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Ceux qui veulent le maintien de l’euro sont majoritairement ceux qui possèdent un patrimoine tandis que ceux ouverts à sa sortie n’en ont souvent pas, et ont ainsi moins à perdre.
Ceux qui veulent le maintien de l’euro sont majoritairement ceux qui possèdent un patrimoine tandis que ceux ouverts à sa sortie n’en ont souvent pas, et ont ainsi moins à perdre.
©ANDRE PAIN / AFP

Tensions

Depuis la création de l’euro, politique monétaire et budgétaire sont totalement découplées. Alors que le fossé se creuse sur le budgétaire entre États européens, combien de temps pourrons nous soutenir une telle absurdité économique et ses effets toxiques ?

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : Depuis la création de l’euro, politique monétaire et budgétaire sont découplées. Avec le plan national allemand de 200 milliards, le fossé se creuse sur le budgétaire entre États européens, et les tensions grandissent entre Paris et Berlin. L’Euro peut-il survivre à l’explosion du couple franco-allemand ?

 Don Diego De La Vega : Le budgétaire et le monétaire avaient déjà tendance à être découplés avant, à partir du moment où les banquiers centraux sont devenus indépendants. La question budgétaire reste d’une importance modeste actuellement. Le narratif concernant la situation britannique et le clash obligataire raconte que c’est dû au budget prévu de Liz Truss, et notamment de son tax cut. Sauf qu’il n’y aurait eu aucun problème si la banque centrale d’Angleterre n’avait pas remonté ses taux et provoqué un krach obligataire. Mais le durcissement monétaire, trop marqué et trop rapide, pour lutter contre une inflation qui ne peut être combattue ainsi, allait forcément provoquer cette situation. L’essentiel de la situation n’est dû ni au Brexit, ni à Liz Truss, mais à la banque centrale d’Angleterre qui est en train de couler son pays. Donc il peut y avoir tous les écarts de politique budgétaire entre Paris et Berlin, cela reste du détail par rapport à la situation. L’Euro compte une quinzaine de pays qui nécessiteraient au moins deux ou trois politiques monétaires différentes. L’existence de l’euro et la façon dont il est géré pèsent beaucoup plus que les différences budgétaires dans les écarts entre pays. Tout ce qui est budgétaire est du mensonge. L’idée que les Allemands ont fait preuve de 15 ans de sérieux budgétaire est fausse. Ils ont simplement été plus malins : ils ont fait disparaître 600 milliards d’euros de dette douteuse de manière maligne. Le seul grand pays de la zone euro qui a contrôlé ses dépenses publiques est l’Italie. Donc ce plan allemand, ces business as usual. Il y a eu un plan de relance caché à l’occasion de l’accueil de migrants syriens. Ils ont juste été plus malin que les autres. Et nous continuons à croire en l’idée d’un couple franco-allemand, alors que c’est faux. Les Allemands ne nous tiennent au courant de rien et ne demandent pas son avis à la France. 

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Qu’est-ce qui pourrait donc faire dérayer l’Euro ?

Cela adviendra quand les gens se diront qu’ils préfèrent le camp de la liberté, quitte à ce que cela coûte cher à court terme : c’est le cas que l’on a vu avec le Brexit. Il s’agit de considérer que la liberté est plus importante que les coûts engendrés. Cela pourrait venir de l’Italie, de la France en 2027, etc. Cela pourrait même venir de l’Allemagne si celle-ci subit une crise industrielle profonde qui l’incite à refuser plus encore d’être prêteur en dernier ressort, etc. Nous n’en sommes pas encore à penser qu’un petit élément périphérique puisse faire exploser la situation. 

Il n’y a donc pas de menace imminente d’effondrement ?

Une situation mal posée est toujours en danger de s’effondrer. Et difficile de prévoir quand. Toujours est-il que les gens n’ont que peu conscientisé la chose. Lorsqu’un Bruno Le Maire raconte que ce serait pire si nous n’avions pas eu l’euro, les choses seraient pires aujourd’hui, il n’est pas contredit, preuve du chemin à faire, alors qu’on oublie les exemples suisse, norvégien ou danois. On continue à croire que l’euro est un bouclier. Mais cela n’a pas de sens. Tant qu’on ne s’en rend pas compte, cela peut encore tenir. Ce qui est certain, c’est que dans la situation actuelle, cela devient de plus en plus cher à maintenir. Il faut reconnaître qu’à ce titre, Mario Draghi puis Christine Lagarde ont été malin pour obtenir des concessions, autant que possible. 

Dans les enquêtes eurobaromètre, l’Euro est populaire, à plus de 60%. Mais si l’on regarde les votes concrets des gens dans nos démocraties, l’euro n’est pas si en vogue que ça. En France,8 candidats sur 12 n’étaient pas mainstream et demeuraient relativement sceptiques. Donc la base pour sortir de l’euro est là. Désormais, il faut une étincelle. 

Au regard de la situation, faut-il que l’euro survive dans ces conditions ? Si non, comment le remplacer ? 

 Il faut toujours sortir le plus vite possible d’une zone de change fixe complètement anachronique. Ceux qui sont sortis du bloc or en 1030 ont été intelligents, les Français qui ont suivi le mouvement en 1936, moins. Mais cela ne veut pas dire que cela se fera sans coût. Il va y avoir du sang. La bonne nouvelle est qu’il est bien plus simple de démanteler l’euro quand il est faible, comme actuellement.  Ceux qui veulent le maintien de l’euro sont majoritairement ceux qui possèdent un patrimoine tandis que ceux ouverts à sa sortie n’en ont souvent pas, et ont ainsi moins à perdre. Dans un système de change fixe, à moins de réussir une forme de fédéralisme, le système est condamné. Il laisse de petits problèmes devenir de gros problèmes jusqu’à implosion. Et nous avons beau voir des tentatives, il n’y a absolument pas d’Etats-Unis d’Europe.

Le marché n’est pas contre l’euro. Il ne le condamne pas. Mais, il n’aime pas être poussé dans ses retranchements et signale quand il estime que les bêtises ont trop duré. 

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