L'étonnante étude qui révèle l’impact à long terme de l’Inquisition espagnole sur les villes concernées<!-- --> | Atlantico.fr
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La ville de Tolède, en Espagne.
La ville de Tolède, en Espagne.
©GERARD JULIEN / AFP

Persécution religieuse

Des chercheurs ont étudié les revenus moyens de villes espagnoles et ont découvert que celles ayant le plus souffert de l'Inquisition sont plus pauvres que la moyenne.

Hans-Joachim Voth

Hans-Joachim Voth

Hans-Joachim Voth est historien et professeur d'économie à l'Université de Zurich.

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Atlantico : Vous venez de publier avec deux autres chercheurs une étude intitulée « Les effets à long-terme de la persécution religieuse : l’exemple de l’Inquisition espagnole »(à lire ici, en anglais). Comment avez-vous eu l'idée d’enquêter sur un tel sujet ?

Hans-Joachim Voth : De nombreuses études ont montré que les ombres du passé peuvent étonnamment avoir un impact sur le très long-terme. Les régions d'Allemagne qui persécutaient les Juifs en 1348 étaient parmi les plus antisémites en 1933-45, par exemple. Nous nous sommes donc demandé si, compte tenu de la durée de l'Inquisition espagnole (300 ans), elle avait laissé des séquelles durables. Et étaient-ils bons ou mauvais ? Avant d'obtenir des résultats, nous aurions pu raconter une histoire dans les deux sens.

Vous avez alors découvert que les municipalités espagnoles ayant historiquement des niveaux plus élevés d'activité inquisitoriale ont des revenus, une éducation et une confiance plus faibles aujourd'hui. Y a-t-il une relation de cause à effet ?

Soyons honnêtes : établir une causalité au-delà de tout doute raisonnable est très, très difficile, surtout si vous ne pouvez pas faire d'expériences, comme dans notre cas. Mais nous pensons pouvoir avancer l'argument que cette relation est plausiblement causale. Lorsque nous faisons correspondre étroitement les villes en fonction de leur emplacement et de leur aspect (taille, durée de la domination espagnole, localisation) et que nous comparons ensuite celles qui ont beaucoup souffert de l'Inquisition à celles qui ont peu souffert, nous constatons une très grande différence dans les résultats obtenus aujourd'hui, près de 200 ans après l'abolition. Par exemple, les revenus dans les endroits sans persécution sont en moyenne de 19 450 euros par an en Espagne ; mais dans la partie qui a le plus souffert, ils sont inférieurs à 18 000 euros.

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Comment pouvez-vous expliquer que l'inquisition espagnole ait, encore aujourd’hui, un impact néfaste sur l'économie ?

Nous savons que les économies modernes fonctionnent sur la confiance et la fiabilité ; si je ne peux pas être sûr que mon avocat ne me trompe pas, que le médecin ne prévoit pas une opération dont je n'ai pas besoin ou que le plombier se présente bien quand je l’appelle, il est difficile d'agir efficacement. L'Inquisition s'appuyait beaucoup sur la délation entre voisins ; tout le monde pouvait vous dénoncer (anonymement) ; ce genre de choses n'inspire pas confiance. De plus, comme l'Inquisition devait se financer grâce aux amendes prélevées sur les condamnés, elle s'en prenait aux personnes fortunées : plus vous étiez riche et instruit, plus vous aviez de chances d'être accusé. C'est une mauvaise nouvelle pour la croissance : il faut que les gens investissent dans leur éducation et s'efforcent de s'enrichir. Persécutez les personnes intelligentes et qui réussissent pendant 300 ans, et cela devient quelque chose d'inscrit dans le tissu de la culture quotidienne d'un territoire. 

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