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Industrie du futur et mort des emplois ?
©REUTERS/Stephane Mahe

Les entrepreneurs parlent aux Français

Comment transformer fatalité en opportunité.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Il y a le phantasme. La réalité. Et la vision. Si l’on ne corrige pas le phantasme, on nie la réalité. Et vivre en dehors de la réalité interdit la réflexion. Si on n'a pas de vision on subit la réalité et insulte l’avenir. Une visite passionnante chez Gys, une industrie de soudure de nouvelle génération m’en a appris bien plus que beaucoup de lectures et conversations de salon. Une fois de plus, le réel a plus de goût et de saveur que le virtuel ! Merci à Bruno Bouygues, membre de Parrainer la Croissance et inlassable dénicheur de développement international, d’avoir été mon bâton d’aveugle.

Commençons par le purgatoire, la zone grise, entre phantasme et réalité. La robotisation tue totalement l’emploi. Vrai et faux. La robotisation et l’automatisation sont 2 notions bien séparées. Notre fameux robot, qui n’a pas forcément 2 jambes et ne s’appelle pas toujours « NONO », remplace le travail totalement répétitif, sans valeur ajoutée, sans personnalisation. La robotisation est allergique à la non répétition, et la moindre variation l’insupporte. Donc, oui, la robotisation a déjà depuis longtemps chassé l’emploi « bas de gamme » et répétitif, qui est encore le commun de l’activité pour de nombreuses industries manuelles, pratiquées notamment en Afrique et Asie, et qui prive d’emploi potentiel, aussi tristes en soient les conditions, et futur les ouvriers non qualifiés. Donc la tâche répétitive, industrielle, par des non qualifiés est morte. Et c’est une mauvaise nouvelle pour ceux dont c’était le seul espoir, notamment chez les émergents.

En revanche, dans une industrie, de haute tenue, capable et obligée de répondre à la demande du client et personnaliser le produit, la robotisation est impuissante. Ou plus limitée. Elle demande un ouvrier de meilleure qualification, qui monte en compétence et trouve un travail moins répétitif, moins pénible et plus motivant. Mieux payé parfois aussi. C’est donc une bonne nouvelle. C’est plus de la transformation d’emploi que de la création, bien entendu, en tous cas à périmètre constant et croissance faible. Mais ce n’est pas de la destruction nette. Loin de là.

Première leçon, une industrie de haut niveau, précise et personnalisable, à forte valeur ajoutée, entraîne une transformation des emplois peu qualifiés vers des emplois plus qualifiés sans les détruire de façon massive. La solution, poussée, criée, prônée par tous, mais qui demande soutien et financement massif pour sa transformation, c’est donc de transformer notre industrie pour la rendre plus fine et différenciée, vendre plus cher, faire plus de marge ou la maintenir et ainsi investir et embaucher !

Réalité. L’automatisation va tuer des emplois. Oui c’est vrai. Mais pas ceux que l’on croit et pas seulement. L’automatisation est la recherche minutieuse, pour capter toute répétition dans une tâche même qualifiée, de l’opérateur de centre d’appel dont 80% des réponses sont les mêmes à des questions qui sont toujours les mêmes aux calculs de rentabilité réalisés par le gestionnaire de fortune, ou l’audit fait par l’auditeur de comptes de sociétés, dont une large partie du travail est en train de basculer du côté algorithmique de la force !

L’économie digitale qui dépend des hommes (livraison, chauffeurs, centre de relation client..) et perd de l’argent (deliveroo, blablacar, Uber etc..) ne cherche qu’une chose : Supprimer l’être humain pour devenir rentable. Amazon ne rêve que de drônes quand Jeff Bezos cesse de compter sa fortune en « trillion », ce qui lui prendra plusieurs vies. Ce qui tombe bien puisque Google lui promet ou l’éternité ou la mort au delà de 120 ans. Donc la pression sera à la disparition de la masse d’heures affectées jusqu’alors à des tâches pour lesquelles l’automatisation va s’imposer. C’est ainsi que le radiologue disparaîtra en partie, comme l’auditeur.

