L'Union des bons sentiments : ce que l'Europe gagnerait à comprendre que le monde entier ne vit pas sur le même fuseau post-moderne qu'elle<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Le monde entier ne vit pas sur le même fuseau post-moderne que l'Europe.
Le monde entier ne vit pas sur le même fuseau post-moderne que l'Europe.
©REUTERS/Jason Redmond

Aveuglement

L'attitude européenne face à la crise ukrainienne apparaît comme la dernière illustration en date de l'incapacité de l'Union à appliquer aux événements qui touchent ses contemporains une autre lecture (géo)politique que celle de la fin de l'Histoire, la condamnant à rechercher des solutions souvent inadaptées aux contextes.

Atlantico : En quoi la conversion de l'Europe occidentale à la théorie de la fin de l'Histoire impacte-t-elle la gestion qu'elle a du cas ukrainien ? Fait-elle finalement payer le prix d'une lecture du destin des nations qui lui reste propre et est loin de constituer une réalité universelle ?

Johann Rochel : La fin de l'Histoire n'arrivera pas, les événements ayant au contraire prouvé sur la dernière décennie que sa mécanique restait en marche, sur le Vieux Continent comme ailleurs. Les tentatives de renforcement de l'Europe politique, ainsi que celle d'une intégration plus large tendent à démontrer que Bruxelles cherche bien aujourd'hui à renouer justement avec ce sens oublié de l'Histoire. L'erreur a peut-être été pour les pères fondateurs de l'Union de croire qu'il suffirait de mettre en place les rouages économiques et qu'il n'y aurait plus qu'a appuyer sur "on" pour que l'ensemble européen se crée de toutes pièces au fil des décennies. Le problème est que l'on en vient aujourd'hui à se demander comment arrêter cette "machine", les réflexions actuelles sur l'euro en étant une illustration parmi d'autres. Vient à se poser la question de l'identité politique d'un projet unique au monde et qui ne peut se baser sur aucun précédent d'aucune sorte pour mener sa propre réflexion. Le problème de l'Europe n'est ainsi plus tellement la fin de l'Histoire que sa manière de se lancer dans l'Histoire.

Le tout reste de savoir quelle route à suivre pour réaliser cette Europe politique, au-delà de la simple union commerciale qui ne permet pas de penser à elle seule la crise économique que nous vivons, ou encore la résolution des problèmes que rencontre aujourd'hui l'Ukraine. Une Union des citoyens européens et des communautés politiques nous offre une piste prometteuse pour penser l’avenir de l’UE. Cette vision renvoie par ricochet à la question de l'intégration pour les pays de la périphérie qui sont parfois encore traversés par les problématiques que pose l'Etat-Nation, alors qu'on leur propose un modèle qui transforme profondément ce dernier concept. 

Vincent Laborderie : Il y a toujours eu une divergence entre les anciens Etats membres occidentaux et les nouveaux entrants d’Europe centrale et orientale de ce point de vue. Ces derniers – Pologne en tête – ont toujours été très méfiants par rapport à la Russie. L’avenir dira si l’épisode ukrainien peut initier un engagement plus important de l’Union dans sa politique de voisinage. Le fait que l’Allemagne tende vers un leadership européen plus assumé permet d’espérer cette évolution. Le désengagement américain d’Europe couplé au discours néo-impérialiste de Poutine depuis son retour au pouvoir constituent d’autres éléments pouvant inciter les européens à se prendre en main et à s’affirmer politiquement.

Jusqu'à quel point l'Histoire peut-elle nous permettre de comprendre les récents événements de Kiev ? Dans quelle mesure ce qui se passe aujourd'hui est la conséquence d'une greffe ratée de l'Etat nation ?

