Le docteur Sarah Halimi est cette femme  juive assassinée à Paris en 2017 par un jeune malien musulman radicalisé, multirécidiviste, reconnu pénalement irresponsable par la justice parce que drogué ("sous l'empire d'une bouffée délirante") alors que son geste, comme il l'a crié lui-même, était nettement motivé pour éliminer "le démon", une Juive... L'assassin n'a pas été jugé et a échappé à un procès. La démarche de la justice est entachée d'irrégularités incompréhensibles... Quant à la police, alertée lorsque l'assassin rouait de coups la victime avant de la défenestrer, elle est restée en bas de l'immeuble sans intervenir... Tout, dans ce crime sans châtiment, génère une incompréhension scandalisée. 

Ce livre s'ouvre sur les textes des trois initiateurs de ce projet afin d'en expliquer le but : à la fois rendre hommage à la mémoire de Sarah Halimi, pour que son nom ne tombe pas dans l'oubli et faire comprendre à tous, Juifs et non-Juifs, en quoi cette "affaire" est en réalité un inquiétant "scandale d'Etat". Le chapitre 2 offre un portrait de Sarah, avant l'affaire, sa famille, son travail, son choix religieux. Puis sont proposées les réflexions des philosophes et des intellectuels (citons parmi eux, BH Lévy, A Compagnon,  YCh Zarka, B Bensoussan, B Levet, P Manent, K Daoud, A Finkielkraut... que les autres nous pardonnent de ne pas les citer !). Une 4ème partie examine l'affaire sous l'angle de la justice, rappelant la procédure et dénonçant les manques (notamment le refus de la reconstitution des faits...), la confiance en la justice en sort ébranlée.

La 5ème analyse cette "psychopathologie" qu'est la haine antijuive avec les points de vue de plusieurs experts. Enfin, puisque cet assassinat est devenu une "affaire", la 6ème partie démontre qu'il ne s'agit pas d'un drame concernant seulement la communauté juive, mais qu'il  concerne bel et bien la démocratie et ses valeurs. Le 7ème chapitre est particulièrement axé sur l'islamisme (Tarek Obrou, théologien, grand imam de Bordeaux, expose longuement, en 15 pages, la position du Coran et les dérives). Enfin, plusieurs intervenants concluent en forme d'interrogation :  comment survivre ensemble ? A ces chapitres, sont ajoutés 3 "Eclairages"  : sur la Commission d'enquête parlementaire et la loi dite "Sarah Halimi 2021-2022” ; sur l'école face à l'antisémitisme ; sur l'état des lieux et les chiffres des violences antisémites en France entre 2020 et 2023

Pour traiter ce sujet délicat et vu le grand nombre de contributeurs, l'éditeur David Reinharc  a eu l'excellente idée de ne pas se contenter "d'enfiler les lignes" mais d'animer la mise en pages avec des encadrés pour les textes courts, des gros intertitres pour résumer le paragraphe, des notes de bas de page quand nécessaire et des présentations d'auteurs à la fin de chaque contribution. Le tout permet une lecture aisée. Et si je recommande l'ouvrage comme "excellent" c'est qu'il offre une vision complète de l'affaire en l'examinant sous tous ses angles. Et aussi parce qu'il laisse s'exprimer l'émotion, la compassion, la colère, l'indignation, autant que la réflexion... 

L'éclairage 3, sous le plume de Pierre-André Taguieff, explique les liens entre l'antisionisme et l'islamisme. Haïr Israël pour défendre les Palestiniens autoriserait à éliminer les Juifs... 

La page 125 offre une chronologie de la procédure judiciaire que l'on peut lire pour se remémorer les faits avant même le début du livre.  

Les points de vue de plusieurs Français de confession musulmane méritent une particulière attention.

Etant donné que ce livre additionne des contributions personnelles, et que chacun des auteurs n'a pas eu connaissance des écrits des autres, il y a inévitablement quelques répétitions, notamment dans la relation des faits.

Fait assez rare dans l'édition, un premier tirage de ce livre (30.000 ex) a été diffusé gratuitement par le Consistoire central israélite dans toutes les synagogues et lieux communautaires de France. Il a été aussi offert aux invités du dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France de l'année 2023.

"Sarah Halimi n'est hélas ni la première ni la seule victime de la haine contre les Juifs qui tue dans notre France, pays des Lumières et des Droits de l'Homme... L'année 2021 a enregistré un nombre record d'actes antisémites à travers le monde. En France, nous sommes confrontés à une augmentation des actes antisémites de 75% par rapport à l'année 2020 selon les chiffres livrés par le Service de protection de la communauté juive (sans tenir compte des insultes proférées sur les réseaux sociaux)". (p. 11) 

Quel avenir pour nos enfants si les tueurs de Juifs n'ont plus à comparaître ? Où trouver un Emile Zola pour l'affaire Sarah Halimi (Philippe Meyer)

Le meurtre de Sarah Halimi a remis la justice au centre de nos préoccupations (Marek Halter)

La crainte d'être perçu comme "islamophobe" a paralysé les autorités, mais aussi les médias, les partis politiques de gouvernement et les administrations (Maurice Lévy) 

L'antisionisme ou le prétexte inespéré d'avoir le droit, et même le devoir, de haïr Israël impunément, des bancs de l'Assemblée nationale jusqu'aux cris de Mort aux Juifs (Manuel Valls) 

La haine et la violence sont incompatibles avec notre foi (pape François, texte repris de ses vœux en 2022 au cardinal Koch).

Guy Bensoussan est président de la communauté juive de Lille. Il est l'initiateur de ce livre collectif auquel ont contribué pas moins de 250 personnalités de toutes confessions, de tous horizons idéologiques et de sensibilités diverses. Plusieurs auteurs ne figurent pas dans l'ouvrage mais leurs textes sont accessibles sur site qui lui est dédié https://linvisibledelaruevaucouleurs.fr-editions.fr  

Haïm Korsia est grand rabbin de France, membre de l'Institut. Il est l'auteur de Etre français et juif. Jacob Kaplan, le rabbin de la République (éd. Privé, 2006) et de Réinventer les aurores, prix de littérature politique Edgar Faure (Fayard 2020). 

Michel Gad Wolkowicz est psychanalyste. Il a dirigé en 2018 l'ouvrage collectif paru chez Albin Michel - Le nouvel antisémitisme en France, avec une préface d'Elisabeth de Fontenay. 

Les 250 contributeurs ne sauraient tous être nommés  mais on peut en consulter la liste sur le site dédié au livre en tapant le titre.