L’Allemagne et l’Italie : deux gouvernances très différentes, deux résultats qui font envie à beaucoup, dont la France<!-- --> | Atlantico.fr
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Olaf Scholz s'entretient avec Emmanuel Macron, lorsqu'il était encore ministre de l'Economie, durant une visite à l'usine d'Airbus à Hambourg, le 22 septembre 2014.
Olaf Scholz s'entretient avec Emmanuel Macron, lorsqu'il était encore ministre de l'Economie, durant une visite à l'usine d'Airbus à Hambourg, le 22 septembre 2014.
©©AXEL HEIMKEN / PISCINE / AFP

Jalousie ?

Les performances de l’Allemagne ne datent pas d’hier, les performances italiennes sont plus étonnantes avec un modèle de gouvernance politique auquel personne en Europe ne croyait. Et pourtant Mario Draghi est devenu incontournable.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Mais pourquoi pas en France ? Face à la confusion du débat politique en ce début de campagne présidentielle, certains observateurs et aussi beaucoup de chefs d’entreprise se plaisent à rêver d’une situation politique qui permettrait de sortir de cette paralysie annoncée. Et ils regardent de plus en plus avec quelques envies le modèle allemand (mais ça n’est pas la première fois) ou alors le modèle italien (et là c’est beaucoup plus inattendu). 

La situation française va devenir inextricable. La gauche a disparu des radars électoraux, la droite est sans doute majoritaire mais éclatée entre trois ou quatre chapelles avec des leaders qui se bousculent tous les jours, Marine Le Pen, Éric Zemmour et Valérie Pécresse, lesquels n’ont pas forcément des clientèles homogènes. A côté de cette droite éclatée, on a des segments, à droite comme à gauche, très extrémistes et très populistes. 

Le corps électoral le plus important dans les sondages se retrouve sous la bannière de Emmanuel Macron, qui a profité de cet éclatement idéologique et qui va profiter de l'avantage d’avoir été en position de gérer une crise sanitaire gravissime et qui n’est, d’ailleurs, pas réglée.

Globalement, le débat public est concentré sur les questions de personnes, de rivalités d’ego ou de concurrence d’idéologies très archaïques. Il est impossible aujourd’hui d’apercevoir une personnalité assez forte et crédible capable de porter une gouvernance alternative à celle que développe Emmanuel Macron, lequel, en dépit d’erreurs techniques et de maladresses politiques, sort en tête de cette confusion. 

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En Europe, deux modèles font alors l’objet de beaucoup d’attention parce qu’ils paraissent donner des résultats en termes de stabilité et de performance assez satisfaisants. Ils ont chacun de leur côté l’appui d’une majorité forte. 

Alors, aucun modèle de gouvernance politique n’est transposable d’un pays à l’autre. Un modèle de gouvernance n’est que le résultat d’une culture, d’une histoire, d’une sociologie et d’une organisation qui assument le fonctionnement administratif et politique.

Mais si ces modèles ne sont pas transposables, certaines valeurs qui les structurent et les confortent, méritent d’être examinées parce qu’elles peuvent être inspirantes. 

Le secret du modèle allemand est fondé sur la culture du compromis et sur l’acceptation d’un contrat de gouvernement applicable pendant tout le mandat. L‘Allemagne organise des élections générales et de ces élections, il ressort une carte politique de l’Allemagne qui rassemble les forces en présence avec tous ses courants. 

A partir de cette carte politique, les responsables se mettent autour d’une table et examine précisément ce qui les sépare et ce qui les rapproche. Au terme de négociations se dégage une coalition qui va signer un contrat de gouvernement et organiser un gouvernement charge d’appliquer le contrat. C’était ce qui s’était passé avant et avec Angela Merkel, (pendant près de 14 ans), c’est exactement le même protocole qui est désormais appliqué par la nouvelle coalition.  L'Allemagne accouche donc d’une coalition, d’une équipe et d’une stratégie. Il n’y a plus de place aux querelles d’égos, aux concurrences idéologiques, il n’y a de place qu‘au travail et aux réformes. Pas d’idéologie ou d’utopie dans le débat mais un respect des engagements, des faits et des chiffres.

Le modèle italien est très différent. Il est très latin avec des institutions plus proches de celles de la 4e République française autrefois que de la 5e République. Les majorités parlementaires en Italie ont toujours été difficiles à constituer, la vie politique a été le théâtre de beaucoup de confusions qui ont donné le sentiment d’un pays ingouvernable, jusqu'au moment où le pays est apparu tellement ingouvernable que la classe politique a réussi à se mettre d’accord pour être dirigé par Mario Draghi, l’homme du consensus. Un économiste, ex-professeur et ex-banquier qui a gagné une légitimité forte en mobilisant les moyens de la banque centrale européenne au service de la lutte contre la pandémie. 

C’est avec Mario Draghi que les pays de la zone euro ont accepté que la BCE transgresse certains principes qu’on croyait intouchables pour mettre à la disposition des États européens les liquidités nécessaires pour éviter l'asphyxie économique. On l’oublie trop souvent, mais « le quoi qu’il en coute » mis en scène en France par Emmanuel Macron, mais aussi dans la plupart des autres pays européens, n’a été possible que par une politique accommodante de la Banque centrale européenne, fruit de l’imagination et du talent de Mario Draghi. 

C’est cet homme que les politiques italiens et surtout les chefs d’entreprise italiens ont convaincu de se mettre aux commandes de l’Etat italien. On peut dire aujourd’hui que Mario Draghi a fait le job, sans céder un iota au débat idéologique que les Italiens en général adorent, et qui ont failli les perdre plusieurs fois dans l’histoire. Mario Draghi a concentré son expertise sur la crise sanitaire, sur la crise économique et sociale. Ce qui lui vaut désormais une reconnaissance et une popularité très importante dans tous les milieux italiens. A tel point que la majorité des Italiens ne souhaite pas son départ en cette veille d‘élections. 

Le secret du redressement italien est évidemment très lié à la personnalité de Mario Draghi, mais avec lui, il y a cette volonté de mettre à l'écart les débats idéologiques et d’assurer la primauté des experts et de la compétence technique. Pas d’utopie, des faits et des chiffres. 

Bien que diamétralement opposés, on retrouve donc dans les deux modèles de gouvernance allemand et italien, des points communs, des plages de ressemblance, qu’on retrouve d’ailleurs dans beaucoup de gouvernances d’entreprises.

Le respect des engagements électoraux, de la cohérence. 

Le respect des contraintes économiques. L’Italie sous Draghi est encore plus scrupuleuse que l’Allemagne aujourd’hui : 

Respect des faits et des chiffres.

Culture du débat comme creuset du compromis.

Prise en compte d’une stratégie d’évolution moyen terme.

Mise à l’écart des querelles d’ego. 

Jeu des syndicats qui conforte le consensus sur le compromis. 

Rôle des régions, aussi fortes en Italie que ne le sont les Länder allemands. 

La liste de ce qui rapproche les Italiens des Allemands est plus longue que celle qui regrouperait ce qui les sépare. La France est très loin de ce paradigme. Elle se croit plutôt dans la cour d’école au moment de la recréation, dont il faudra pourtant bien siffler la fin. 

Mais qui peut le faire et quand ?



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