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Julien Dray : "Comme dans Le Malade imaginaire, la règle d'or sera la purge qui tuera le malade européen"
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Saignée

Le projet de loi sur la ratification du traité budgétaire européen - qui prévoit la fameuse "règle d'or" pour interdire les déficits - sera examiné, ce mercredi, en Conseil des ministres. Le texte divise le PS où des voix, comme celle de Julien Dray, s'élèvent pour demander un référendum.

Julien Dray

Julien Dray

Julien Dray est ancien député PS de l'Essonne. Il est actuellement conseiller régional d'Île-de-France.

Il est l'auteur de L'épreuve (Cherche Midi, 2009), livre dans lequel il revient sur l'affaire judiciaire à laquelle il a été mêlé, et de La faute politique de Jean-Luc Mélenchon, (Cherche Midi, 2014).

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Atlantico :  Le projet de loi organique autorisant la ratification du traité budgétaire européen est examiné, ce mercredi, en Conseil des ministres. Pourquoi êtes-vous opposé à ce texte ?  

Julien Dray : Ce traité est dangereux car il nous enferme dans des politiques d'austérité qui asphyxient les peuples. En entérinant la règle d'or, il prive les parlements nationaux de leurs marges de manœuvre et de leur autonomie en matière fiscale et budgétaire. La Cours de justice européenne pourra même prendre des sanctions en cas de non respect de cette règle.

Durant la campagne présidentielle, François Hollande avait promis de renégocier le traité européen. A-t-il tenu ses promesses ?

François Hollande a essayé de renégocier, mais il s'est heurté à l'inflexibilité d'Angela Merkel. Il y a eu certes quelques concessions en matière de relance avec notamment le fameux plan sur la croissance. Mais le montant de ce plan, environ 130 milliards d'euros, est totalement insuffisant au regard des besoins de l'Europe. Il y a 500 millions d'habitants en Europe. Pour être efficace, ce plan devrait être 10 fois plus important. Il n' y aura pas de gain d'activité économique.

Sur le plan des principes, c'est toujours bien que l'Europe se rende compte qu'elle a un rôle à jouer. Maintenant, c'est en masse sonnante et trébuchante que la réalité de ses intentions se mesurent. Et là, nous sommes loin du compte. Il faut une politique de grands travaux à l'échelle de l'Europe. La leçon de toutes les crises qu' à connu notre système économique sur ces cent dernières années, c'est que sans une intervention keynésienne de relance de la consommation et de la croissance, il n' y a pas d'issue. Il ne s'agit pas de faire des dépenses gratuites, mais des dépenses d'investissement.

Les politiques de rigueur ne sont-elles pas nécessaires pour réduire les déficits publiques ?

Il y a plusieurs manières de réduire les déficits. La méthode actuelle est celle de la purge. Mais comme le théâtre l'a montré avec le Malade imaginaire de Molière, la purge tue le malade en voulant le guérir. Les purges actuelles, qui ont touché la Grèce et l'Espagne et qui consistent à faire des coupes terribles dans les dépenses publiques, n'ont en aucune manière résolues la question des déficits. Au contraire, les plans de rigueur successifs n'ont fait que creuser la dette. Ces purges là ralentissent l'activité économique, le ralentissement économique crée des recettes fiscales moins importantes et ces recettes fiscales moins importantes obligent à de nouvelles mesures drastiques. Nous sommes ainsi plongés dans une spirale infernale. L’Europe risque de périr si elle ne se ressaisit pas. Inspirons nous du New Deal de Franklin Roosevelt durant la crise de 1929.

Vous aviez soutenu le traité constitutionnel en 2005. S’agit-il d’une volte-face de votre part sur la question européenne ?

J'avais appelé à voter "oui", mais la question de la règle d'or ne figurait nulle part dans le traité de 2005. En revanche, j'avais voté contre le traité d'Amsterdam qui déjà, à l'époque, imposait de ne pas dépasser les 3% de déficit. J'avais expliqué justement que cela constitutionnalisait une règle économique qui était une imbécilité ! L'histoire l'a d'ailleurs bien montré car en 2008, lors du déclenchement de la crise, cette règle arbitraire à volé en éclat et heureusement ! Pour éviter la faillite financière, tous les Etats ont été obligés de se mettre en mouvement. Il y a une cohérence entre ce que j'avais dit lors du traité d'Amsterdam et ce que je dis aujourd'hui. Le traité constitutionnel ne traitait pas de la question budgétaire.

Vous portez avec vous le poids de ces dernières années, vos ennuis judiciaires ou votre mise à l'écart durant la campagne présidentielle victorieuse de votre ami Hollande. On pourrait vous soupçonner de vouloir régler vos comptes…

Je ne réponds pas à cette question là ! Je veux bien parler du traité européen, le reste ne m'intéresse pas...

Vous avez contribué au congrès du PS en écrivant une pièce de théâtre. Après des années d’action politique, pourquoi avoir choisi de vous engager sous cette forme originale ?

C'était une manière très vivante de lancer le débat et de montrer que les choses n'étaient pas manichéennes. Je pensais que le théâtre pouvait amener plus facilement les gens à réfléchir que si j'avais dit simplement : c'est la pensée de Julien Dray, elle est à prendre ou à laisser.

Un récent sondage indiquent qu’aujourd’hui 64% des Français ne voteraient pas le traité de Maastricht… Comment expliquez-vous ce désamour entre les peuples et l’Europe ?

Malheureusement, le calcul qui avait été fait à Maastricht, qui était de créer une Europe politique et sociale à partir de  l'Europe économique du grand marché, n'a pas fonctionné. Il faut désormais un acte fort qui mette fin à cette construction européenne baroque et qui permette une réappropriation démocratique de l'Europe par les peuples. L'idée d'une assemblée constituante européenne serait une bonne réponse. Sur un certain nombre de questions, nous avons besoin de transferts de souveraineté, mais ces derniers doivent se faire au travers du Parlement européen avec un contrôle démocratique. Les élections européennes vont être un grand rendez-vous pour savoir si on peut faire une autre Europe, si le Parlement européen peut connaître sa nuit du 4 août et devenir un parlement souverain et si on continuera dans cette construction ubuesque de l'Europe qui progressivement a tué le beau rêve européen.

La ratification du traité budgétaire doit-elle être soumise à référendum ?

Vu l'importance de ce traité, il serait souhaitable qu'il y ait une consultation et que le référendum soit un élément de cette consultation.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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