La hausse du prix des matières premières marque l’impérialisme croissant de la Chine sur le monde entier<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Des travailleurs dans une usine métallurgique de Lianyungang (province de Jiangsu), le 12 février 2021.
Des travailleurs dans une usine métallurgique de Lianyungang (province de Jiangsu), le 12 février 2021.
©AFP

Atlantico Business

Tous les marchés de matières premières finissent l’année 2020 sur des chapeaux de roue. Le regain de demande provient d’un seul continent, un seul pays : la Chine qui confirme là son projet de dominer l’économie mondiale.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

Voir la bio »
Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

La hausse du prix des matières premières est la manifestation la plus récente et la plus spectaculaire de cette ambition hégémonique que Pékin ne cache plus, depuis que le pays a réussi à se débarrasser du virus, laissant le monde entier à se débrouiller avec la pandémie, les tests et les vaccins.

Sur l’ensemble des matières premières, « la hausse de la demande a été plus forte et plus rapide qu'attendu » explique Aditya Mittal, le PDG d’Arcelor Mittal, un des principaux groupes sidérurgiques mondiaux. La reprise chinoise est telle qu’elle a mis tous les industriels et les fournisseurs de matières premières au pied du mur. Ils doivent produire à un rythme effréné, quand leurs chaines de production avaient été arrêtées plusieurs semaines lors des confinements successifs et pour s’adapter à une demande en berne ; surtout, quand en février-mars 2020, la Chine était encore un lieu de développement de l’épidémie et s’est confinée sévèrement.

L’offre de métaux s’est ainsi progressivement amenuisée alors que la demande, elle, est déjà repartie en grande pompe. Conséquence : les prix s’orientent à la hausse.

Au-delà de l’acier, il n’y a plus débat sur le fait que la Chine, premier importateur mondial de matières premières, soitresponsable de la flambée du cours du blé, du maïs mais aussi du cuivre ou de l’étain. Avec une prévision de croissance estimée à 7,5% pour 2021, la plus forte hausse pour les pays développés, la Chine va être une des seules puissances à stimuler la demande et à être en mesure de fixer les prix sur bon nombre de marchés.

À Lire Aussi

Énorme excédent commercial avec les États-Unis, déficit gigantesque avec la Chine : mais comment expliquer la situation de l’UE ?

Le marché du cuivre, traditionnellement un bon indicateur de la santé économique mondiale, est à un plus haut de 10 ans. Le cuivre se retrouve dans les cablages électriques, mais c’est aussi un composant de la transition énergétique, des batteries. La demande de la Chine, qui a des objectifs de neutralité carbone, n’est donc pas près de s’épuiser. Et le reste du monde devra bien faire avec s’il veut s’équiper et se verdir.

Idem pour le fer, l’aluminium ou l’étain qui flambe parce qu’il est demandé dans les composants électroniques… L’étain est produit en grande partie en Birmanie, dans un pays qui vient de vivre un coup d’Etat militaire et qui risque d’être sanctionné sur le plan international par les Occidentaux. Mais les Chinois savent qu’ils n’ont aucun intérêt à couper les ponts avec un pays si riche en terres rares pour lequel elle est le principal partenaire commercial, et elle n’a d’ailleurs aucune intention de le faire.

Sur le marché agricole, on retrouve encore la prédominance chinoise qui a provoqué une flambée des prix : +20 % pour le blé, +30 % pour le maïs, +50 % pour le soja.

Entre 2019 et 2020, la Chine a multiplié par deux ses achats de maïs et par trois ses achats de blé, dans le but de reconstituer des stocks nationaux et de nourrir un bétail, notamment le cheptel porcin qui avait été décimé.

Là encore, la Chine se retrouve en première position des importateurs. Tous les pays, surtout les pays européens, chercheront à ce que les exportations vers ce pays continuent, quitte à la traiter en client privilégié.

Et la Chine ne veut pas se froisser avec la nouvelle administration américaine, elle respecte largement les quotas d’importations de soja américain négocié dans l’accord de Donald Trump.

À Lire Aussi

Covid-19 : la fin du tunnel est en vue mais pas partout et pas pour tout le monde

Le pays peut se permettre de renflouer ses stocks à prix fort, elle a les moyens que lui donne sa reprise économique. Et ses échanges commerciaux jouent, eux, le rôle d’armes géopolitiques.

Sur les biens d’équipement du ménage et des biens de consommation, on assiste au même phénomène. D’abord, parce que la Chine a retrouvé son statut d’usine du monde et que la seule limite à ses exportions dépend du confinement des marchés occidentaux. Wal-Mart, Carrefour, Metro par exemple, avaient enregistré un coup de frein sur tous les produits textile et d’habillement en 2021, un ralentissement des ventes de petits électroménager et de tous les produits plastiques manufacturés dans la banlieue de Shanghai. Les grands distributeurs ont retrouvé leurs cadences d’antan, mais ont surtout réveillé leurs fournisseurs chinois pour relancer leurs importations.

Sur l’automobile, le changement qui s’opère est encore plus violent. Les Chinois ont compris qu’ils étaient les seuls au monde à fabriquer des composants de batterie, ils ont surtout compris que l’Occident allait se mettre à l’énergie électrique. Du coup, les Chinois ont invité les constructeurs français et allemands à accroitre leur production automobile dans les usines chinoises, mais ils ont décidé également de construire leurs propres marques à des prix très bas. Toutes ces productions sont destinées au marché chinois, mais pas que. Les Chinois sont bien décidés à vendre leurs produits à l’étranger, en Europe, aux États-Unis dans toute l'Asie et l’Afrique. Sur le marché digital, on ne découvre pas la force des Chinois mais on s’aperçoit qu’étant déjà incontournables dans le hardware, ils sont frontalement concurrents des grandes sociétés américaines technologiques comme Amazon, Apple, Google ou Facebook.

À Lire Aussi

Restrictions des exportations de terres rares : la Chine teste l’asphyxie de la défense américaine

Les partenaires commerciaux, qui, dans une économie mondiale déprimée, trouveront moins de débouchés, seront obligés de se plier aux conditions des Chinois. En devenant un gros consommateur et un gros importateur, la Chine veut non seulement avoir une influence sur les prix, mais aussi sur les règles du commerce mondial. Avec deux avantages énormes. Le premier, c’est qu’ils ont déjà tordu les règles de l’OMC en ne garantissant pas les accords de réciprocité. L’OMC en l’an 2000 leur a ouvert les marchés mondiaux, mais n’a pas réussi à obtenir que la Chine ouvre ses propres marchés. D‘où le déséquilibre qui s’aggrave aujourd’hui.

Mais le comble dans ce rapport de force où la Chine domine les grands marchés mondiaux, c’est que Pékin a parfaitement les moyens de devenir le banquier du monde. L’endettement Covid a tellement creusé les déficits occidentaux, aux États-Unis comme en Europe, que l’un des moyens de compenser sera d’accepter les financements venant de Chine. Les Chinois ont très bien compris que la conjoncture leur offre l’opportunité de venir acheter massivement des actifs en Europe et ailleurs. Demain comme hier, ils seront évidemment acheteurs de tout actif, immobilier ou industriel.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !