La France s'installe dans la croissance faible : ce que cela signifie concrètement en termes de creusement des inégalités <!-- --> | Atlantico.fr
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La France est en situation de faible croissance.
La France est en situation de faible croissance.
©eige.europa.eu

Fossé

La faible croissance que connaît la France combinée à une doctrine monétaire de stabilité des prix continuera de forcer les plus précaires à assurer le pouvoir d'achat des membres les plus sécurisés de la société. Explications.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Les prévisions de croissance pour les années à venir sont de sortie. FMI, Banque de France, gouvernement, chacun fait état de ses chiffres. Le problème est que les prévisions ont une fâcheuse tendance à être revues à la baisse depuis quelques années et surtout que la France a besoin d’environ 1.5% de croissance pour créer de l’emploi. En dehors du gouvernement, personne ne prévoit de tels chiffres avant 2015 voire 2016. Il est assez probable que François Hollande parvienne à la fin de son mandat avec un taux de chômage proche de 10% si aucune mesure concrète n’est prise d’ici-là. Aucune raison de se réjouir.

Cette croissance molle, que beaucoup d’acteurs imaginent être une fatalité pour “un pays aussi irresponsable” que le nôtre, n’est pourtant qu’un choix. Le niveau de dette de la France et d’autres pays européens n’est que la conséquence du manque de croissance, un symptôme et non une cause. L’envolée de l’endettement des pays européens est parfaitement corrélée avec le tassement de la croissance. Le même constat peut être fait pour le taux de chômage. Ce choix est celui de la stabilité des prix, doctrine monétaire consacrée dans nos contrées européennes.

L’économiste Steve Waldman résume ainsi cette stratégie politique : "Ce qui est immoral c’est de cacher ce qui peut être démontré comme étant le plus grand programme d’assurance sociale derrière la phrase technocratique de 'stabilité des prix'. C’est un schéma qui force les membres les plus précaires de notre société d’assurer le pouvoir d’achat des plus sécurisés, et ce, sans aucune limite ou même comptabilité de l’échelle de ce transfert".

Waldman insiste, les membres les plus sécurisés de la société peuvent être identifiés, ce sont les détenteurs de capitaux et les personnes disposant d’un emploi stable, fonctionnaires, ou CDI. Les plus précaires sont les chômeurs, et les personnes disposant d’un CDD.

Les premiers profitent d’une protection contre la hausse des prix grâce à la contrainte exercée par l’autorité monétaire sur la demande intérieure. Et ce, même lorsque cette pression sur les prix n’est pas une conséquence d’une trop forte activité économique. Cette contrainte inflige un risque accru pour les plus faibles de se retrouver au chômage, et une plus faible chance pour les chômeurs de retrouver un emploi.

Ce scénario a notamment pu se vérifier au cours de l’année 2008. Alors que la demande asiatique provoquait une envolée des prix des matières premières, gonflant ainsi les chiffres de l’inflation au-delà de 3%, la BCE a immédiatement rétorqué. En rehaussant ses taux directeurs afin d’affaiblir la pression sur les prix, la BCE a provoqué un ralentissement économique. Des salariés se trouvaient déjà amputés de leur pouvoir d’achat par la hausse des prix sur les matières premières se retrouvent affaiblis dans leur position. Pour faire baisser l’inflation que nous importons, nous choisissons de restreindre le niveau d’activité interne à la zone euro. Cela se nomme un choc de l’offre, et c’est une double peine.

L’année 2011 voit l’économie retrouver des couleurs, le chômage baisse à nouveau. Mais la BCE se réveille devant cette activité économique naissante qui vient menacer la stabilité des prix. La même réaction de l’autorité monétaire provoquera la même conséquence. Le chômage ne cessera d’augmenter jusqu’au mois d’août 2013.

Cette croissance molle que nous traversons, qui est tolérée par notre gouvernement comme seul avenir visible pour l’économie française, est le plus formidable moteur des inégalités au sein de la zone euro, de la France. La "stabilité des prix" n’est en rien une politique libérale ou "ultralibérale", il s’agit de facto d’un système de transfert social organisé, et parfaitement inégalitaire. 

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