La marraine : comment Marm Mandelbaum est devenue la femme la plus puissante de la mafia américaine en développant une redoutable école du crime<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Marm Mandelbaum.
Marm Mandelbaum.
©Capture

Epopée

Dans les années 1850, les rues de New York grouillaient d'enfants abandonnés, luttant pour survivre. C'est alors que "Marm" Mandelbaum eut l'idée d'ouvrir une école du crime...

L'histoire s'est déroulée durant "l'âge doré" de New York. C'est dans les années 1850 que la première grande matrone du crime organisé de la ville, celle qui éduqua les criminels les plus endurcis et leur permis de faire fortune, s'est fait connaître. Son nom : "Marm" Mandelbaum.

A cette époque, les rues de New York grouillaient d'orphelins et d'enfants abandonnés, qui luttaient pour leur survie. Alors que tous les habitants de la ville les fuyaient comme la peste, "Marm" Mandelbaum vit en eux l'opportunité d'étendre encore un peu plus son influence dans le monde de la pègre. Elle décida donc d'ouvrir, sur Grand Street, une école du crime. Les criminels les plus agguéris y enseignèrent alors leur "art" aux enfants des rues. En peu de temps, cet établissement devint une référence en la matière et les étudiants les plus brillants se voyaient même offrir des postes de salariés auprès de Marm. En contrepartie de quoi, ils devaient lui rapporter l'intégralité de leurs larcins à chaque prise. 

Mais cette école n'était qu'un moyen parmi d'autres, pour cette immigrante juive allemande, d'étendre son influence dans le monde de la pègre, sur lequel elle régna pendant plus de 25 ans. En 1884, un article du New York Times la consacra "nerf et centre de toute l'organisation criminelle de New York".

Née en 1827 à Hanover en Prusse, Friederike Henriette Auguste Wiesener épousa Wolf Israel Mandelbaum, qui immigra ensuite aux Etats-Unis. Elle le rejoint là-bas à l'âge de 23 ans et commença alors sa carrière dans le crime. Elle débuta en tant que vendeuse de rue. A cause de sa stature colossale (elle mesurait plus d'1m80 et pesait près de 136 kg), elle se démarqua rapidement des autres. Elle s'établit rapidement une réputation, aussi bien auprès de ses clients qu'auprès des voleurs qui lui vendaient les biens qu'ils avaient précédemment dérobés.

Mandelbaum comprit immédiatement que si elle voulait aller loin dans ses affaires, il lui faudrait le soutient de politiciens, de policiers et de juges. Aussi elle mit un point d'honneur à soudoyer scrupuleusement chacune de ces catégories.

En 1864, son entreprise (acheter de la marchandise volée aux criminels et la revendre à profit) marchait si bien qu'elle a pu acheter un immeuble de trois étages à l'angle de Clinton avenue et de Rivington Street. Elle y ouvrit une mercerie au rez-de-chaussée afin de faire façade. Pour assurer la sécurité de son opération crapuleuse, Mandelbaum usa des services du cabinet juridique Howe&Hummel, deux des plus corrompus défenseurs des criminels du pays, pour une rente de 5 000 dollars par an. Dès qu'un membre de son gang avait des problèmes, elle prenait en charge sa défense et soudoyait la police et les juges impliqués dans l'affaire. Particulièrement protectrice, elle appelait les membres de son organisation ses "petites poules" et eux-mêmes l'appelaient "Marm", un raccourci pour "maman". "Ils m'appellent Ma parce que je leur donne de l'argent, des chevaux et des diamants", avait-elle l'habitude de dire.

Parmi tous les criminels que Mandelbaum entraina, elle mettait un point d'honneur à aider les jeunes femmes à intégrer son monde. Elle voulait aider toutes les femmes qui "ne gâchent pas leur vie à être des femmes de chambre". En raison de ces efforts pour aider les femmes à "trouver du travail" et à gagner plus d'argent que celui que leur aurait assuré un travail de femmes de chambre ou d'ouvrière, et ce malgré son statut de criminelles, quelques historiennes féministes contemporaine voient en elle une héroïne de "l'âge doré".

En 1880, Mandelbaum était devenue le premier receveur de marchandise volée dans le pays et l'une des plus puissantes figures du crime organisée. Elle avait ainsi amassé une fortune personnelle estimée à plus de 1 million de dollars. Elle détenait des immeubles dans la ville ainsi que des entrepôts dans le New Jersey et à Brooklyn où elle stockait sa marchandise volée. Alors que ses affaires s'étendaient, elle décora le deuxième étage de sa maison avec des tapisseries, des peintures et de l'argenterie qui venaient directement des manoirs les plus raffinés de New York.

Bien qu'au courant de ses activités, la haute bourgeoisie n'eut d'autre choix que d'accepter Marm, bon gré-mal gré. Car cette dernière recevait sans arrêt de manière grandiose où les criminels les plus recherchés du pays s'acoquinaient joyeusement avec l'élite new-yorkaise, les juges, les policiers, les hommes d'affaires et les politiciens.

Afin d'étendre son influence dans la pègre, Mandelbaum ouvrit son école de crime, où elle rencontra et guida sa protégée la plus célèbre : Sophie Lyons, qui fut plus tard connue sous le nom de "Princesse du Crime". Mandelbaum, immense et grosse, était attirée par la beauté de Lyons et voyait en elle ce qu'elle aurait aimé être. Refusant que ses propres filles s'engagent dans une quelconque activité criminelle, elle choisit Lyons pour lui succéder.

