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La prochaine crise : tout le monde la pressent, mais personne n’en connaît les vraies causes ni son ampleur
©Drew Angerer / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Atlantico Business

La semaine dernière a été désastreuse pour les financiers internationaux qui s’attendent à des nouveaux décrochages boursiers et notamment sur les valeurs les plus solides.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le propre d’une crise, c’est qu’on peut difficilement en prévoir sa date et son ampleur. Ce qui se passe depuis un mois n’a jamais été aussi imprévisible.

La semaine dernière a encore été désastreuse sur les marchés financiers internationaux. Toutes les places financières ont dévissé gravement (plus de 20% en moyenne). Les grandes stars de l’économie digitale comme Amazon ou Facebook ont été attaquées avec une rare violence. Y compris les entreprises les plus orthodoxes de l’économie, comme dans l’automobile, la banque et l’assurance. Et cela en dépit de résultats financiers plus que confortables avec des prévisions d’activité certes en léger ralentissement, mais encore très encourageants.

A priori, la situation est assez incompréhensible pour trois raisons :

1ère raison, la majorité des experts financiers s’attendaient à un ajustement à la baisse, mais pas à un Krach.  En gros, ils considéraient que la valeur des actifs avait tellement monté depuis deux ans qu’il leur paraissait assez sain que les cours baissent un peu. Certains investisseurs ayant logiquement envie ou besoin de prendre leurs bénéfices de façon à restructurer leur portefeuille et de vendre des titres surévalués pour en acheter d’autres sous cotés.

Cette phase d’arbitrage peut paraître d’autant plus normale que, partout dans le monde, les politiques monétaires amorcent une évolution en remontant les taux d’intérêt et en restreignant l’émission de liquidités considérées à juste titre comme excessives. Parallèlement, on sait aussi que l’Amérique de Trump ne va pas pouvoir provoquer l’année prochaine un nouveau choc fiscal comme celui de l’an dernier. Bref, si les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, l’économie ne peut pas tourner à plein régime sans risquer la surchauffe.

2e raison, les mêmes experts pensent aussi qu’après une période d’ajustement, il existe des forces de rappel qui permettent un rebond capable de rétablir un équilibre de croissance. Cette conviction s’appuie sur une situation économique internationale qui n’est pas mauvaise.

3e raison, pourtant, en cette fin de semaine, les observateurs commencent à douter de la capacité de rebond ou d’arbitrage rapide avant la fin de l’année. Dans ces conditions, l’inquiétude s’installe et la peur de voir une crise boursière engendrer une crise monétaire, économique et sociale devient probante.

Dans ces conditions, les opinions publiques sont partagées entre deux attitudes. Jacques Attali l’explique très clairement dans son dernier essai (Comment nous protéger des prochaines crises, chez Fayard):

Ou bien on reste nager dedans et on se complaît à aligner les évolutions positives qui ont affecté l’humanité, les avancées économiques, scientifiques etc., et qui ont engendré des progrès incontestables;

Ou bien on essaie d’être lucide et de reconnaître qu’il existe véritablement beaucoup de facteurs de dysfonctionnement. La plupart, d’ailleurs, étant portés par les remèdes prescrits pour amortir la crise précédente. Et de préciser avec raison que, si l’action des banques centrales depuis dix ans a empêché le monde de sombrer dans une asphyxie générale en arrosant les systèmes de liquidités comme jamais dans l’histoire, les gouvernements drogués et dopés de « monnaie pas chère » se sont dispensés d’engager des réformes de structures qui auraient été nécessaires mais douloureuses.

Or, si on regarde les faits et les chiffres qui décrivent la situation actuelle, on est obligé de reconnaître que tout est réuni pour provoquer un nouveau cataclysme économique.

Les facteurs techniques à court terme sont autant de catalyseurs à la crise : hausse des taux d’intérêt, hausse des prix du pétrole et des matières premières, survalorisation d’entreprises. Lâcheté des grandes démocraties et refus de voir plus loin que le bout d’un mandat électoral.

Les facteurs politiques à moyen terme sont autant de ferments à la crise : retour au protectionnisme, montée du nationalisme et du communautarisme religieux, vague de démagogie qui dérègle encore davantage les démocraties. Sans parler des inégalités de fortunes qui n’ont jamais été aussi profondes qu’aujourd’hui.

Mais on retrouve aussi des facteurs écologiques à plus long terme. Il existe des risques écologiques qui sont aujourd’hui scientifiquement prouvés, le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources naturelles.

Et face à ces risques majeurs, les partis politiques et les doctrines classiques sont débordés, ils n’ont pas de réponses. Les problèmes écologiques se développent à très long terme, sur plusieurs générations, ils posent de nouvelles responsabilités. Ils transcendent les partis traditionnels. Les clivages.

Pour simplifier, les questions écologiques provoquent deux grands types de réponses.

D’un côté, les questions écologiques engendrent des réactions malthusiennes. Avec un raisonnement simpliste mais convaincant : si la planète s’épuise et se réchauffe, c’est parce que la modernité produit et consomme trop de richesses. Moralité, produisons moins, échappons à cette ambition de progrès. Outre le côté punitif de cette écologie là, qui atteint la liberté individuelle, elle fait fi aussi de l'intelligence humaine et de sa capacité trouver des solutions qui combineraient l’objectif de progrès et la contrainte de protéger les ressources rares.

De l‘autre côté, les questions écologiques peuvent susciter des recherches et des solutions qui protègent nos besoins de progrès. Ce courant-là est encore majoritaire, mais il se heurte très souvent à la contradiction entre les intérêts à long terme et les intérêts immédiats.
Les gouvernements sont fragiles face à des projets long terme. Les entreprises sont vulnérables mais conscientes de la nécessité de prévoir et d’agir à long terme. Elles n‘ont pas d’électeurs à satisfaire, mais elles ont des clients, des actionnaires et des salariés à convaincre.

Quant aux opinions publiques, elles sont très contradictoires. Elles vont manifester contre le diesel, mais elles y vont en 4/4... Elles prônent la sécurité routière mais se mettent en colère contre la limitation de vitesse à 80 Km/h, elles revendiquent une alimentation saine et une hygiène de vie parfaite, mais continuent de fumer, d’abuser de l’alcool etc..

Les opinions publiques réclament une économie circulaire mais se mettent difficilement au tri des déchets.

La prochaine crise se nourrit aujourd’hui de tous ces facteurs de dérégulation contradictoire, ce qui crée une situation difficilement explicable et prévisible. 

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