La Cour des Comptes propose d’aider Emmanuel Macron à trouver des économies de dépenses publiques<!-- --> | Atlantico.fr
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Les fondamentaux de l’économie française sont bons mais la situation financière de l’État est mauvaise.
Les fondamentaux de l’économie française sont bons mais la situation financière de l’État est mauvaise.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Atlantico Business

Avec la réforme des retraites, Emmanuel Macron voulait prouver qu’il se donnait des outils pour redresser les finances publiques. Sinon, le quinquennat risque de se terminer en panne de financement. Pierre Moscovici a une autre idée : réduire les dépenses.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les fondamentaux de l’économie française sont bons mais la situation financière de l’État est mauvaise. La Cour des comptes dénonce, une fois de plus, l’état désastreux des finances publiques, mais propose à Emmanuel Macron de l’aider à faire des coupes dans les dépenses de l’administrations et notamment dans les aides diverses et multiples. Sinon, la fin du quinquennat sera compliquée.

L’objectif, éviter le blocage du fonctionnement de la maison France et sortir le président du piège dans lequel il risque de se retrouver. Sa fin de quinquennat risque d’être fortement hypothéquée parce qu’il n’aura pas pu faire les grandes réformes promises, dont la réforme des retraites qui va sans doute perdre de son efficacité, mais aussi parce que les caisses de l’État seront vides face à des banquiers internationaux qui peuvent décider de couper les lignes de crédit.

L’économie française est aujourd’hui dans une situation assez paradoxale. Les fondamentaux sont plutôt bons, mais la situation financière de l’État va devenir compliquée pour ne pas dire désastreuse.

1er point : la Banque de France, l’Insee, Bercy, sans parler de la plupart des observatoires de conjoncture se sont tous retrouvés au diapason cette semaine pour reconnaitre que les fondamentaux de l’économie française sont plutôt bons. Le premier trimestre de l’année se présente mieux que ce qu’on prévoyait l’année dernière. La Banque de France et la plupart des économistes ont rejoint le FMI et les organisations internationales ne parlent plus de risques. Dans l’hexagone, l‘activité a progressé dans l'industrie et les services en février et les entreprises anticipent une nouvelle progression en mars.

Bercy et la banque de France tablent sur une croissance positive supérieure à 1% alors qu’il y a six mois on craignait la récession. L’emploi va continuer de bien se porter après les 350 000 emplois créés l’année dernière. La productivité du travail s’est même améliorée. L’attractivité de la France reste très forte, la majorité des entreprises et notamment les plus grandes se portent très bien. L’investissement et la consommation restent en moyenne soutenus. Le risque sur le pouvoir d’achat qui a plombé tous les débats depuis six mois va s’amortir grâce aux augmentations de salaires qui se sont un peu débloquées et surtout grâce à une diminution de l’inflation. Le prix de l’Energie (gaz et pétrole) est d’ores et déjà revenu à son niveau d’avant la guerre. Les prix des produits alimentaires devraient eux aussi se calmer avant le moins de juin. L’autre levier de reprise français dont personne ne parle, c’est le montant de l’épargne disponible sur les comptes d’épargne, les comptes bancaires et les assurances-vie. On estime que les réserves se sont accrues de plus de 500 milliards au cours des trois dernières années et le total des montants disponibles avoisinent les 4000 milliards d’euros. C’est absolument gigantesque et c’est le résultat de la prudence des Français inquiets qui ont mis de côté une grande partie des sommes distribuées dans le cadre du « quoi qu’il en coute ». Donc c’est évidemment un marqueur d’inquiétudes mais c’est aussi un levier de financement dès que le moral sera revenu.

2e point : l’état des finances publiques est plus que fragile. Dans son rapport annuel présenté hier vendredi, la Cour des comptes dénonce la persistance du « quoi qu’il en coute » qui aurait dû s’arrêter dans le courant de l’année dernière selon les promesses du gouvernement. Selon Pierre Moscovici, le président de la Cour des comptes, les services ont encore recensé 37,5 milliards d'euros de dépenses liées à la crise sanitaire et au plan de relance en 2022 et toujours 12,5 milliards en 2023. A quoi il faut ajouter les mesures prises pour amortir le choc inflationniste - particulièrement dans l'énergie – soit 25 milliards en 2022 et 36,3 milliards en 2023. Bref, la France a protégé les actifs et les acteurs du système de production. C’était supportable pendant la crise du covid à un moment où les taux d’intérêt étaient proches de zéro. Ça risque désormais de peser beaucoup plus lourd aujourd‘hui avec l’inflation sur les taux bancaires. La Cour des comptes note que la progression de la dépense publique aura été de 3,5% en 2022, de 0,7% en 2023, ces progressions qui ne tiennent pas compte des éléments exceptionnels d’un « quoi qu’il en coûte » prolongé, ne permettent déjà pas de respecter la programmation d’un déficit ramené à 3% du PIB en 2027. Face aux marchés financiers internationaux, la France a forcément besoin d’une programmation réaliste. C’est d’autant plus urgent que les perspectives de taux d’intérêt se sont détériorées. La Cour des comptes estime que l’endettement public atteindra 112% du PIB. Pour Pierre Moscovici, « la France n'est pas en faillite ». Mais nous avons un endettement qui devient très problématique, qui pourrait paralyser l'action publique et qui nous éloigne en Europe des pays plus rigoureux comme ceux de l’Europe du nord. L’Allemagne et les Pays-bas, notamment, ont un endettement public aux alentours de 50% du PIB.

3e point : l’urgence, s’attaquer aux dépenses publiques. Concrètement, la paralysie de l’action publique viendra d’une difficulté à trouver des financements sur le marché si la gouvernance ne fait pas un effort de rigueur dans la gestion des finances publiques. La gouvernance française avait bien au début du quinquennat indiqué qu’il lui fallait revenir à des ratios beaucoup plus rigoureux. Comme il s’était engagé à ne pas accroitre les prélèvements obligatoires pour ne pas freiner l’activité économique, il lui restait à couper dans les dépenses publiques de façon à réduire la pression sur la dette. Cela dit, entre le climat très gilet jaune, la crise du Covid, la guerre en Ukraine et la crise inflationniste qui a suivi, la stratégie de réduire les dépenses publiques a été mise à l’écart. Et même la promesse de faire la revue des dépenses publiques n’a pas été tenue. Or pour Pierre Moscovici, « le redressement des finances publiques passera forcément par des revues de détail, des dépenses publiques, et je ferai des propositions pour que la Cour y contribue ». En remettant son rapport au chef de l’État, Pierre Moscovici a rappelé cette nécessité mais Emmanuel Macron n’a jamais été un passionné de ce genre de contraintes. il comptait beaucoup sur la réforme des retraites , « la mère de toutes les reformes » , pour administrer aux marchés une preuve que la France était capable de prendre des réformes de structures courageuses. En réalité, les débats politiques ont été tellement confus que la preuve n’est pas évidente. Du côté de Bercy en revanche, on s’est convaincu de lancer rapidement les assises des finances publiques. Bruno Le Maire veut identifier des sources d’économies à faire sur les dépenses avec évidemment tous les ministres concernés. Pierre Moscovici propose de dessiner 7 pistes possibles sur lesquelles on pourrait trouver des économies à faire ou chercher une plus grande performance de la dépense : de l’éducation à la santé, en passant par l’intérieur ou le social .. Cela étant, la réduction des dépenses publiques a toujours été plus facile à annoncer ou prévoir qu’à réaliser. Pour réussir, la politique de rigueur a besoin d’une majorité solide. Le gouvernement actuel n’a pas cette majorité. En proposant d’aider le gouvernement, Pierre Moscovici ne peut pas promettre que ces anciens amis à gauche viennent épauler la majorité présidentielle.

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