La pandémie de Covid aurait provoqué une augmentation du diabète chez les enfants et les adolescents<!-- --> | Atlantico.fr
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Une jeune fille se fait vacciner lors de la pandémie de Covid-19.
Une jeune fille se fait vacciner lors de la pandémie de Covid-19.
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Santé publique

Une hausse inhabituelle du nombre d'enfants et d'adolescents dans le monde diagnostiqués avec le diabète de type 1 a été constatée depuis la pandémie de Covid-19, selon une nouvelle étude publiée dans la revue JAMA Network Open.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Selon une nouvelle étude publiée dans la revue JAMA Network Open, il y a eu une augmentation inhabituelle du nombre d'enfants et d'adolescents dans le monde diagnostiqués avec le diabète de type 1 depuis le Covid. À quel point l'augmentation des cas de diabète est-elle inhabituelle ?

Antoine Flahault :Il faut savoir que l’incidence du diabète de type 1 augmentait régulièrement depuis plusieurs années avant la pandémie, de l’ordre de 3 à 5% par an. Dans cette nouvelle méta-analyse l’incidence du diabète de type 1 a augmenté par rapport à 2019, de 14% la première année de la pandémie et 27% la seconde année. Cette recherche a rassemblé 42 études publiées portant sur 38 000 enfants inclus dans plusieurs pays dont, pour l’Europe : la Belgique, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce, la République Tchèque, la Roumanie, la Pologne, la Serbie, le Monténégro, la Turquie.

Surtout, comment expliquer la hausse de ces cas de diabète de type 1 suite à la pandémie ? Le Covid pourrait-il en être la cause directe ?

Les chercheurs restent prudents sur leurs hypothèses. Ils envisagent plusieurs explications. Il rejettent cependant l’hypothèse que l’on pourrait attribuer l’ensemble de cette hausse des cas de diabètes de type 1 uniquement au seul effet des rattrapages qui auraient été dus aux confinements et aux retards d’accès aux soins et aux diagnostics. Le diabète de type 1 est une affection qui est diagnostiquée dans l’enfance et dont le diagnostic ne peut pas être beaucoup retardé tellement elle est grave si elle n’est pas prise en charge. D’autres études plus anciennes, dont une étude française parue en 2017 avec les données du réseau Sentinelles de l’Inserm avaient déjà évoqué des liens possibles entre l’exposition à des maladies infectieuses durant l’enfance et la survenue de diabète de type 1. Ces chercheurs ont retrouvé par exemple une association statistique entre la grippe et la survenue de diabète de type 1, de même avec les gastroentérites estivales, sans non plus qu’ils ne se l’expliquent vraiment. A contrario, l’exposition au virus de la varicelle aurait plutôt tendance à « protéger » contre la survenue d’un diabète de type 1. Des théories de la persistance du virus de la varicelle dans l’organisme ont été avancées. On retrouve le virus de la varicelle notamment dans des ganglions nerveux qui sont en lien avec les îlots de Langerhans, ces cellules du pancréas qui sécrètent l’insuline. La présence du virus de la varicelle dans ces ganglions pourrait protéger contre la survenue d’un diabète de type 1. Cette hypothèse n’est cependant pas démontrée. On voit que la recherche dans ce domaine en est encore à ses balbutiements. Il y a des interactions possibles entre les infections, virales ou bactériennes et des maladies auto-immunes comme le diabète de type 1. On pense que l’environnement au sens large, incluant donc les expositions aux maladies infectieuses, joue probablement un rôle dans la survenue de diabète de type 1, en dehors de la composante génétique qui ne compterait que pour 30 à 40% des cas, d’après les études réalisées chez des jumeaux homozygotes vivant dans des environnements différents. Concernant le SARS-CoV-2, il est difficile de déterminer le rôle de l’exposition au virus dans la survenue de diabète de type 1 chez l’enfant. Il est possible aussi que les différentes mesures prises pendant la pandémie aient modifié l’écosystème de l’enfant, notamment sur le plan infectieux et que ces changements puissent être à l’origine du diabète de type 1 chez eux. Ainsi, on sait que la grippe a plutôt moins souvent circulé, mais peut-être aussi la varicelle ou encore d’autres agents pathogènes moins bien repérés.

Quelles sont les implications à long terme de cette augmentation du nombre de cas de diabète de type 1 chez les jeunes, tant sur le plan individuel que sur le plan de la santé publique ? Quelles mesures pourraient être prises pour faire face à cette situation ?

Le diabète de type 1 est une maladie rare, grave, et curable puisque l’on substitue au pancréas défaillant un traitement par insuline pluriquotidien. La qualité de vie des patients est cependant très altérée, en raison des contraintes inhérentes au traitement et à sa surveillance qui sont lourdes tant pour l’enfant que pour sa famille. Les complications d’un diabète mal équilibré sont redoutables, notamment pour le rein, le cœur, le cerveau et les yeux. Cette recherche montre une augmentation de près de 15 à 30% des cas de diabète de type 1 durant les deux premières années de la pandémie, si ces résultats devaient être confirmés par d’autres études, notamment en France, ils conduiraient à une augmentation du fardeau lié à cette maladie. Tentons d’en chiffrer l’ampleur par le calcul approché suivant. En France, il y a 3,7 millions de diabétiques dont 370 000 (10%) atteints du diabète de type 1. L’incidence (c’est-à-dire le nombre de nouveaux cas par an) était de 15 cas pour 100 000 enfants en 2019. Une augmentation respectivement de 15 et 30% en 2020 et 2021, porterait cette incidence à 17 à 20 cas pour 100 000 enfants en 2020 et 2021. Sachant qu’il y a près de 12 millions d’enfants de moins de 15 ans en France. Ainsi au lieu d’avoir enregistré 1800 nouveaux enfants diabétiques de type 1 en France en 2020 et près de 1900 en 2021, la transposition de l’augmentation rapportée dans l’étude du JAMA à la France, correspondrait à 2000 nouveaux enfants de moins de 15 ans atteints de diabète de type 1  en 2020, et 2400 cas en 2021.

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