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La déconsommation affecte tous les secteurs, sauf l’alimentaire et le made in France. Mais les Gilets jaunes n‘y sont pour rien
©Reuters

Atlantico-Business

La fréquentation des magasins est en baisse. Tout le monde pense que c’est à cause des manifestations des Gilets jaunes mais le mouvement est beaucoup plus profond.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La majorité des organisations professionnelles du commerce craint une baisse profonde et longue de la consommation des ménages. Dans un premier temps,  le mouvement a d’abord touché l’activité dans les magasins physiques, mais dans un deuxième temps, on s’est aperçu que, contrairement à ce qu’on se racontait, cette baisse relative de la fréquentation des commerces n’a pas été compensée par le développement du e-commerce. Ce mouvement touche tous les secteurs de la distribution, équipement de la maison, textile prêt à porter, chaussures, produits d’entretien, toutes les enseignes, toutes les marques... Sauf tout ce qui touche à l’alimentaire et ce qui serait « made in France ».

Les manifestations des Gilets jaunes ont évidemment donné un sérieux coup de frein à l’activité commerciale au cours des trois derniers mois. Pour la fédération Procos, qui regroupe 260 enseignes dans les centres commerciaux, les ventes ont baissé de 6,8% en novembre, de 3,9% en décembre. Et cela dans tous les secteurs, le prêt à porter a perdu 5% de chiffres d’affaires, mais dans la beauté, la santé et le petit équipement, ameublement, décoration, on a perdu près de 10% du chiffre d’affaires habituel qui, à cette époque de l'année, représentent près du tiers du chiffre d’affaires annuel.

Dans beaucoup de villes moyennes, où le poumon commercial se situe à la périphérie, là où la mobilité dépend essentiellement de la voiture individuelle, beaucoup de commerçants sont entrés dans la nouvelle année avec la gueule de bois, sinon cassée, parce que leur situation financière était assez désastreuse.

Leurs collègues des centres de grandes villes traversées par les manifestations du samedi ne sont pas en meilleur état. Partout, la fréquentation de la clientèle s’est effondrée de 10 à 25 % (Marseille, Avignon, Rouen, Caen, Angers, Nantes...etc.)

Les premières semaines de janvier, malgré les soldes, n‘ont pas donné de biens meilleurs résultats.

Mais - oh surprise - contrairement à ce qu'on pouvait penser, les sites internet n’ont pas vu gonfler leurs chiffres d’activité pour compenser les baisses dans le secteur traditionnel.  

Le résultat de ce coup de froid est que beaucoup d’enseignes ont commencé à réduire leurs projets d’investissement, beaucoup abandonnent même leur exploitation, faute d’obtenir des baisses de loyers de la part des foncières qui possèdent les murs des centres commerciaux. Bref, il y a aujourd’hui des espaces commerciaux qui se libèrent et des prix qui, en moyenne, ont tendance à baisser.

Alors, il est évident que le mouvement des Gilets jaunes a réfrigéré les consommateurs, en installant un climat peu propice à faire la fête, d’autant que le mouvement a mis l'accent sur les questions de pouvoir d’achat pour la majorité des consommateurs de la classe moyenne.

Mais ce ralentissement dans les chiffres de consommation, ou plutôt de fréquentation des clientèles dans les appareils commerciaux, ne date pas des Gilets jaunes.  

Selon les spécialistes, tout a commencé il y a plus de 5 ans, juste après les contrecoups de la crise financière de 2008/2009. A partir de 2010, la fréquentation des magasins a baissé de près de 4% en moyenne par an sauf en 2017, pour retomber en 2018. Au départ, ce mouvement a été masqué par le développement des ventes à distance sur internet. Mais en réalité, le mouvement sur le e-commerce a été spectaculaire sur quelques enseignes comme Amazon, Cdiscount etc., mais il n’a pas permis de redresser l’ensemble des chiffres de la consommation.

Alors, a posteriori, les analystes sont parfaitement capables d’expliquer la tendance par une stagnation des pouvoirs d’achat ou plutôt par une baisse du pouvoir de dépenser, compte tenu d’une progression des dépenses contraintes et notamment les loyers, les impôts, taxes et les abonnements de toute sorte dans le secteur de la communication, mobile, internet, abonnement TV.

Pour le reste, on assiste bien à une déconsommation structurelle dans la plupart des grandes familles et cela sur tous les secteurs de biens manufacturés sauf sur deux créneaux :

D’un côté, les biens alimentaires. Toutes les chaines de la grande distribution ont enregistré une hausse de chiffres d’affaires sur les produits alimentaires de qualité et souvent bio.

De l’autre, le made in France. L’ensemble de la distribution note une préférence pour l’acquisition de produits franco-francais. Y compris si le prix est plus élevé qu’un produit identique mais fabriqué à l’extérieur de l’Hexagone. C’est vrai dans l'agro-alimentaire où les marques locales ou régionales sont très recherchées parce qu’elles véhiculent une image et sans doute une garantie de qualité. Mais c’est vrai aussi dans l’équipement de la maison, le prêt à porter et dans l‘automobile...

Ce mouvement-là paraît durable et marque évidemment un changement dans les modes de consommation. Les offres de consommation sont de plus en plus analysées par le consommateur à l'aulne de la qualité, de l'origine et des méthodes de fabrication. L’impact environnemental, par exemple, qui laissait le consommateur complètement indiffèrent il y a encore 5 ans, constitue aujourd'hui un critère de choix important pour une grande partie des consommateurs qui sont plutôt jeunes, plutôt des femmes, et pas spécialement riches.

En bref, on déconsomme un peu, et quand on achète, on fait plus attention.  Le mouvement peut paraître marginal, mais étant donné qu‘il paraît solidement installé, il annonce pour les industriels et les distributeurs une véritable mutation.

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