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La dette britannique : une bombe à retardement ?
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Crise de foie

Le Royaume-Uni a été mis sous surveillance négative par l'agence de notation Fitch. Un premier pas vers la perte du fameux "triple A". En fait, l'État britannique se trouverait dans une situation financière critique.

Frédéric Bonnevay

Frédéric Bonnevay

Frédéric Bonnevay est Associé d’Anthera Partners. Il conseille des institutions financières en Europe et au Moyen-Orient.

Il est notamment l'auteur de l'étude Pour un Eurobond - Une stratégie coordonnée pour sortir de la crise (Février 2010, Institut Montaigne).

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C’est désormais presque officiel : avec la mise sous surveillance négative de l’Etat britannique par l’agence Fitch, les sujets de Sa Majesté semblent condamnés à perdre à leur tour leur note « triple A ». La présentation prochaine du Budget par George Osborne pourrait bien avoir lieu dans les larmes et les grincements de dents.

Le tableau que dressent les analystes est en effet plutôt sombre : le Royaume se trouverait dans un état financier critique, du fait d’un endettement très nettement supérieur à celui de ses pairs européens. Sur les bilans publics, certes, ne figure qu’un total de mille milliards de livres, 64% du PIB : un chiffre symboliquement impressionnant, dans l’absolu, mais une proportion tout à fait honorable en comparaison des 87% français ou même des 83% allemands.

Pourquoi, alors, cette soudaine inquiétude ? C’est que le fardeau est plus lourd qu’il n’y paraît et que les perspectives offertes par les Finances du 11, Downing Street sont loin d’être encourageantes. Premièrement, la dette supportée par les bilans publics peut faire l’objet de lectures différentes et atteindrait plutôt, suivant des calculs moins restrictifs, un ratio de 81% du PIB, plus en ligne avec la moyenne européenne. Deuxièmement, la dette du secteur privé (hors banques, accumulée par les ménages et les entreprises) atteint un record de 180% du PIB. Troisièmement, surtout, le passif des fonds de pension sur lesquels repose le système britannique de retraite a été largement sous-évalué. A plus de 1 200 milliards de livres déjà, il excède de beaucoup les recettes anticipées.

Comment le Royaume-Uni en est-il arrivé là ? Une forte augmentation des dépenses publiques décidée par Gordon Brown – alors aux Finances – peu avant un violent retournement de conjoncture, a terni le bilan laissé par Tony Blair. La fameuse dépendance de l’économie britannique à la vitalité de l’industrie financière, de plus, s’est révélée catastrophique lors de la crise de crédit, au point de contraindre l’Etat à pratiquer une politique de relance beaucoup aussi vigoureuse que coûteuse. Comme en Grèce et en Espagne, aussi, la cure d’austérité que s’imposent les pouvoirs publics sans que le secteur privé ait donné des gages tangibles de croissance, risque d’étouffer une économie domestique toujours à la dérive.

Par ailleurs, le crédit abondant et bon marché offert par des banques commerciales très agressives a encouragé les ménages britanniques à financer par l’emprunt, dans une mesure très généreuse, leur consommation habituelle et leurs investissements immobiliers, investissements dont la valeur, bien souvent, a fortement décliné. Le système de retraites par capitalisation, enfin, malgré sa lisibilité, laisse le Royaume-Uni face au problème aigu de la dépendance : l’affaissement des marchés a fait fondre les encours des fonds de pension britanniques, désormais contraints de dégager des taux de rentabilité improbablement élevés pour couvrir leurs débours – au prix de risques toujours plus inconsidérés. Un sauvetage public est de plus en plus vraisemblable.

Ce constat alarmant, néanmoins, est à nuancer : le pire est d’autant moins sûr que les autorités politiques ont fait preuve, jusqu’à présent, d’une exceptionnelle réactivité dans la gestion de la crise financière. La dette publique « explicite » portée par l’Etat n’est pas la plus préoccupante : les taux remarquablement faibles – à 2,45% sur dix ans – que demandent les investisseurs, le démontrent. La coalition au pouvoir, de plus, a copieusement taillé dans ses dépenses pour réduire le déficit d’un point et demi de PIB, à 3,5%. Des ajustements sont en cours, également, au niveau des ménages, dont les prêts, abondamment refinancés, tendent à se réduire en volume. Ces perspectives réconfortantes sont surtout dues à la Banque d’Angleterre, qui, en tirant ses taux directeurs au plancher et en injectant plus de 325 milliards de livres dans l’économie, a maintenu banques et marchés sous perfusion. Somme toute, le Royaume-Uni, en finançant sa cure d’austérité budgétaire par une politique monétaire volontariste, a de solides chances de se tirer d’affaires plus vite que prévu.

Subsiste un problème, particulièrement épineux et aujourd’hui encore sans réponse : le regain d’inflation que ne manquera pas de provoquer un tel afflux de liquidités, une fois la croissance revenue, augmentera la pression qui pèse sur les recettes des fonds de pension, sur la valeur des retraites et sur le pouvoir d’achat. L’embellie, à court terme, semble acquise, mais pourrait ne pas durer.

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