Aussi belle qu'elle était futée, Sophie réussit à échapper à de nombreuses arrestations. Il fut une fois où la police était persuadée d'avoir enfin réussi à la prendre la main dans le sac. Mais elle réussit à s'en tirer en clamant haut et fort que jamais la célèbre Sophie Lyons ne serait fait attraper par de tels amateurs !

Malgré sa longue et intime relation avec Mandelbaum, Lyons finira par se retourner contre elle dans  son livre Why Crimes Does Not Pay, publié en 1913. Elle y décrira son mentor comme une prédatrice criminelle qui l'avait attirée dans une vie de crime.

Mandelbaum finança également quelques-uns des casses les plus mythiques de l'histoire des Etats-Unis, dirigeant les opérations de George Leslie et de sa bande de voleurs.  Leslie était connu sous le nom de "Roi des braquages de banques", un titre que ses associés criminels lui décernèrent. D'après la police, il était responsable d'au moins 80% des braquages de banques qui eurent lieu dans le pays à cette époque. En octobre 1878, son gang pénétra dans le Manhattan Savings Institution et déroba pour près de 3 millions de dollars (environ 75 millions de dollars actuels).  

Le règne de Mandelbaum en tant que reine des voleurs prit fin en 1884, quand le nouveau procureur de New York, Peter Olney, aidé des détectives de l'agence privée Pinkerton, l'attrapa après une opération d'infiltration qui dura cinq mois. Travaillant sous couverture, le détective Gustav Frank avait vendu à Mandelbaum plusieurs rouleaux de soie volée qui avaient été secrètement marqués. Quand les détectives trouvèrent la soie en sa possession, ils l'arrêtèrent.

Le 2 juillet 1884, le détective Frank, se rendit devant la voiture garée à côté de la mercerie de Mandelbaum, son mandat d'arrêt en main. A l'intérieur se trouvaient la reine des voleurs, son fils de 24 ans et son plus vieux confident, Herman Stoude. Ouvrant la voiture, flanqué de ses détectives, Frank lui brandit son mandat d'arrêt au visage et exulta : "Vous êtes faite cette fois ! ".  Mandelbaum lui donna un violent coup dans le nez et le plaqua à terre. " Alors c'est vous qui êtes derrière tout ça, misérable! ", lui hurla-t-elle. Les autres détectives durent la maintenir afin qu'elle ne le frappe pas à nouveau.

Mandelbaum et ceux qui l'accompagnaient furent arrêtés et amenés au commissariat d'Harlem. Elle fut relâchée sous caution (30 000 dollars). Malgré les nombreux juges qu'elle avait en poche, Mandelbaum ne put échapper aux charges détenues contre elles. Peter Olney fit en sorte que son cas fut étudié par un juge incorruptible.  Aussi, malgré l'insistance de ses avocats et les appels à l'aide lancés à ses puissants contacts, il devint évident que rien n'empêcherait son procès ni qu'on la juge coupable.

Entre l'arrestation de Mandelbaum et le procès au début du mois de décembre, les détectives surveillèrent sa maison jour et nuit, traquant le moindre de ses mouvements. La veille du procès, Mandelbaum sorti de chez elle, toute vêtue de noir, les plumes de son chapeau recouvrant son visage.  Elle salua les détectives et monta dans une voiture pour se rendre chez son avocat. Elle resta alors quelques temps dans son bureau avant de ressortir. Elle s'en revint ensuite chez elle, les détectives toujours sur les talons.

Cependant, la femme qui était sortie du bureau de l'avocat n'était pas Mandelbaum mais sa bonne. Cette dernière, d'une corpulence similaire, avait revêtit les vêtements et le chapeau de sa maîtresse. La reine des voleurs, elle, avait attendu que son avocat lui confirme que sa cause était belle et bien perdue et que les détectives partent, pour sortir à son tour. Elle monta alors dans la voiture qui l'attendait et parti au Canda avec plus d'1 millions de dollars en cash et en diamants dans ses valises. Le Canada n'ayant, à cette époque, pas d'accord d'extradition avec les Etats-Unis, la criminelle la plus puissante de New York a pu s'installer tranquillement à Hamilton, dans l'Ontario, sans être inquiétée.  

En novembre 1885, toutefois, la mort soudaine de sa fille Annie, la ramena à New York. Ni Olney, ni ses détectives ne l'arrêtèrent. Ce qui demeure un mystère. Toujours est-il qu'elle mit publiquement sa fille de 18 ans en terre avant de repartir vers le Canada.

Les années qui suivirent, Mandelbaud est touchée par une série de maladies. Elle mourut le 26 février 1894, à l'âge de 65 ans. Son corps fut rapatrié à New York et fut enterré dans le cimetière familial, dans le Queens. De nombreuses personnes assistèrent aux funérailles. Des amis, des hommes d'affaires, des voisins, des juges, des journalistes, des curieux et de nombreux criminels connus vinrent lui rendre un dernier hommage. La rumeur veut toutefois que sa mort ne fût qu'un simulacre et que la reine des voleurs retourna en fait auprès des siens, à New York, sous le nom de Madame Fuchs…

                                                                                                                                                                                                           Raphaëlle de Tappie

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !