La chute de la productivité, défi majeur (et largement ignoré) de l’économie française<!-- --> | Atlantico.fr
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Des salariés pendant la pause déjeuner sur l'esplanade de La Défense.
Des salariés pendant la pause déjeuner sur l'esplanade de La Défense.
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT AFP

Création de richesse

La productivité des actifs français a baissé de 3% depuis 2019. Un constat dû notamment à la diminution du nombre d'entrées en formation et à la création d'emplois non-productifs.

Erwann  Tison

Erwann Tison

Erwann Tison est le directeur des études de l’Institut Sapiens. Macro-économiste de formation et diplômé de la faculté des sciences économiques et de gestion de Strasbourg, il intervient régulièrement dans les médias pour commenter les actualités liées au marché du travail et aux questions de formation. Il dirige les études de l’Institut Sapiens depuis décembre 2017.

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Atlantico : Depuis 2019, la productivité par personne des actifs a baissé de 3%. A quel point la France a-t-elle un problème de productivité du travail ?

Erwann Tison : Quand on regarde les chiffres, le français reste l’un des plus productif de l’OCDE, en termes de productivité horaire. Nous ne sommes plus dans le top mais nous restons haut. Le problème est que depuis 2019, on remarque que malgré une proportion d’actifs qui augmente, nous produisons la même quantité de PIB. Nous avons calculé une baisse d’environ 3% de la productivité. Et face à cela, il faut soit augmenter le nombre d’actifs ou accepter un niveau de richesse moindre.

Qu’est-ce qui explique ce constat ?

Selon, nous c’est d’abord la diminution du nombre d'entrées en formation. Il y a, depuis 2019, environ 10% d’actifs en moins qui se sont formés. La plupart des formations concernent des demandeurs d’emplois, des personnes en requalification, ou des étudiants et assez peu des personnes en poste. Cela implique que ces dernières ne mettent pas à jour leurs compétences ; ne se mettent pas à jour sur les process ou les technologies. Cela a pour résultat une stagnation de leur compétence.

La deuxième raison, c’est le management, nous avons un vrai problème de management. Les managers ne savent pas bien gérer leurs équipes, ni exploiter leur potentiel. Cela fait que certaines personnes se retrouvent à des postes qui ne sont pas faits pour eux.

La troisième raison, c’est la création d’emplois moins productifs, notamment des emplois de service. Plus on crée des emplois de service sous-productifs, plus notre taux de croissance va en pâtir.

La quatrième raison, c’est la forte présence d’entreprises non défaillantes. Les protections durant la crise Covid ont fait tomber à 25 000 – 30 000 défaillances un chiffre qui habituellement était entre 30 000 et 50 000. Il y a donc environ 40 000 entreprises qui n’auraient pas du survivre mais qui ont survécu grâce aux PGE et autres aides. Par-là, il y a un certain nombre de salariés captifs qui voient leur compétences s’éroder dans des entreprises zombies.

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Une dernière raison, plus structurelle, serait qu’on arrive mal à comprendre comment utiliser les nouveaux outils pour améliorer la productivité.

Ce diagnostic est-il suffisamment pris en compte par les pouvoirs publics ?

La plupart de nos collègues économistes partagent ce constat. Dans la sphère politique, on entend beaucoup moins parler de ce sujet. Peut être par incompétence, mais surtout car pour le politique l’important c’est que tout le monde ait un travail, pas la qualité de ce travail. Le politique est jugé sur des objectifs de réduction du chômage, pas des objectifs de productivité.

A quel point est-ce dommageable que le sujet soit si peu traité ?

L’enjeu, c’est la croissance, la richesse. Sur le projet de réforme des retraites, aucune des oppositions n’évoque l’enjeu de la productivité, alors que ce pourrait être un échappatoire au recul de l’âge de départ. Le fait de se priver de ce débat est très dommageable.

Comment s’atteler à ce chantier de la productivité ?

Premièrement, par la formation. La loi Pénicaud de 2017 était excellente sur la formation. Il y a des effets de bords et de seuils dans les petites entreprises notamment qui désincitent à la formation. Ensuite, il faut une grande réflexion sur le management, à l’heure du numérique, le développement des compétences recherchées, le recyclage de celles qui le sont moins, etc. Avec le télétravail qui concerne désormais 4 employés sur 10, il faut une autre approche. Ensuite, il faut réfléchir à une nouvelle organisation du temps de travail et peut-être laisser les salariés travailler à leur rythme. Ensuite, il faut aussi permettre que les salariés maîtrisent mieux les outils numériques. En résumé : adaptation, formation, meilleure gestion. Mais la première chose à faire, c'est prendre en compte cette situation de baisse de la productivité.

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