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Le président russe Vladimir Poutine s'exprime lors d'une conférence de presse à Rome en juillet 2019. Et le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors d'une conférence de presse conférence à Paris en juin 2019.
Le président russe Vladimir Poutine s'exprime lors d'une conférence de presse à Rome en juillet 2019. Et le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors d'une conférence de presse conférence à Paris en juin 2019.
©Tiziana FABI, ludovic MARIN / AFP

Exercices militaires

Que réservent pour les semaines à venir la fermeture du détroit de Kertch -aux effets asphyxiants pour l’économie ukrainienne- laquelle s’ajoute à un déploiement sans précédent de troupes russes aux frontières du pays ?

Viatcheslav  Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii est spécialiste des relations internationales et de la stratégie des affaires internationales.

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Atlantico : Ces derniers jours Moscou multiplie les exercices en mer Noire et en Crimée, zone frontalière de l'Ukraine. Pendant quelques jours, le pays a même déployé des dizaines de milliers de troupes à la frontière russo-ukrainienne.  Ces manœuvres de grande ampleur pouvaient-elles déboucher vers un conflit ?

Viatcheslav Avioutskii : Nous étions très proche d’un conflit. À la frontière russo-ukrainienne, les troupes se sont massées des deux côtés et cela aurait pu conduire à une crise importante. Il faut savoir que depuis le mois de janvier, il y a une intensification des combats et n’importe quel événement aurait pu amener l’armée ukrainienne à s’impliquer fortement dans les combats en réponse. La guerre était donc proche et pas uniquement dans le Donbass car dans le nord de l’Ukraine, dans la région de Belgorod, les troupes étaient présentes ainsi qu’en Crimée.

L’éventualité d’une guerre avait-elle été préparée par les deux pays ?

Oui et des plans de guerre étaient dans les dossiers. Par exemple, un spécialiste des questions de défense également journaliste russe, affilié à l'opposition, Pavel Felgenhauer, révélait que côté russe il s’agissait d’une grande guerre d’envergure qui devait se lancer par deux grandes percées à partir de Belgorod vers le Sud et à partir de la Crimée vers le Nord afin de prendre en tenaille l’essentiel de l’armée ukrainienne qui se trouvait dans la partie orientale de l’Ukraine. L’objectif selon cette source était de détruire l’armée ukrainienne et d’imposer une solution favorable aux intérêts russes.

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Les forces armées ukrainiennes sont beaucoup plus fortes qu’en 2014. Leur budget à ce propos a été augmenté et l’armée restructurée. Elle a acquis une expérience de combat et elle a eu une aide occidentale notamment des États-Unis. En 2020, le Pentagone a accordé 250 millions de dollars, des instructeurs américains et canadiens ont même participé à la modernisation des forces armées ukrainiennes. Il y a eu des rumeurs non confirmées qui circulaient à partir du mois de novembre que des plans auraient été établis avec cette nouvelle force pour lancer une opération militaire pour reproduire ce qui s’est passé dans le Caucase lorsque l’armée azérie, modernisée et mieux équipée, a réussi à reprendre par la voie des armes des districts contrôlés par les forces arméniennes ainsi qu’une partie du Haut-Karabakh, tandis que la Russie a laissé faire n’intervenant qu’à la fin. En suivant cet exemple, ils auraient pu récupérer leur influence dans le Donbass profitant du fait que la Russie n’a pas le droit à intervenir militaire dans la zone car cette partie du Donbass est toujours considérée comme partie intégrante de l’Ukraine. Les Ukrainiens ont cependant toujours réfuté ces rumeurs, en insistant qu’ils cherchent une solution diplomatique. Le Président Zelensky a proposé même une rencontre personnelle dans le Donbass ukrainien à Vladimir Poutine.

Que se passerait-il en cas de conflit ?

Par cette concentration militaire, la Russie a voulu montrer qu’elle était puissante en prouvant qu’elle était plus forte que l’armée ukrainienne. Mais elle ne doit pas oublier qu’en cas de guerre, les Ukrainiens sont désormais préparés que cela ne se passerait pas comme en Géorgie en 2008. Il y aurait un grand nombre de pertes côté russe. Néanmoins en cas de guerre et d’annexion du Donbass, ce serait la fin de l’État ukrainien tel qu’on le connait, annonçaient les nombreux responsables et observateurs russes, affirmant que les forces ukrainiennes s’apprêtaient à attaquer le Donbass.

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Pourquoi la Russie aurait-elle pu alors partir en guerre ?

L’une des raisons importantes était l’approvisionnement en eau de la Crimée. La partie plate de la Crimée est une steppe qui n’a pas d’irrigation naturelle. Dans les années 1961 - 71, un canal a été construit qui connectait un lac artificiel sur le Dniepr avec cette partie de la Crimée. Avec l’annexion en 2014, les Ukrainiens ont coupé l’accès à l’eau. En conséquence, toute la partie agricole de la Crimée est en train de périr.

Une solution pacifique serait-elle possible ?

Le président Zelensky a rencontré Vladimir Poutine a Paris dans le cadre d’une rencontre parrainée par l’Allemagne et la France, mais ces négociations n’ont pas abouti. Le processus de Minsk est complètement bloqué, l’Ukraine et la Russie ne sont pas d’accord sur la gestion du processus.

Des éléments extérieurs au pays ont-ils perturbé les deux acteurs ?

L’attitude du nouveau président américain Joe Biden face à la Russie a changé les choses. Il applique une approche très dure vers le pays. Le pays est accusé d’être impliqué dans une affaire de piratage d’une administration américaine ainsi d’avoir tenté d’influencer les élections. Les Etats-Unis affirment officiellement que la Russie est impliquée dans ces histoires. C’est dans ce contexte que Biden a confirmé que Poutine était un assassin dans une interview télévisée.

A l’apogée de la crise, les Américains voulaient faire entrer dans la Mer Noire des bâtiments de guerre de l’OTAN, mais au dernier moment cela n’a pas été fait car il y a eu un débloquement à ce propos entre Biden et Poutine, lorsque le Président américain a appelé son homologue russe. On peut imaginer que Biden a demandé lors de ce coup de fil si Poutine avait l’intention d’envahir l’Ukraine. Apparemment Poutine lui a dit que non. Biden a alors proposé à Poutine un sommet dans un pays tiers afin d’apaiser la crise. Ainsi, Poutine a obtenu ce qu’il voulait, à savoir un sommet bilatéral avec son homologue américain.

Une chose est intéressante à retenir à propos de ce sommet, selon les experts Poutine n’attaquera pas l’Ukraine tant qu’il n’aura pas lieu. Son objectif est de réintégrer la Russie à la communauté internationale. Or, si la Russie attaque l’Ukraine il y aura une nouvelle série de sanctions.

La crise semble s’arrêter car le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a déclaré que les troupes russes sur la frontière avec l’Ukraine revenaient dans leurs bases.

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