David Engels : L’Ukraine est à la fois vieille et nouvelle : berceau de la Russie et de la langue russe, elle n’a découvert son identité "nationale" qu’à partir du 19e siècle, mais ce n’est que depuis la chute de l’Union Soviétique que l’on peut vraiment parler d’indépendance politique. Certes, la spécificité du pays, divisé entre russophones et ukrainophones, entre orthodoxes et catholiques, peut expliquer en partie les polarités actuelles. Mais ce qui est en jeu aujourd’hui, ce n’est pas le sort de l’Ukraine, mais aussi de la Russie et de la vieille dispute entre occidentalisme et slavophilie : si l’Ukraine est arrimée à l’Union européenne, le vestige le plus important de l’ancien impérialisme russe disparaîtra. La Biélorussie ne tardera pas à suivre le mouvement, et la Russie, confrontée seule à ses nombreux problèmes internes (dont une chute démographique sans pareil et des revendications territoriales chinoises), n’aura d’autre choix que de rejoindre tôt ou tard l’Union afin d’éviter la désintégration. Ainsi, ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est la question de savoir si le continent restera séparé en "Est" et "Ouest", ou s’il trouvera en fin l’unité tant espérée.

Vincent Laborderie : On pourrait remonter très loin pour expliquer l’hétérogénéité de l’Ukraine. Mais l’élément récent le plus pertinent me semble le déplacement vers l’ouest de la frontière de plusieurs Etats (Ukraine mais aussi Allemagne et Pologne) décidé à Yalta. Une partie de l’Ukraine a alors été intégrées à cette république soviétique alors qu’elles n’avait jamais été dominée par l’empire russe. Plus à l’est, les centres sidérurgiques autour de Donestsk et du Donbass ont alors attiré des populations venues de toute l’URSS et dont la langue d’usage (sinon la langue maternelle) est le Russe. La situation est encore compliquée par le passage en 1954 de la Crimée de la Russie à l’Ukraine alors que sa population se sent russe. A l’époque, personne ne pensait que ce changement séparerait la Crimée du reste de la Russie 45 ans plus tard. On dit souvent que l’Ukraine est partagée en deux mais je verrais pour ma part trois zones : l’Ouest pro-européen, l’Est plus tourné vers la Russie mais qui tient à rester ukrainien, et enfin la Crimée où la population se sent plus russe qu’ukrainienne et où la Russie a des bases militaires de première importance.

Le Traité de Versailles qui avait renforcé ce principe de l'Etat nation a-t-il à cet égard constitué une erreur politique ?

David Engels : Insistons d’abord sur le fait que les frontières ukrainiennes ne sont pas un résultat du traité de Versailles, mais de l’administration soviétique. Mais il est certes vrai que le traité de Versailles est en grande partie responsable des conflits territoriaux et ethniques qui hypothèquent encore maintenant notre vécu quotidien. Au lieu de tracer, comme l’avait prévu Wilson et comme l’Entente l’avait promis initialement à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie pour les convaincre de signer l’armistice, des frontières selon des principes nationaux impartiaux, l’on a voulu différencier les vainqueurs des vaincus et construire des États artificiels destinés à contrebalancer le formidable poids allemand, attribuant ainsi des territoires à la Pologne, à la Tchécoslovaquie, à la Roumanie, à la France, à l’Italie ou à la Serbie qui auraient du revenir de droits aux "perdants" du conflit. La Deuxième Guerre Mondiale a été le résultat inévitable de ces erreurs, et la crise des Balkans actuelle également.

Vincent Laborderie : On a effectivement plaqué le mode d’organisation d’un Etat-nation comme la France sur des territoires multi-ethniques depuis des siècles. Or en Europe centrale et orientale la plupart des minorités continuent à garder leurs spécificités culturelles et linguistiques et n’ont jamais été assimilées. Par exemple, les Hongrois de Roumanie parlent toujours le Hongrois dans le cadre familial tout en parlant Roumain à l’extérieur. L’empire Austro-hongrois était loin d’être la "prison des peuples" que certains ont décrit et constituait une forme de gouvernement globalement adaptée à la diversité ethnique de cette région. On y a donc étendu un mode d’organisation – l’Etat-nation – spécifique à l’Europe occidentale. J’ajoute que la concordance entre Etat et nation n’est pas non plus de mise hors d’Europe sauf cas exceptionnels.
On a commencé à payer cette erreur dès l’entre-deux-guerres lorsque Hitler a utilisé l’argument du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes pour rassembler les populations de langue allemande. Le communisme a ensuite mis une chape de plomb sur la question qui est revenue en force après 1989. Or, une fois que l’on s’inscrit dans la volonté de faire correspondre Etat et nation, la suite logique est de diviser les Etats jusqu’à ce qu’ils correspondent à des groupes nationaux parfois très peu nombreux. Le Monténégro par exemple compte moins de 700.000 habitants. Les risques sont aujourd’hui toujours présents, notamment du fait des hongrois et des albanais présents dans plusieurs Etats.

