque toujours été une activité à très faible rentabilité pour l’industrie pharmaceutique.

Pierre Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université. 

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Atlantico : Avec l’émergence de variants réduisant l’efficacité du vaccin et forçant à envisager des doses de rappel, le business de la vaccination va-t-il devenir rentable ?

Pierre Bentata : Mécaniquement, si on a une multiplication des quantités achetées parce qu’on multiplie les doses, on gagne en rentabilité. Ce sont des économies d’échelle. Toutefois, plusieurs facteurs rentrent en jeu. Le premier est la façon dont on a tarifé les vaccins. S'ils ont été négociés à un prix proche des coûts de production, il n’y aura pas vraiment de profits ; mais si certains ont dégagé une marge, ils vont faire des profits. Mais savoir cela nécessite d’être dans le secret des négociations pour connaître la manière dont les contrats d’achat et les commandes ont été faites. Notamment, il faut savoir si les contrats ont été conditionnés par exemple à l’efficacité du vaccin ou à la recommandation de nouvelles doses. Si ce n’est pas le cas, évidemment, il va y avoir plus de profit d’un côté et des dépenses plus importantes. En Italie, sur les thérapies innovantes, on paye à l’efficacité du produit, et s’il le faut le laboratoire négocie à la baisse en cas de résultats décevants. Je ne sais pas si c’est le fonctionnement choisi par l’Union européenne.

Quels sont les risques que les vaccins anti-Covid deviennent un business rentable ?

Ce n’est pas un problème en soi car l’économie n’est pas une science morale. Là où cela peut devenir problématique et particulièrement politiquement, ce serait dans le cas où les Etats n'auraient pas provisionné et que le vaccin en nécessitant d’être répété en permanence ne remplirait pas l’objectif initial. Dans ce cas-là, il y aurait une sorte de rente de position. Les premiers qui seraient arrivés et auraient réussi à produire auraient gagné beaucoup d’argent au départ car ils auraient pu répondre à une demande mais finalement le service fourni n’aurait pas l’efficacité attendu. C’est une question d’opportunisme des laboratoires difficile à prévoir. Si c'est le cas, il faut prendre des mesures, si non, il faut de toute manière renégocier sinon on place le laboratoire dans une situation de quasi-rente de monopole. La deuxième possibilité est d’ordre purement budgétaire. Pour des dépenses publiques efficaces, les bénéfices doivent être supérieurs aux coûts. Dans une situation de crise sanitaire, le vaccin est censé apporter des bénéfices énormes et compenser les coûts du vaccin lui-même. Si l’efficacité du vaccin baisse, la dépense publique perd en efficacité. Cela pose une question de finances publiques puisque si on a tout misé sur cette stratégie, il faut se demander s’il convient de continuer à le faire.

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Le vrai problème est celui de la connaissance de la qualité des produits. Une politique publique efficace doit faire en sorte d’apporter le maximum de certitude pour prendre des décisions à moyen terme. Sans ça, il est difficile de budgéter et de mener une politique publique et sanitaire cohérente et l’on risque des revirements. Or sans horizon temporel sûr, les entreprises ne peuvent pas investir ou embaucher ce qui risque de ralentir la croissance. Ce n’est pas la faute des politiques en tant que tel mais il est de leur ressort d’allouer des moyens pour approfondir les connaissances. Cela veut dire beaucoup s’en remettre à la recherche médicale. Il faut aussi qu’il y ait une communication très claire des gouvernements.

Quel impact cela pourrait-il avoir sur les pays non-occidentaux qui sont très en retard sur le plan de la vaccination ?

D’après ce que disent les médecins, on a besoin de vacciner une immense partie de la planète. Même si l’on a réussi à augmenter largement les quantités produites, nous sommes toujours dans un contexte ou l’offre est contrainte par rapport à une demande très importante. A partir du moment où il faut plus de deux doses, nécessairement, la contrainte de l’offre par rapport à la demande devient encore plus importante. Ceux qui risquent d’en pâtir sont les pays les moins bien dotés financièrement, ceux les plus en retard dans leurs commandes. Ce sont donc souvent les pays les plus pauvres. Les premiers dépensent plus mais récupèrent le produit, les pays les plus pauvres doivent attendre longtemps, souvent le temps que le produit soit rentabilisé pour y avoir accès.

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