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Katrina et Xynthia, ou comment les pays développés ont compris que personne n'était à l'abri de la menace climatique
©REUTERS/Olivier Pon

Bonnes feuilles

Qu'on le veuille ou non, la menace climatique a fait irruption dans nos vies. Des événements météorologiques extrêmes frappent partout dans le monde. La France ne fait pas exception : canicules, tempêtes, submersions marines, inondations, fonte accélérée des glaciers alpins, autant de signaux d'alarme qui doivent faire réagir. Ce livre propose un tour de France des territoires qui ont pris la mesure de ces nouveaux périls pour mieux s'y préparer. Citoyens, élus et experts décryptent les signes avant-coureurs et surtout nous alertent sur la nécessité de modifier en profondeur nos modes de vie. Ecoutons-les ! Extrait de "La France en danger" d'Alice le Roy et Marc Lipinski, aux éditions Plon (1/2).

Marc Lipinski

Marc Lipinski

Elu écologiste, vice-président du Conseil régional d'Île-de-France en charge de la recherche et de l'innovation entre 2004 et 2010, Marc Lipinski a créé les Picri qui financent des partenariats de recherche entre le monde scientifique et le mouvement associatif. Biologiste, il est Directeur de recherche au CNRS.

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Alice  Le Roy

Alice Le Roy

Alice Le Roy, auteure de documentaires et chargée de cours d'écologie urbaine à l'IUT de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, a été conseillère à la mairie de Paris de 2001 à 2010. Membre de l'équipe qui a lancé le Plan Climat de la capitale, elle a coordonné le programme de jardins partagés « Main Verte », repris depuis par de nombreuses collectivités à travers la France.

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Si le niveau des océans a beaucoup varié au cours de l’histoire de la Terre1, les experts considèrent qu’il n’a presque pas évolué pendant les 3 000 dernières années.

L’humanité a donc pu profiter d’une remarquable stabilité du niveau marin, auquel l’ensemble des infrastructures, des réseaux et des systèmes de protection s'est adapté au cours des siècles. Dès lors, pour les métropoles côtières, les conséquences de la montée des eaux due au changement climatique s’annoncent terribles : le cyclone Katrina, qui déferla en août 2005 sur les côtes de la Louisiane et du Mississippi, entraînant la rupture des digues qui protégeaient La Nouvelle-Orléans, a apporté la preuve de l’extrême vulnérabilité des zones littorales urbanisées. Des rafales de vent de plus de 200 kilomètres par heure et des pluies diluviennes entraînèrent une montée des eaux fulgurante : en une journée, presque toute la ville se trouva engloutie. Des manques flagrants dans la chaîne de vigilance et d’alerte, la lenteur dans la réaction des élus et l’impréparation des services de secours, combinés aux effets des inégalités sociales et de la ségrégation raciale dans cette région du sud des États-Unis, ne firent qu’amplifier le chaos. Dix ans après, La Nouvelle-Orléans s’en remet à peine : l’agglomération, profondément traumatisée, a perdu un tiers de ses habitants.

Jusque récemment, pourtant, les pays dits « développés» se croyaient en sécurité, convaincus que les destructions seraient exclusivement réservées aux pays pauvres, et que les digues, les canaux et les systèmes de prévision, de plus en plus précis et sophistiqués, suffiraient à les garder définitivement à l’abri d’une submersion. Aux États-Unis, Katrina a été un premier coup de semonce. En France, on a pu penser que le pays serait épargné jusqu’à cette nuit de février 2010 qui voit passer la tempête Xynthia.

Sur les côtes de la Vendée et de la Charente, cette nuit-là, se produit un phénomène que les météorologistes considèrent encore comme exceptionnel : une dépression atmosphérique née au milieu de l’Atlantique à une basse latitude, près du tropique du Cancer, se transforme en tempête en touchant les côtes du Portugal, puis, après avoir remonté le golfe de Gascogne, déferle sur les côtes atlantiques françaises. Des rafales de vent de plus de 100 kilomètres par heure, conjuguées à un fort coefficient de marée1 entraînent une montée des eaux hors norme.

À la capitainerie du port des Minimes, à La Rochelle, on enregistre une pointe de vent à 77 noeuds, soit 142 kilomètres par heure. Presque partout les digues rompent ou sont submergées. Dans le sud de la Vendée et le nord de la Charente-Maritime, en quelques minutes, entre 3 et 4 heures du matin, les basses terres des communes de La Faute-sur-Mer, L’Aiguillon-sur-Mer, La Tranchesur- Mer, Charron et Aytré sont entièrement inondées.

Surprises dans leur sommeil, des milliers de personnes se retrouvent piégées par les eaux. La vague immense emporte tout, parfois jusqu’à un kilomètre à l’intérieur des terres. Pour la première fois, la Vendée et la Charente-Maritime avaient été placées en « vigilance rouge ». Mais personne n’avait prévu une submersion de cette ampleur.

Au matin du dimanche 28 février, la France se réveille horrifiée par les images de la catastrophe. Des lotissements entiers sont engloutis sous les flots. Des coquettes maisons blanches construites de plain-pied, l’on ne distingue plus que les tuiles des toits. Les rues, dévastées, charrient les effets personnels des sinistrés, des châssis de fenêtres, des meubles, de l’électroménager. Les services de secours dénombrent quarante-sept victimes, dont quarante-deux ont trouvé la mort chez elles, piégées par la montée des eaux. Le tribut le plus fort est payé par la petite station balnéaire de La Faute-sur-Mer, dans le sud de la Vendée, où l’on déplore vingt-neuf morts, dont trois enfants et un grand nombre de personnes âgées. Très vite il apparaît que sans la mobilisation des sapeurs-pompiers, des gendarmes et des hélicoptères de la protection civile, la tragédie aurait pu être encore plus grave : dans la nuit, quelque 1 500 personnes ont été sauvées de la noyade et de l’épuisement. Comme à La Nouvelle-Orléans après le passage de Katrina, les sauveteurs retrouvent les survivants sur leur toit, transis de froid et en état de choc.

Le lendemain de la tempête, le président de la République Nicolas Sarkozy se rend sur place et survole les zones sinistrées en hélicoptère. Les dégâts matériels sont importants : près d’un million de personnes sont privées d’électricité, la voie ferrée qui longe le littoral entre La Rochelle et Rochefort est fermée au trafic, et l’île de Ré est coupée en trois par la montée des eaux.

L’arrêté reconnaissant l’état de catastrophe naturelle est signé le jour même. Mais tandis que les services de l’État sont encore occupés à organiser les opérations de secours, des voix s’élèvent déjà pour dénoncer les risques auxquels étaient exposées les populations.

Car l’enfer vécu par les victimes soulève de nombreuses questions. Pourquoi la population a-t-elle été avertie de l’arrivée de la tempête, mais pas du risque de submersion ? Pourquoi n’y avait-il pas partout des plans de sauvegarde ? Comment a-t-on pu, surtout, laisser s’urbaniser des secteurs aussi exposés au risque d’inondation ?

Extrait de "La France en danger" d'Alice le Roy et Marc Lipinski, aux éditions Plon. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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