La France augmente l’aide financière aux pays pauvres, mais n’explique pas à quoi elle pourra servir<!-- --> | Atlantico.fr
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Des techniciens en octobre 2016 lors de la cérémonie d'ouverture d'un nouveau site de production d'énergie solaire à Bokhol au Sénégal.
Des techniciens en octobre 2016 lors de la cérémonie d'ouverture d'un nouveau site de production d'énergie solaire à Bokhol au Sénégal.
©SEYLLOU / AFP

Atlantico Business

L’objectif d’augmenter l’aide au développement de 75% à destination des pays d’Afrique vient d’être voté à l’Assemblée nationale. Mais, dans un contexte économique difficile, l’exécutif français n’explique pas à quoi cette aide peut nous servir…

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La loi sur l’APD (aide publique au développement) a été donc votée mardi par l’Assemblée nationale. Sans beaucoup de débat, ni de publicité. Tout se passe comme si l’exécutif considérait l’aide au développement comme une obligation quasi morale, mais était incapable de dire dans quelle politique cette aide s’inscrivait.

Cette année, en 2021, les crédits alloués aux pays en difficulté seront donc nettement en hausse, avec une promesse d’accroissement encore plus forte.  

Aujourd’hui, l’aide publique au développement, qui comprend les transferts d’argent vers les pays pauvres, représente 0,4% de notre revenu national. En 2021, ce montant va s’élever à 0,55%, soit une augmentation de 37%. Ce qui représente un surplus de près de 2 milliards d’euros, en passant de 10,9 milliards en 2019 à 12,8 milliards en 2020.

Et l’objectif final est de porter cette aide publique à 0,7% du PIB (+75% par rapport à aujourd’hui), un chiffre que la France va « s’efforcer d’atteindre », selon la loi, en 2025.

Cet objectif ne sort pas de nulle part. 0,7% du revenu national qui serait dévolu aux pays les plus pauvres, c’est une promesse que les pays riches ont faite à la tribune des Nations Unies dans les années 70.

Aujourd’hui, très peu d’États y parviennent réellement.

Dans les faits, seuls les pays nordiques (Suède, Luxembourg, Norvège, Danemark) et l’Allemagne respectent cet engagement. Le Royaume-Uni n’en est pas très loin.  Quant aux Etats-Unis, ils sont les premiers donateurs en valeur absolue, mais en terme relatifs, ils ne donnent que 0,18% de leur revenu national, un budget décidé par le Congrès et resté le même depuis 2008, le pays n’ayant pas l’intention de s’aligner avec les normes internationales.

Mais ce qui est intéressant et très mal connu, c’est que la moitié de l’aide publique au développement mondial provient donc des pays de l’Union européenne.

Parmi les principaux bénéficiaires de l’aide française, on retrouve, en tête de peloton, la Côte d’Ivoire, le Maroc et le Cameroun. 19 pays au total, tous en Afrique subsaharienne, sauf un, Haïti.

Avec comme ambitions : « protéger nos biens publics mondiaux : la santé, le climat, la biodiversité, l’éducation, l’égalité femme-homme » selon le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. En clair, il parle des projets de mise en place de politiques d’éducation et de santé, la lutte contre la pauvreté, mais aussi la lutte contre le réchauffement climatique et la pollution.

Le problème, c’est qu’à décider cette augmentation en temps de crise économique et dans une année où les dépenses publiques ont tant explosé, la France se trouve à contre-courant de ce que font d’autres pays développés. Le Royaume-Uni a préféré, lui, réduire son aide, justifiant la décision sur fond de crise pandémique et les dépenses pour maintenir à flot l’économie intérieure.

Alors, à quoi pourrait bien servir cette aide publique ?

Au niveau macroéconomique, la majeure partie de l’ADP est versée sous forme de dons, plutôt que de prêts, même accordés à des taux avantageux. Le but étant d’éviter d’alourdir la dette publique des pays sous assistance. C’est un des totems d’Emmanuel Macron qui s’est affiché à plusieurs reprises en faveur d’un allègement de la dette africaine.

Au niveau diplomatique, il s’agit aussi de démarquer la France du principal créancier de l’Afrique qu’est aujourd’hui la Chine. La Chine finance beaucoup de projets africains, des infrastructures (les Routes de la Soie), mais elle opère uniquement à l’aide de prêts, dont la plupart ne sont même pas déclarés au niveau international (FMI, Banque mondiale), et échappent donc à tout contrôle. Officiellement, la Chine détient un tiers de la dette extérieure africaine, en réalité, cela pourrait être beaucoup plus.

Au niveau commercial, c’est outil du soft power qui pourrait amener à faciliter l’accès des entreprises françaises à ces marchés.

Il y a aussi des leviers politiques à attendre, notamment dans la lutte contre le terrorisme et l’islamisme. Cette réforme peut être utile si elle donne des marges de manœuvre à l’exécutif français avec ces pays d’Afrique dans plusieurs domaines :

Premier point, des marges de manœuvre en termes d’immigration, pour que les flux de personnes soient contrôlés à la sortie de ces pays.

Dans les affaires terroristes, certains pays aujourd’hui tiennent bon pour ne pas reprendre leurs citoyens impliqués dans des affaires d’attentats, de projets d’attentats ou qui ne respectent les lois de la République.

L’aide au développement doit pouvoir servir de contrepartie.

Plutôt qu’une question de montant, c’est donc aussi la question de l’efficacité qu’il faut regarder.

La France peut être une championne du pourcentage attribué à l’aide au développement, elle l’est déjà dans les dépenses sociales et de santé et ça n’aide guère l’hôpital à traverser l’épidémie.

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