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Mélenchon, le frustré…
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Portrait

Comprendre la personnalité et les ambitions des prétendants à la course présidentielle, c'est le défi que s'est lancé le collectif Sophocle, auteur du livre "Les Candidats et ceux qui vont compter en 2012", dont Atlantico publie les bonnes feuilles. Coup de projecteur sur l'un d'entre eux : Jean-Luc Mélenchon.

 Sophocle

Sophocle

Sophocle est un collectif anonyme d’une douzaine de journalistes politiques, qui publient Les candidats et ceux qui vont compter en 2012 (Editions l'Archipel, 2011).

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Fiche d’identité

Nom : Mélenchon

Prénom : Jean-Luc

Âge en 2012 : 61 ans

Terre d’élection : Essonne

Fonction principale : président du Parti de Gauche

Sur scène : « La gaaaauuuche, la vraie ! »

Dans la loge : « C’est mon tour… »

Message subliminal : « Sauveur de la gauche »

Comprendre : « Vous ne ferez rien sans moi ! »

Arme fatale : la formule qui tue

Défaut majeur : affectif

Qualité première : apparatchik d’expérience

Haine primale : Ségolène Royal

Mentor politique : « le Vieux » (François Mitterrand)

Secret inavouable : a été mitterrandolâtre, rocardolâtre, fabiusolâtre, emmanuelliolâtre, jospinolâtre, mélenchonâtre, finira président(e)degaucholâtre dès qu’il y en aura un ou une

Et voilà le référendum sur la Constitution européenne. Jean-Luc Mélenchon retrouve ses accents de gamin turbulent. Ilvante le non, comme Laurent Fabius. Tiens, tiens, un nouveau patron ? Il se trouve un public, qui vibre à ses discours enflammés. Que la chaleur d’une salle est agréable ! Que l’amour des militants est bon ! Il ne va pas tout de même pas rompre avec ce bonheur retrouvé, sous

prétexte que le oui l’a emporté au PS ! Il continuera à faire campagne pour le non !

Il s’enflamme, Jean-Luc, il a retrouvé l’amour de sa famille, celle des militants. Il est juché sur un petit nuage. Il tient meeting avec Marie-George Buffet, Olivier Besancenot, José Bové. Et là, mais oui ! Il est écouté, applaudi, acclamé !

Pense-t-il à Pivert qui a fondé son propre parti après avoir été exclu de la SFIO ? Pas encore. Il se voit plutôt établir le lien entre le PS et cette gauche du non. Il deviendrait un maillon indispensable, au cœur du dispositif. La position idéale pour tout contrôler. François Hollande ne lui fera pas cet honneur de l’exclure, et puis Jean-Luc Mélenchon croit encore possible de se trouver un patron au PS en la personne de Laurent Fabius. Il n’a pas compris qu’en participant à la victoire du non l’ancien Premier ministre avait gâché pour longtemps ses chances de présidentiable.

Quand, fin 2005, avant le congrès du Mans, Julien Dray, qui a rejoint François Hollande, le convie au café Le Rostand, pour tenter de le remettre dans la boucle, les sens du stratège Jean-Luc Mélenchon sont bien émoussés. Il ne voit pas la porte entrouverte par son ancien complice. Installé à la terrasse qui fait face aux jardins du Luxembourg, il ne voit que ces sympathisants qui viennent lui serrer la main, en le félicitant pour sa prise de position.

Pour une fois que c’est lui, la star ! Que c’est lui que l’on vient encourager. Que c’est sur son épaule que l’on vient taper ! Il ne nourrit aucun sentiment de vengeance vis-à-vis de Julien Dray, lequel d’ailleurs n’en a aucun en retour. Il s’agace simplement de ne pas réussir à faire passer son message : « Il faut que tu nous laisses baffer Fabius ! Et après on discute avec les gens du non…
— Oui, oui, répond distraitement Jean-Luc Mélenchon, il faut bien me traiter. »

Il ne sort de cette torpeur ravie que bien après le congrès du Mans, quand il se rend compte que Ségolène Royal a pris dans la course à l’Élysée la place qu’il croyait promise à Laurent Fabius. Il ne lui reste plus qu’à attendre le bon moment pour claquer la porte de la rue de Solferino.

C’est chose faite au mois de novembre 2008, quand il est sûr et certain de ne plus rien pouvoir grappiller au sein du PS. Il quitte son parti avec grandiloquence. Il ne supporte qu'on n’ait pas le moindre doute sur la spontanéité de sa démarche. Il contraint un journaliste dont les questions sont trop insistantes, et qu’il ne connaît pas, à lui donner le numéro de téléphone de sa rédaction. Il est convaincu qu’il s’agit d’une manœuvre de la rue de Solferino pour le déstabiliser !

Comme Marceau Pivert, il crée donc son parti. Comme lui, il étudie les mouvements de gauche en Amérique du Sud. Le parcours du Vénézuélien Hugo Chávez le fascine. Il se voit porteur d’une fonction tribunicienne abandonnée par la gauche. Il veut créer un lien direct avec le peuple. Il vante la démocratie représentative. Pour cela, il lui faut faire exploser à la fois le système politique qui ne connaît que le PS et le système médiatique pour les mêmes raisons.

S’il s’empaille avec les journalistes : c’est le fruit de cette stratégie. Voilà les journalistes aussi décriés que la classe politique. Quand il s’en prend méchamment à la « petite cervelle » d’un étudiant en journalisme, il bondit de deux points dans les sondages. Il a très bien compris que la plupart des journalistes étaient corporatistes. S’il s’en prend à une vedette comme David Pujadas, qu’il traite de « salaud » et « larbin des puissants », c’est toute la corporation qui bondit, de Patrick Cohen à Nicolas Demorand.

Il exulte ! Il croit se dessiner ainsi un profil de héros révolutionnaire. Et il se prend tellement à son propre jeu, il se vit à ce point comme un révolutionnaire sud-américain, qu’en novembre 2010, dans  Les Inrockuptibles, il fustige en ces termes ses anciens camarades socialistes : « J’ai gagné mes galons dans la bataille contre les dictatures ! Et eux ? »

Nous avons eu beau chercher, nous n’avons pas trouvé de quelles dictatures il pouvait bien s’agir.

Mais Jean-Luc Mélenchon flirte de plus en plus avec la ligne jaune. Une caricature de Plantu le plaçant à côté de Marine Le Pen le met hors de lui et il s’en prend au dessinateur avec une agressivité surprenante. À longueur d’interviews, il critique violemment et exclusivement Dominique Strauss-Kahn. Publiquement et plus discrètement, certains bons camarades et amis lui font comprendre que les clignotants se mettent au rouge. D’autres, moins aimables, se rappellent son ancien surnom au PS, « le méchant con ».

Jean-Luc Mélenchon ne fait pas tout cela pour être détesté. Surtout pas. Il veut, encore et toujours, être aimé, retrouver une famille politique. Faute de patriarche auprès duquel jouer le gamin turbulent, il se dit qu’il pourrait bien fonder sa propre maison avec les cousins communistes.

Il suffirait de porter ce credo à la présidentielle de 2012. Ce serait alors lui, le héros, le sauveur ! Mais les communistes ne sont pas si faciles à amadouer. Les sondages marquent le pas au profi t d’Olivier Besancenot. Jean-Luc Mélenchon comprend qu’il lui faut mettre de l’eau dans son vin. Il attaque moins frontalement le PS.

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Extrait de Sophocle,Les candidats et ceux qui vont compter en 2012(Editions l'Archipel, 2011).

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