Les empires (russes, ottomans et autrichiens) parvenaient-ils à mieux contenir les problématiques de la coexistence ethnique ? L'Europe est-elle, d'une certaine manière, toujours en train de payer le prix de leur disparition ?

Johann Rochel : Cette problématique ethnique s'est effectivement posée à l'Europe alors que les Grands Empires commençaient à disparaître, mais on peut aller plus loin en disant qu'elle s'est posé de manière globale avec l'émergence d'un discours politique et de normes juridiques centrés sur "l'auto-détermination des peuples", terme qui a notamment fortement nourri la rhétorique anticoloniale. Cette logique peut-être scindée en deux catégories. Tout d'abord la logique d'une auto-détermination "absolue" qui place la souveraineté au-dessus de tout en interdisant toute forme d'interférence d'un autre état dans l'espace que s'est délimité un groupe défini. Liée à l’idée qu'un modèle politique est possible pour un groupe ethnique de très petite taille (une ethnie de quelques milliers de personnes), l'adoption de ce modèle a fini par créer d'énormes difficultés en multipliant les facteurs de discordes entre "mini-états". On a vu cette logique à l’œuvre dans les Balkans au moment de l’effondrement de la Yougoslavie.

L'autre vision de l'auto-détermination, que l'on pourrait qualifier de "constructive", considère que chaque groupe, s'il a effectivement le droit de décider pour lui-même, doit prendre en compte les conséquences de ses décisions dans les espaces frontaliers. Ainsi, si je dois construire une centrale nucléaire non loin de la frontière, je me dois d’intégrer l'impact environnemental que cela pourra avoir pour mon voisin, ce dernier n'étant pas forcément ravi d'un tel projet. Cette conception bien plus "relationnelle"  de l'autonomie politique conduit de manière quasi-automatique au fédéralisme, avec des institutions chargées de coordonner le vivre-ensemble de différents groupes. Cette réflexion autour des règles à mettre en place pour prévenir la domination de l'un sur l'autre me semble actuellement la piste la plus prometteuse dans le cadre européen actuel.

David Engels : Les empires sont par définition multinationaux et ont donc une facilité nettement plus grande que les États-nations à gérer le problème des minorités ethniques et culturelles, car celles-ci ne constituent pas une "exception" dans le cadre d’un système autrement homogène, mais représentent plutôt la règle. Évidemment, cette flexibilité administrative et, si l’on veut, cette tolérance (ou ce désintérêt) au niveau culturel ont souvent comme résultat la formation de nouvelles minorités, car au lieu de rendre l’État plus compacte et uniforme, les empires facilitent, à cause de leur étendue et de la mobilité sociale et ethnique qu’ils permettent, une dissémination plus grande des populations. Ainsi, le démembrement de l’empire austro-hongrois, de l’empire ottoman et de l’empire russe a laissé derrière elle des situations ethniques extrêmement complexe et presque ingérables dans le contexte de l’État-nation.

Vincent Laborderie : Certains empires géraient mieux la coexistence ethnique mais d’autres non. Chaque cas est différent et certains empires utilisaient la répression ou la déportation pour contenir les nationalismes. L’empire d’Autriche au contraire laissait davantage de place aux minorités. Mais il n’y a pas qu’une alternative entre l’Etat nation et l’empire.

Quel autre mode d'organisation viendrait remplacer ce système de l'Etat-Nation dans la situation actuelle ?

David Engels : Comme je l’ai exprimé dans mon livre "Le déclin", je suis persuadé que l’Union européenne est sur le chemin de devenir un véritable "empire" dans le sens où elle est ni construite sur le mode de l’État-nation ni celui de la simple fédération de plusieurs États, mais plutôt sur un modèle assez flexible marqué par la relation centre-périphérie, et où l’absence de véritable culture nationale directrice favorise une protection de plus en plus impartiale des minorités. La lente déconstruction de l’État-nation se fait au profit de deux nouvelles entités : la centrale européenne, et les régions qui deviendront les véritables unités administratives principales de l’Union. On peut déplorer l’abdication du modèle national, mais je suis d’avis qu’il n’y a pas de véritable alternative, l’État-nation traditionnel étant incapable, à lui seul, à faire face aux pressions des nouvelles puissances américaines et asiatiques et au diktat des "marchés" tout en gérant la dépopulation, la désindustrialisation, l’immigration, le vieillissement, la délocalisation, le chômage, etc.

Vincent Laborderie : Le fédéralisme qui permet de concilier des aspirations locales et des particularités culturelles avec le maintien des Etats. Les diverses identités peuvent alors coexister et se compléter. La difficulté est alors de trouver un système institutionnel qui fonctionne et qui est accepté par tous.

Alors que le gouvernement Ianoukovitch semble avoir abdiqué par défaut, l'idée d'un projet fédéral pour l'Ukraine est envisagée comme une possible voie de sortie. Que penser d'une telle éventualité ?

Johann Rochel : C'est à l'Ukraine de décider si elle souhaite mettre en place un tel système et si ce dernier serait capable d'organiser ainsi une véritable entente entre les différentes communautés (orthodoxes, uniates) qui y résident. Quoiqu’il arrive, ce mécanisme doit être mis en place dans une véritable logique participative afin d'éviter que ne se rejoue le scénario des accords de Dayton (signé au lendemain des conflits résultant de l'explosion de la Yougoslavie, NDLR) où "la course aux nationalismes" avait fait de gros dégâts. 

David Engels : Insistons d’abord sur le fait que cette "abdication" s’est déroulée sans le consentement du principal intéressé, qu’elle est contraire à l’accord négocié il y a quelques jours, sous la pression européenne, entre opposition et gouvernement, que le pays est actuellement sans véritable gouvernement constitutionnel, que le pouvoir des manifestants de Kiev ne s’étend nullement à l’entièreté du pays, et qu’une partie importante des forces de l’opposition appartient à des mouvements politiques que nous appellerions populistes et extrémistes si notre sympathie pour le désir de liberté des foules de la place de Maidan ne nous ferait pas voir les choses en rose, comme jadis avec le printemps arabe. Cette situation ne peut donc que favoriser les revendications des Ukrainiens russophones qui craignent (à juste titre) pour leur autonomie culturelle et, par le biais de l’idée du "fédéralisme", préparent la scission du pays et le rattachement plus ou moins direct des provinces russophones, hautement industrialisées et contrôlant l’accès à la Mer Noire, à la Russie. L’Union européenne est donc dans une situation dangereuse : d’un côté, par son appui continuel aux manifestants, elle a clairement agi contre le compromis qu’elle a elle-même initié avec la bénédiction de Moscou et découvert ses réelles intentions. Mais d’un autre côté, cette "Realpolitik" un peu cynique n’est guère étonnante, car la situation historique est unique. Si l’Union européenne ne met pas tout son poids en jeu pour profiter du momentum, elle se décrédibilisera aux yeux des Ukrainiens qui voient en elle (à tort ou à raison) le garant suprême de la liberté et de la démocratie. Et, pire encore, le pays et ses richesses importantes risquent de lui échapper pour les générations à venir, tandis que l’impérialisme russe ne ressortira que renforcé de la situation et amènera un nouveau partage de l’Europe.

Vincent Laborderie : On pourrait aussi s’interroger sur l’introduction d’éléments consociativistes qui mènerait à des prises de décisions s’opérant davantage dans le consensus. Ce mode de fonctionnement est adapté aux sociétés divisées (Pays-Bas, Belgique, Irlande du Nord) quelle que soit la nature de cette division. Actuellement, l’Ukraine a un système institutionnel très proche de la France avec notamment un président disposant de l’essentiel du pouvoir. On a dès lors un risque de "dictature de la majorité" qui peut prendre des décisions insupportables pour une partie de la population. C’est précisément ce qui s’est passé lorsque Ianoukovitch a remis en cause les liens avec l’Union européenne.

