L’Italie est-il le pays le plus proche d’une sortie de la zone euro ?<!-- --> | Atlantico.fr
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En 16 ans au sein de l'Union européenne, l'Italie n'a connu qu'un faible progrès de son PIB.
En 16 ans au sein de l'Union européenne, l'Italie n'a connu qu'un faible progrès de son PIB.
©Reuters

Sur la touche

En 16 ans au sein de l'Union européenne, l'Italie n'a connu qu'un faible progrès de son PIB. Aujourd'hui dans une situation qui n'est pas si éloignée de celle de la Grèce, elle doit faire face au mécontentent grandissant de sa population à l'encontre de l'UE. Sans parler d'intérêt politique ou économique, la rupture entre le peuple italien et l'Union pourrait bien être consommée.

Cinzia Alcidi

Cinzia Alcidi

Cinzia Alcidi est économiste au Centre for European Policy Studies (CEPS) de Bruxelles.

 

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Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Après 16 années dans la zone euro, le PIB Italien n'a progressé que de 4,6%. Dans le même temps, le sentiment anti-euro a continué de progresser au sein de la population du pays. Un tel contexte, aussi bien politique qu'économique, fait-il de l'Italie la plus grande menace pour l'intégrité de la zone euro ?

Nicolas Goetzmann : Selon une étude publiée en juin dernier par le Pew Research Center, seule 11% de la population italienne considère positivement l’intégration économique européenne, contre 59% en Allemagne ou 31% en France. L’Italie est donc, de fait, le pays le plus proche d’une rupture entre sa population et le projet européen. De plus, la taille du pays, comme économie majeure de l’ensemble, donne un relief important à une telle situation. Le niveau de chômage actuel, à 12,4%, et l’incapacité à retrouver les chemins de la croissance ne sont que les moteurs de ce sentiment de défiance.

La question n’est donc même pas de savoir si l’Italie a intérêt à quitter la zone euro ou non, mais de savoir si le sentiment qui se diffuse actuellement ne mérite pas que l’on s’y attarde un peu plus. Après l’"expulsion" de  Sylvio Berlusconi de son poste de président du Conseil, notamment après l’envoi d’une lettre de Jean-Claude Trichet, et son remplacement de façon plutôt curieuse par Mario Monti, afin de mettre en place une politique de serrage de ceinture, la population n’a jamais pu obtenir de résultats concrets. Pour que ce type de situation soit validée, au moins à postériori, par la population il serait nécessaire d’avoir des résultats, qui pour le moment ne viennent pas. Il est peut-être temps de passer à autre chose pour sortir le pays de sa stagnation.

Cinzia Alcidi : Il est évident que le soutien pour l'Europe et l'euro en Italie a diminué de façon spectaculaire dans les dernières années. Désormais, plusieurs partis politiques transversaux (de différentes orientations comme le Mouvement 5 étoiles, la Ligue du Nord, le parti lié à Berlusconi) ont des positions anti-euro plus ou moins explicites. La classe politique, avec sa rhétorique et son incapacité à promouvoir des choix de long terme dans l’intérêt du pays, combiné avec la mauvaise performance économique, sont les principaux responsables de ce sentiment de déception et même d’hostilité dans la population.

L'Italie aurait eu des résultats médiocres, même sans l'euro. Les problèmes structurels et la faible qualité des institutions sont les raison pour lesquelles le pays n'a jamais connu un boom avant 2008. L’évolution du discours politique en Italie déterminera de manière importante si elle représentera une vraie menace pour l'intégrité Européenne.

Comment expliquer une telle contre-performance économique ? Quelle part de cette stagnation est-il possible d'attribuer à la seule responsabilité du pays ?

Nicolas Goetzmann : Il s’agit déjà de reprendre les choses à l’endroit. L’économie italienne a progressé de près de 15% entre son arrivée dans la zone euro et la crise de 2008. A ce moment, le chômage du pays était inférieur à 6% soit un chiffre inférieur à celui de l’Allemagne à cette date. De plus, la dette avait été réduite d’une position supérieure à 120% de dette sur PIB à la fin des années 1990 à 103% en 2008, soit un énorme effort de réduction. Une baisse de plus de 15 points par rapport au PIB, et ce avec un déficit budgétaire de 1.5% en 2008. C'est sans équivalent pour un pays de cette taille, à cette époque, au sein de la zone euro.