Seconde leçon. L’automatisation n’est pas un petit robot en plexi mais un calcul algorithmique, couplé à l’IA et la voix, voire d’autres sens demain, qui remplace une partie (ou tout) d’un travail jusqu’alors fait par un homme. Pour le meilleur, en supprimant le côté roboratif, lassant et répétitif, et en le poussant vers des tâches à plsu forte valeur ajoutée. Pour le pire, en le remplacant totalement ou presque (centres d’appels avec les chatbot et à 80% pour l’auditeur ou le radiologue, 100% pour le chauffeur poids lourds en 2023 grâce aux autoroutes et camions connectés et autonomes).

Donc oui le couple infernal, automatisation et IA va faire des ravages, dans une économie qui se digitalise et cherche à réduire la place de l’homme, en trouvant parfois une transformation de ses tâches, mais pas en quantité suffisante pour compenser la perte. Ce qui est vital à sa rentabilité sera fatal à l’humanité. Si l’on intègre dans le calcul l’Afrique et l’Asie, l’Amérique du Sud, qui comptaient sur ces jobs pour atteindre l’emploi et sortir du seuil de pauvreté.

En revanche, chez Gys et ses équivalents, l’automatisation a permis, là aussi d’affecter, par la formation, des employés vers de nouvelles tâches et plus de polyvalence. Car la clé d’un monde qui réclame de l’adaptabilité et de la créativité, sera la flexibilité, dans le contenu et le contenant du travail. Les rigueurs sont le propre des morts rarement des vivants. C’est la raison pour laquelle on l’appelle la rigueur mortelle. Et notre droit, nos conventions, nos normes excessives poussent à la mort plus qu’à la croissance. On grandit rarement dans une tombe !

Sous leçon 2. L’industrie de haute qualification, non roborative est moins, voire pas, pénible. Loin du phantasme du coup de grisous et de la mine, l’industrie de haute tenue n’est PAS pénible. J’ai cherché du regard et observé des heures à Laval, les ouvriers. Leurs tâches ne sont pas toujours passionnantes, comment pourrait il en être autrement, mais rien de pénible au sens « cégétiste ou mélanchonnien » du terme. Et en plus la variété et la polyvalence atténue tout cela pour faire des ouvriers qui semblent sincèrement super heureux et fiers de leur travail et entreprise.

Troisième leçon. L’industrie se digitalise, le client reste physique. La digitalisation de la relation client, directement ou via les distributeurs, déshumanise la relation, la rend parfois fluide sur le papier, mais complexe, car les distributeurs, manient tellement de références, qu’ils ne les connaissent plus en détails. Cela reporte tout sur le service client du fabricant. Et si l’industrie a perdu des ouvriers peu qualifiés, elle créé des jobs liés à la relation client. A nouveau, à l’échelle des 30 dernières années et des 30 prochaines, certainement pas dans la même proportion, mais oui, elle offre de nombreuses perspectives d’emplois liés au frottement client. Gys a ainsi créé un « front office » client de plus plus développé. Des emplois en plus.

Quatrième leçon (sur un total de 10 que vous aurez le bonheur de découvrir la semaine prochaine, pour éviter l’ivresse liée au bonheur). Amazon tue. Difficile de ne pas voir que l’extraordinaire réussite de Bezos, qui reste pour moi l’entrepreneur de la décennie, au sens vision et exécution du terme, reste aussi le fossoyeur de notre économie.

Toutes les premières études, difficiles néanmoins, prouvent que la création démesurée de valeur boursière est à la hauteur de la destruction massive de valeur qui lui est consécutive. Ce qu’aime la bourse n’est pas forcément bon pour celle du monde. Producteurs asséchés à la façon dont la grande distribution a asséché nombre de producteurs français en 30 ans. Distributeurs menacés, car Amazon fait vite, mieux et moins cher. Dumping social ou presque, quand on considère la qualité, les salaires et les conditions de travail offertes par le géant.

On peut se réjouir d’emplois créés dans le Nord, qui facilitent les déplacements de notre Président. Mais à terme, la traduction électorale sera douloureuse, car les gens restent malheureux. Leurs jobs restent tristement roboratifs et non valorisés. Et impossible d’y évoluer. Pour eux, demain restera aussi terne qu’aujourd’hui, ce qui est la recette d’un monde qui continuera à croire bien plus au passé qu’à l’avenir. Et votera pour ceux qui le lui promettent.  Great Again n’est pas la promesse d’un avenir meilleur, mais d’un retour au passé. Le monde ne sait pas avancer en reculant. N’est pas Mickael Jackson qui veut !


Suite des leçons de terrain apprises chez Gys, la semaine prochaine. 

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