L'escalade diplomatique derrière les essais nucléaires en Corée du Nord <!-- --> | Atlantico.fr
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La Corée du Nord devrait prochainement procéder à son troisième essai nucléaire.
La Corée du Nord devrait prochainement procéder à son troisième essai nucléaire.
©Reuters

Boum !

Pyongyang a annoncé qu'elle procéderait prochainement à son troisième essai nucléaire, probablement le 10 février, ou le 16 février, anniversaire de l'ancien leader Kim Jong-Il.

Claude Helper

Claude Helper

Claude Helper est un spécialiste de l'Asie du Nord-Est. Il a accompli, au début des années 90, de nombreuses missions en Corée, tant au Nord qu'au Sud.

Il a publié trois livres sur la Corée du Nord aux éditions L'Harmattan, dont le dernier Corée du Nord : Dénucléarisation et la succession de Kim Jong-il (2011).

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Atlantico : Que penser de ce troisième essai nucléaire annoncé par la Corée du Nord après ceux de 2006 et de 2009 ?

Claude Helper : Déjà, on ne sait pas encore s’il va avoir lieu ou si c’est juste un effet d’annonce. En tout cas, si un troisième essai avait lieu, il serait une première pour le pays car les Nord-Coréens utiliseraient très certainement de l’uranium enrichi, ce qui est beaucoup plus simple et très peu détectable, contrairement au plutonium qu’ils utilisaient jusque-là. Les observateurs pensent que la Corée du Nord a aujourd’hui une capacité de produire 40kg d’uranium enrichi chaque année, contre 6 ou 7kg de plutonium précédemment.

Je ne sais donc pas s’ils vont faire ou non cet essai nucléaire, mais ce qui est sûr c’est qu’ils ont acquis de nouvelles technologies depuis leur dernière tentative. Mais il faut cependant relativiser.

Pourquoi la Corée du Nord s’entête-t-elle à vouloir faire un essai, en risquant de s’attirer les foudres de la communauté internationale tout en perdant le soutien de son principal allié, la Chine ?

Dans l’absolu, la Corée du Nord n’a aucun intérêt diplomatique à se lancer dans un nouvel essai nucléaire. Le nouveau leader Kim Jong-un, lui, a un objectif clair : s’affirmer face aux militaires et à la population. Et pour cela, il faut montrer que l’on est en mesure de s’opposer à la communauté internationale.

Depuis la guerre en Irak, la Corée du Nord pense qu’elle est menacée. Elle a vu l’Irak se faire envahir, la Libye se faire bombarder, et ces pays n’avaient pas l’arme atomique. Il pense que l’arme nucléaire les préservera d’une attaque américaine.

En 2006 et en 2009, la Chine n’avait pas réussi à raisonner la Corée du Nord. Pourquoi Pékin ne semble plus guère avoir d’influence sur Pyongyang ?

La Chine n’arrive pas à faire accepter à son voisin le renoncement à son programme nucléaire. Pyongyang reste ferme : il ne renoncera à l’atome que si les Américains acceptent d’abandonner leur "parapluie" nucléaire sur la péninsule coréenne.

La Chine est face à un dilemme, entre mettre la pression à la Corée du Nord au risque d’une réaction violente de Pyongyang, ou bien laisser les choses se faire, au risque de voir un jour des troupes étrangères rentrer en Corée du Nord. On constate qu'il commence à y avoir un début de lassitude à Pékin, et que les Chinois envisagent sérieusement d’accepter cette possibilité.

Et les Etats-Unis ? Ne sont-ils pas les grands bénéficiaires d’un nouvel essai nucléaire, en y trouvant un prétexte pour réaffirmer leur présence dans la région ?

La situation permet certes aux Américains de justifier leur présence dans cette zone, mais ils préfèreront toujours une stabilité à une évolution aventureuse, voire même à une réunification de la Corée, qui les pousserait à s’en aller de la péninsule. En fait, tout le monde a intérêt au statu quo actuel : les Chinois ne veulent pas de troubles à leurs frontières, les élites nord-coréennes veulent continuer à exercer leur pouvoir, la Corée du Sud veut éviter une immigration massive du Nord, et les Etats-Unis veulent garder leur légitimité dans la région. Cet éventuel nouvel essai nucléaire vient donc ébranler des équilibres très fragiles.    

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