Ce qui signifie que la position italienne était plutôt favorable lors de son entrée en crise. Il est donc difficile de pointer la prédominance des problèmes structurels de l’économie italienne pour ce qui se passe aujourd’hui. C’est bien la crise qui a enfoncé le pays dans son trou actuel, et qui fait apparaitre un niveau de PIB 2015 inférieur de 10 points à celui de 2008, ce qui permet quand même à l’Italie de présenter un bilan global aussi défavorable que la Grèce, entre 1999 et 2015. 

Cinzia Alcidi : Il est très difficile d'établir un lien de causalité entre l'euro et la faible performance économique du pays. Le monde a beaucoup changé au cours des 20 dernières années. La technologie, la mondialisation, l'émergence de nouvelles puissances hautement concurrentielles ont modifié considérablement la production, l'environnement des affaires et même la société.

L’Italie (ou au moins une partie de celle-ci) n'a pas été en mesure de rester compétitive. Il est très difficile d'isoler quel facteur a déterminé quoi. Ce qui est sûr c’est qu' au cours des deux dernières décennies et jusqu'à récemment, tous les indicateurs de gouvernance ont empiré en Italie, signalant que les vieux problèmes structurels du pays n'ont pas été abordés, d'une part, et ont augmenté d'autre part.

Quelle part attribuer au fonctionnement de la monnaie unique ? Notamment depuis la crise de 2008 ?

Nicolas Goetzmann : Depuis 2008, la zone euro est enfermée dans une politique de restriction monétaire qui est très défavorable à l’Italie. En comprimant de fait le PIB du pays, la dette et les déficits ne pouvaient qu’augmenter... et ce de façon parfaitement mécanique. Les différentes mesures d’austérité mises en place depuis lors n’ont fait que participer à ce marasme. Non pas que ces réformes étaient infondées par nature, mais parce qu’elles n’ont pas été accompagnées d’un plan de relance permettant d’en absorber le choc.

Pour que le pays puisse retrouver des marges de manœuvre, il lui est nécessaire de bénéficier d’une politique monétaire plus favorable, plus souple. C’est le chemin qui a enfin été pris par la Banque centrale européenne au début de l’année 2015, en lançant son plan d’assouplissement quantitatif de 1000 milliards d’euros. Il s’agit de la meilleure nouvelle pour l’économie italienne depuis 2008. Mais ce plan est encore insuffisant au regard des besoins du pays.

Cinzia Alcidi : Avant l'introduction de l'euro, l'Italie avait systématiquement recours à la dévaluation de sa monnaie pour doper l'économie à chaque ralentissement. L'euro a levé cette option mais comme dit plus haut, le monde a changé depuis les années 1990. Il est peu probable que cette solution continue de fonctionner durablement à l'avenir comme elle le faisait dans le passé.

La crise a dévoilé le problème de la dette publique Italienne. Les turbulences sur les marchés de la dette souveraine en 2011 et 2012 ont effrayé. Pour s'attaquer à ce problème, les réductions de dépenses publiques sont inévitables. C'est vrai dans la zone euro comme en dehors. Deux trillions d’euros de dette publique ne relèvent pas la faute de l'euro. Il est naïf de croire que quitter la zone euro serait la solution miracle pour la croissance et pourrait permettre une politique budgétaire expansive. C’est une erreur.

Comment permettre une amélioration de cette situation ? Aussi bien du point de vue national qu'européen.

Nicolas Goetzmann : Outre le problème structurel européen, c’est-à-dire la nécessaire mise en place d’une politique monétaire bien plus agressive que celle menée actuellement, l’Italie est quand même confrontée à des problèmes internes. La croissance de la productivité du pays a été très décevante, même au cours des belles premières années de la zone euro. La faible croissance de la population active du pays ne permet pas non plus d’anticiper de forts taux de croissance pour les années à venir. Cependant, l’intégration des chômeurs dans le marché de l’emploi et un plus fort taux de participation des femmes à la population active permettrait déjà de donner un coup de fouet à l’économie du pays. 

Cinzia Alcidi : L’Italie a désespérément besoin d’améliorer la qualité de ses institutions. Réduire la corruption, assurer la primauté du droit et améliorer la qualité de l'administration publique et du système judiciaire. C'est la condition nécessaire pour que l'économie se remette sur la bonne voie et pour que la monnaie unique fonctionne correctement. Ces tâches sont sous la responsabilité nationale, que l'UE ne peut que recommander. Il est certain que l’Europe devrait rendre ces changements plus faciles et non plus laborieux.

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