Au delà de l'Ukraine, des pays comme la Roumanie et la Moldavie sont eux-mêmes tentés par une refonte des frontières. Quel pourrait-être l'intérêt de Bruxelles et des grandes capitales européennes à repenser la conception nationale dans la gestion des crises qui éclatent en Europe Centrale ? De quelle manière pourrait-elle mener cette réflexion ?

Johann Rochel :Le fait-même que l'Union existe est déjà une preuve de cette volonté de penser autrement le principe national. Les pays qui souhaitent intégrer cet ensemble supra-national, c'est déjà le cas de la Roumanie, savent ainsi pertinemment qu'ils seront amenés à dépasser la conception politique qu'ils avaient pu avoir jusque-là. Les avantages économiques que continuent d'offrir une intégration à l'UE inciteront donc en toute logique les pays concernés à revoir de leur propre fait cette vision de l'Etat-Nation pour mieux s'inclure dans l'espace géré par Bruxelles.

David Engels : Repenser les frontières est un tonneau des Danaïdes que Bruxelles se gardera bien d´ouvrir, comme le montre le conservatisme avec lequel l’Union accueille les revendications autonomistes en Catalogne et en Écosse et le soutien qu’elle continue à prodiguer aux structures institutionnelles grotesques créées par l’accord de Dayton. Car quels critères appliquer pour justifier une refonte des frontières, sans que toute la carte de l’Europe ne doive être totalement redessinée, et sans que des revendications et irrédentismes centenaires ne se réveillent ? Pensez non seulement aux Balkans, mais aussi à la Belgique et ses trois langues, à l’Irlande du Nord, à la minorité allemande au Tyrol, au statut de la Prusse orientale, aux minorités ukrainiennes au Nord du Caucase, etc. Ainsi, la seule manière de gérer le problème des minorités durablement, c’est la déconstruction de l’État nation et le renforcement à la fois des régions et de l’Europe – ou en tout cas d’une nouvelle Europe qui, contrairement à l’Union européenne actuelle, immobilisée par les contradictions inhérentes à son ultra-libéralisme économique et sa poursuite de valeurs purement universalistes, ferait preuve d’une plus grande transparence démocratique, efficacité administrative, préoccupation sociale et fierté culturelle.

Vincent Laborderie : Il faut d’abord avoir a l’esprit que les Etats européens sont très prudents sur ces questions et cherchent surtout la stabilité. Je crains qu’il ne faille pas attendre un questionnement sur ce sujet. Les Etats européens sont en effet divisés entre des vieux Etats-nations (France, Espagne) qui ne veulent pas remettre en cause la concordance entre les deux concepts et d’autres Etats (anciennes "terres d’empire" ou Etats fédéraux) qui seraient plus ouverts.

Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, a récemment déploré l'impuissance de l'Europe dans le conflit syrien. Faut-il y voir une autre illustration parallèle de l'incapacité européenne à plaquer une autre vision que la sienne sur les conflits contemporains ?

Johann Rochel : La question de la mise en œuvre de la politique européenne se pose effectivement  de manière très pointue en politique étrangère. Le premier problème est celui de la légitimité d'une éventuelle intervention de Bruxelles sur des théâtres politiques comme l'Ukraine ou en Syrie. Juste derrière vient la question de la faisabilité d'une telle intervention, sans un quelconque consensus des différentes hiérarchies européennes sur la marche à suivre ou même sur l’objectif à atteindre. La notion de politique étrangère commune est un des grands chantiers annoncés de l'Europe, mais l'on voit bien que beaucoup reste à faire en la matière.

Vincent Laborderie : Je trouve Hubert Védrine assez sévère envers les Européens. L’intervention européenne et la médiation entre le pouvoir ukrainien et l’opposition était la bonne chose à faire à ce moment-là. Cela a montré que l’Union était très concernée par ce qui se passait en Ukraine.

Propos recueillis par Théophile Sourdille

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !