Jacques Soppelsa : "De nombreuses démocraties sont plongées depuis une ou deux décennies dans un environnement de "culpabilisation civilisationnelle""<!-- --> | Atlantico.fr
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Charles Michel, Joe Biden, Boris Johnson, Mario Draghi et Emmanuel Macron posent pour la photo de famille au début du sommet du G7 à Carbis Bay, Cornwall, le 11 juin 2021.
Charles Michel, Joe Biden, Boris Johnson, Mario Draghi et Emmanuel Macron posent pour la photo de famille au début du sommet du G7 à Carbis Bay, Cornwall, le 11 juin 2021.
©PATRICK SEMANSKY / PISCINE / AFP

Géopolitique

Jacques Soppelsa publie "La mondialisation dangereuse, vers le déclassement de l’Occident ?" avec Alexandre del Valle aux éditions de L'Artilleur. Assistons-nous au déclin de l’Occident comme l’évoquait le philosophe allemand Oswald Spengler ou à une désoccidentalisation de la mondialisation ?

Jacques Soppelsa

Jacques Soppelsa

Jacques Soppelsa est normalien, agrégé, docteur d’Etat, ancien président de l’université Paris I – Sorbonne où il a détenu l’unique chaire officielle de géopolitique en France. Il fut conseiller culturel, scientifique et de coopération auprès des ambassades de France aux Etats-Unis et en Argentine. Auteur d’une vingtaine d’ouvrages, il a présidé l’Académie internationale de géopolitique.

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Atlantico : Vous publiez avec Alexandre del Valle « La mondialisation dangereuse, vers le déclassement de l’Occident ? » aux éditions de L’Artilleur. Vous avez été titulaire, en 1978, de la première chaire de Géopolitique, recréée en Sorbonne, après des décennies de mise à l’écart de cette discipline. Vous avez contribué à forger les pionniers de l’école française de géopolitique, vous avez-vous-même participé à la formation de nombreux éminents géopolitologues. Vous évoquez dans votre ouvrage les tendances lourdes, les variables contemporaines, les nouveaux défis ainsi que de nombreuses thématiques comme la suprématie chinoise, l’islamisme, la crise sanitaire, les défis environnementaux et démographiques… Assistons-nous au déclin de l’Occident comme l’évoquait le philosophe allemand Oswald Spengler, à une démondialisation ou à une désoccidentalisation de la mondialisation ?

Jacques Soppelsa : Déclin de l'Occident?

C'était effectivement le titre, il y a bientôt un siècle, de l'ouvrage du philosophe allemand Oswald Spengler, alors même qu'à son époque, ledit  Occident dominait le monde quasiment dans tous les  domaines... Ce qui, de facto, restait valable jusqu'à l'aube du XXIème siècle, avec la  disparition de l'URSS et du système bipolaire sécrété par Yalta. Aujourd'hui, toute analyse objective des réalités géopolitiques ne peut que souligner un constat: l'Occident est en voie de paupérisation. Un état de fait qui est lié à la conjugaison de plusieurs facteurs: l'émergence de nations aspirant au statut de "superpuissance", comme la Chine, voire l'Union Indienne; la réapparition de la Russie de Poutine; l'intrusion insidieuse, au coeur du monde occidental, des firmes transnationales. Et la faiblesse des démocraties occidentales face à l'ampleur croissante de certaines menaces, de la criminalité organisée aux migrations mal contrôlées, en passant un terrorisme international lié notamment à un islamisme radical longtemps encouragé par l'Occident lui-même.

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Assistons-nous à une démondialisation ou à une désoccidentalisation de la mondialisation ?

Y a-t-il des signes d’espoir ou des pistes vertueuses ? Le temps de la mondialisation heureuse est-il révolu ?

Oui, "le temps de la mondialisation heureuse" est révolu. Mais la "démondialisation" est-elle viable? Cette dernière (si, comme nous, on la  définit comme "une redistribution des centres économiques et géopolitiques") est effectivement susceptible de prendre  à contrepied les effets pernicieux de la mondialisation.

Mais ceci, nous semble-t-il, passe par la concrétisation de nouvelles orientations politico économiques. Nous songeons en particulier à la nécessité de contrôler plus rigoureusement les migrations internationales, à privilégier à l'échelle de nos nations les secteurs novateurs créateurs d'emplois, à interrompre rapidement le néfaste processus de délocalisation, à la mise en place de taxes douanières plus fortes aux pays adeptes du dumping social et, en contribuant à une véritable promotion d'un protectionnisme intelligent. Comme se plaisait à le dire Jimmy Carter, "why not the best?"

Le procès des attentats du 13 novembre 2015 et les commémorations du 11 septembre ont à nouveau placé au cœur de l’actualité la question du terrorisme. Quel est l’état de la menace terroriste pour l’Occident ? Quelles sont les principales évolutions vis-à-vis du concept Jihad vs McWorld ?

Quid  de l'évolution de la menace terroriste?

Les principales causes "historiques" rendant compte de l'essor du terrorisme international, toujours présentes, sont confortées aujourd'hui par l’impact de nouveaux facteurs: rôle des communications mondiales, nouvelles technologies de l'information, succès de l'islam politique, qui offre indéniablement un cadre plus que jamais favorable  à la diffusion de l'islamisme radical... De grandes "centrales" djihadistes absorbent désormais maintes guérillas islamistes, voire des mouvements séparatistes par essence strictement localisés. En outre, si les attaques terroristes pourront continuer à s'appuyer sur des armes conventionnelles, l'intérêt des terroristes pour des armes plus sophistiquées (biologiques, chimiques, nucléaires... va grandissant. Enfin, grâce aux nouvelles technologies de la mondialisation digitale marchande, n' importe qui peut désormais se radicaliser seul.

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La pré-campagne électorale est marquée par des thématiques liées à l’immigration, à l’identité, à la mondialisation, au choc démographique ou bien encore à l’insécurité, notamment suite à l’essor d’Eric Zemmour. Après les bouleversements de la crise sanitaire, ces enjeux seront-ils les moteurs pour de futures réformes majeures en France ou est-ce le signe d’un certain déclinisme ? Le phénomène Zemmour en France ou Orban en Hongrie sont-ils des signes du réveil des peuples d'Europe ou de la revanche de la théorie de Samuel Huntington sur le choc des civilisations ?

Les mouvements populistes émergeant ici ou là en Europe, une "revanche" de Samuel Huntington?

Indéniablement. De nombreuses démocraties sont plongées depuis une ou deux décennies dans un environnement de "culpabilisation civilisationnelle".

Relisons  son "Clash of civilizations", publié il y a  bientôt trente ans. Huntington y développe une idée clef  : la transition  des relations entre Etats-nations  à celles impliquant des "aires culturelles" sera inéluctable; et de décrire  "une nouvelle rivalité globale entre, d'une part, les démocraties occidentales et le reste du monde, en particulier le monde sino confucéen  et le monde musulman", sans négliger pour cela, en changeant d'échelle, l'importance des "fractures civilisationnelles" à l'intérieur de ces mêmes zones culturelles; un constat à nuancer de facto selon les territoires observés, mais, dans ses grandes lignes, loin d'avoir été démenti par les faits.

Même s’il est encore trop tôt pour tirer des enseignements des mille et une leçons de la crise sanitaire, la pandémie de Covid-19 n’est-elle pas le symptôme des limites de la mondialisation et de la thèse développée dans votre ouvrage ? L'Europe n’est-elle pas le « dindon de la farce » de la mondialisation marchande ?

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Oui, l'Europe est bien le "dindon de la farce"...

L’Union européenne, depuis de nombreuses années, a montré systématiquement moultes preuves de faiblesse et affiché, c'est le moins que  l'on puisse  écrire, peu d'initiatives positives au plan géopolitique. Sa voix, mais parlons plutôt des voix discordantes de ses membres, sont de moins en moins audibles dans l'actuel concert des Nations. Un constat qui nous semble en partie lié à la structure interne de la bureaucratie bruxelloise et à ses pesanteurs,  mais aussi, peut-être, à son élargissement peu ou mal contrôlé. Un élargissement qui a vraisemblablement joué un rôle clef dans l'ampleur des  disparités, voire  des incohérences de la politique internationale de l'Union européenne. La "gestion" récente de la crise sanitaire en est malheureusement une cruelle illustration.

Comment expliquer que les démocraties occidentales aient le plus grand mal à défendre les intérêts de leurs citoyens ? La crise économique et financière de 2007-2008, sanitaire et économique de 2020-2021, la menace terroriste et les risques environnementaux sont-ils le reflet du manque de prévision et d’éthique de responsabilité des dirigeants ? Le court-termisme a-t-il conduit au désordre mondial ?

Le déclin des sociétés occidentales (avec peut-être quelques nuances, les Etats-Unis nous paraissant moins affectés que les nations européennes) nous paraît lié à la persistance de nombreuses "failles".

On peut ici évoquer l'évolution du contexte démographique mondial, l'explosion inouïe et inédite, en la matière, des pays du Sud, du Tiers Monde cher à Sauvy; le malthusianisme de la plupart des sociétés occidentales, avec ses conséquences au plan des migrations internationales, le processus de désindustrialisation et de délocalisation accélérée, avec leurs conséquences désastreuses sur le contexte économique de la plupart  des pays de la vieille Europe. Et le fait que nombre de ces  derniers semblent baigner, comme le souligne Alexandre Del Valle, "dans une atmosphère mortifère de culpabilisation civilisationnelle et de haine de  soi".

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Retrouvez des extraits du livre de Jacques Soppelsa et Alexandre del Valle sur Atlantico : 

Assistons-nous à une démondialisation ou à une désoccidentalisation de la mondialisation ?

Géopolitique du Covid-19 : les conséquences de l’impact économique de la crise sanitaire à l’échelle planétaire

Jacques Soppelsa et Alexandre del Valle ont publié « La mondialisation dangereuse : vers le déclassement de l’Occident ? » aux éditions de L’Artilleur

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